Un jeune couple s’installe dans un appartement neuf, vide et dans lequel eau, gaz et électricité sont commandés par la simple expression de leur amour. Mais une partie de leur voisinage, obnubilé par un frénétique besoin de possession, finit par les convaincre de la nécessité de s’équiper en biens mobiliers et électroménagers. Peu à peu, le couple se détourne de son bonheur initial…
- Titre original : Aprili
- Titre parallèle : April
- Titre parallèle : Abril
- Titre parallèle : Avril
- Année de production : 1961
- Année de sortie d'origine : 1962
- Date de sortie en France : —
- Format d'origine : 35
- Métrage d'origine : 1290 m
- Réalisateur : Otar Iosseliani
- Scénaristes : Otar Iosseliani, Erlom Akhvlediani
- Société de production : Kartuli Pilmi (Tbilissi)
- Directeurs de la photographie : Levan Patachvili, Yuri Fednev
- Compositeurs de la musique originale : Natela Iosseliani, Sulkhan Nassidze
- Monteur : Otar Iosseliani
- Interprètes : Tania Tchantouria, Guia Tchirakadze, Alexandre Tchikvaidze, V. Maisouradze, A. Djorbenadze
Cette copie a été tirée par la Cinémathèque française en 2006 à partir d’un élément nitrate provenant de ses collections.
Informations techniques sur les copies
Année du tirage | Procédé image | Version | Métrage | Cadence | Minutage | Format |
---|---|---|---|---|---|---|
2006 | Noir et blanc | Géorgien | 1294 m | 24 i/s | 47 min | 35 |
Projections notables (avec accompagnement musical)
Date de projection | Lieu | Accompagnement musical | Commentaire |
---|---|---|---|
2002-02-14 | Cinémathèque française | Intégrale Otar Iosseliani |
Après Akvareli, Otar Iosseliani revient à un mode de narration qui lui convient parfaitement : celui de la fable. «Le thème de Aprili est très simple, explique-t-il, c’est un film sur une forêt qui a été abattue pour fabriquer des meubles avec lesquels le petit appartement d’un couple est envahi; les laissant sans espace pour l’amour ni pour la légèreté[1]». L’abattage démesuré des forêts par les fabricants de meubles est favorisé par une population avide qui pousse le jeune couple candide à adopter une mentalité de petit-bourgeois en consommant à outrance des biens matériels sans utilité. Cette obsession de l’accumulation et de la protection des biens dont ils sont devenus propriétaires plonge le couple dans la frustration et dans un désarroi propices aux disputes. Finalement, ces occupations routinières et matérialistes sont finalement rejetées au profit des richesses spirituelles (l’art, la musique) et du partage.
L’influence sociale favorise-t-elle la convoitise, la bêtise et le cloisonnement? À la manière de Jacques Tati dans Mon Oncle, Iosseliani défend avec humour et poésie un attachement à certaines valeurs immuables et à la nature. Comme Tati également, il retire la parole aux hommes pour la distribuer aux objets qui ont pris le contrôle et parasitent les relations humaines. Le jeune cinéaste bénéficie pendant deux mois de l’usage d’un studio de son, de quoi lui laisser le temps d’expérimenter et d’inventer en toute liberté une minutieuse bande son. Les bruits ne sont plus de simples effets mais des éléments dramatiques. Il joue sur l’usage de contrepoints sonores, comiques et métaphoriques, pour appuyer son propos et il redonne à la musique (ici une musique populaire géorgienne) sa place d’honneur. Aprili fait figure d’un film muet sonorisé. La bande son participe au rythme tout autant que le montage des images. Dans une scène de dispute, bien que le sens des paroles soit explicite, l’unique dialogue audible n’est pas traduit (comme c’est souvent le cas, Iosseliani considérant le dialogue comme secondaire). Le jeu des regards et la chorégraphie y sont si admirablement mis en scène et montés en ellipse qu’ils donnent toute leur dimension au caractère systématique de ces disputes. D’une manière générale, Iosseliani rythme son film par l’emploi du montage en ellipse, dont la maîtrise apporte à la narration une extraordinaire dimension poétique.
Le film est interdit par la censure. «Cette recherche obsessive des symboles d’opposition au régime a donné au film une importance disproportionnée, déclare Iosseliani. Les fonctionnaires recherchaient des symboles dans les films à tous les niveaux de lecture, le public aussi mais à un degré différent. […]Le film a été interdit «pour toujours». Quand nous le voyons aujourd’hui, on voit bien que c’est un petit film, rien de spécial, mais dans lequel, de fait, on voit des troncs d’arbres abattus. Des arbres qui, de fait, sont transformés en meubles en bois. Et il y a, de fait, des cadenas et des verrous. Dans un pays où il y avait tant de prisons, la moitié du chemin était fait pour toutes les interprétations…[2]». Mais davantage qu’une interdiction liée à une réelle prise de position politique, la censure vise le mode d’expression narrative du cinéaste. «On peut y voir le symbole de ce que l’on veut mais il n’y avait là aucune trace d’une quelconque critique de la société. J’étais un très jeune réalisateur qui ne pensait pas à la politique. Mais soudainement, tant pour le public que pour les autorités, je me suis vu transformé en quelqu’un qui présentait une critique de la société totalitaire, et ça m’a fait rire, parce que tout ce que je voulais c’était raconter une histoire tragique sur la stupidité de notre vie sur cette terre, où qu’elle soit. A cette époque, Khrouchtchev avait déjà entamé une bataille contre l’abstractionnisme et le cosmopolitisme. Ne pas raconter une histoire concrète était considéré comme une attitude cosmopolite, c’était l’opposé du néo-réalisme.[3]»
Suite à cette interdiction, Iosseliani décide d’interrompre pour un temps son activité cinématographique et d’exercer diverses expériences professionnelles, avant de revenir à la réalisation en s’appuyant justement sur cette parenthèse.
Samantha Leroy
[1] Conversa com Otar Iosseliani, entretien avec Luciano Barcaroli, Carlo Hintermann et Daniele Villa, les 21 et 22 février 1998, in Otar Iosseliani: o mundo visto da Geórgia / A Geórgia vista do mundo, Ed. Cinemateca portuguesa – Museu do cinema, 2006, p.48 (citation traduite par l'auteur).
[2] Entretien avec Luciano Barcaroli, Carlo Hintermann et Daniele Villa, Op. Cit. p.48 (citation traduite par l'auteur).
[3] Entretien avec Luciano Barcaroli, Carlo Hintermann et Daniele Villa, Op. Cit., p.47 (citation traduite par l'auteur).
Autour du réalisateur
«ᅠConversa com Otar Iosselianiᅠ» in Otar Iosselianiᅠ: o mundo visto da Georgia/ A Georgia vista do mundo, Ed. Cinemateca portuguesa – Museum do Cinema, 2006.
Entretien avec Luciano Barcaroli, Carlo Hintermann et Daniele Villa, les 21 et 22 février 1998.
Raphaël Bassan et Guy Gauthier, «ᅠOtar Iosselianiᅠ», in La revue du cinéma, n°402, février 1985.
Positif n° 206, mai 1978
Positif n°110, novembre 1969
Anthony Fiant, (Et) le cinéma d’Otar Iosseliani (fut), Ed. L’Age d’Homme, Lausanne, 2002.
Autour du film
«ᅠConversa com Otar Iosselianiᅠ» in Otar Iosselianiᅠ: o mundo visto da Georgia/ A Georgia vista do mundo, Ed. Cinemateca portuguesa – Museum do Cinema, 2006.
Entretien avec Luciano Barcaroli, Carlo Hintermann et Daniele Villa, les 21 et 22 février 1998.
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