La Cinémathèque française Catalogue des restaurations et tirages

Triangle Film Corporation

Fondée aux États-Unis en 1915 par trois producteurs de cinéma et trois réalisateurs, D. W. Griffith, Mack Sennett et Thomas Ince, la Triangle est à l'origine de centaines de films muets en tout genre, avec en tête d'affiche Douglas Fairbanks, William Hart ou Lillian Gish.

Fondée aux États-Unis en 1915 par trois producteurs de cinéma et un « triumvirat » de réalisateurs composé de D. W. Griffith, Mack Sennett et Thomas Ince, la société Triangle a produit ou distribué pendant quatre ans des centaines de films muets (westerns, comédies, mélodrames), avec quelques stars (Douglas Fairbanks, Lillian Gish...). Les archives de la Triangle (films, scénarios et archives de production, photographies de plateau), conservées pour partie à la Cinémathèque française, sont d'une incroyable richesse. La découverte, l'analyse et l'accompagnement documentaire de ces collections uniques offrent un regard inédit sur les méthodes de production et l'esthétique de cette période de l'histoire du cinéma, jusque-là peu explorée.

Le programme ANR Cinémarchives (décembre 2007 - juin 2011) a eu pour principal objet de constituer, à partir de fonds d'archives « papier » encore inexplorés, des corpus raisonnés associant documents écrits, dessins, photos et films. Le travail a donc consisté à améliorer l'identification des fonds (typologie, catalogage, indexation), à construire leur contextualisation en les resituant dans l'histoire du cinéma, l'histoire des métiers et des techniques du cinéma, et à d'accroître leur visibilité et leur accessibilité pour les chercheurs, en concourant à leur valorisation scientifique.

Le Comité scientifique est Marc Vernet (coordinateur, Université de Paris Diderot), Jean-Loup Bourget (CNRS, ARIAS), Philippe Dubois (Université de la Sorbonne nouvelle), François de la Bretèque (Université Paul Valéry), Joël Daire (Cinémathèque française).

Un site documentaire consacré à l'étude de la Triangle Film Corporation a été réalisé par la Cinémathèque française dans le cadre du programme de recherche ANR Corpus 07 « Cinémarchives », sous la coordination de Marc Vernet.

Les films Triangle à la Cinémathèque française

Les films de la Triangle sont présents depuis très longtemps dans les collections de la Cinémathèque française. Les modalités d'acquisition, de duplication ou de restauration varient selon les années. Différentes époques et pratiques peuvent être identifiées, inséparables de l'histoire de l'institution et, en ce qui concerne le fonds Triangle, de la personnalité de l'un de ses fondateurs, Henri Langlois. Plusieurs éléments ont probablement été déposés avant la Seconde Guerre mondiale et, dès 1944, celui-ci procède au tirage de certains films, selon toute vraisemblance uniquement à des fins de programmation. À cette époque, en effet, on travaille encore avec le support nitrate et il n'y a donc pas forcément de notion de préservation par la duplication, ou alors de manière très exceptionnelle. Par ailleurs, Henri Langlois tirait souvent les éléments tels qu'ils étaient, et lorsque les éléments de tirage ne comportaient que des flash-titles (deux ou trois photogrammes des cartons d'origine, permettant de les dupliquer ou de les traduire, et qui servaient d'indication pour le montage), ceux-ci étaient illisibles à la projection.

Dans les années cinquante, de nouveaux dépôts viennent enrichir les collections. Par ailleurs, Henri Langlois aurait dupliqué certains éléments qui transitaient par l'institution. Ces tirages pourraient avoir été réalisés dans le cadre de la rétrospective Thomas H. Ince organisée par la Cinémathèque en 1956. Au même moment, l'historien et théoricien du cinéma Jean Mitry rédige une étude sur Thomas H. Ince dans le cadre du Bureau international de la recherche historique, créé en 1952 par la Cinémathèque française. D'autre part, il semblerait que James Card de la George Eastman House, avec qui Langlois entretient d'excellentes relations, ait alors eu le projet de lancer une recherche de films de Thomas H. Ince dans les archives internationales. Cette recherche s'est avérée fructueuse car, au cours des années soixante, Langlois duplique de nombreux films Triangle de passage à la Cinémathèque : il s'agit principalement de copies de la distribution d'origine ou encore d'éléments de travail provenant de pays anglophones. Langlois procède aussi à la duplication d'éléments qui avaient déjà intégré les collections. De nombreux tirages (copies et contretypes) sont réalisés en 16 mm. Ce format coûtait moins cher, il était donc possible d'obtenir deux copies 16 mm pour le prix d'une copie 35 mm. Le 16 mm était également plus facile à projeter dans certains établissements et une des deux copies pouvait alors servir pour de possibles échanges avec d'autres archives. Enfin, la période était favorable aux tirages, le budget de ceux-ci ayant été en constante augmentation entre 1954 et 1964, notamment grâce à l'appui du ministre de la culture André Malraux. S'ensuit une période creuse de vingt ans, pendant laquelle ne sont tirées que deux copies. Entre 1984 et 1987, la Cinémathèque acquiert six nouveaux titres (achat de copies 16 mm) puis, en 1991, identifie deux copies nitrate au sein d'une collection en acquisition. Celles-ci s'avèrent être les seuls éléments localisés de The Desert Man et The Despoiler, titres alors inédits et aujourd'hui restaurés. Entre 1992 et 2002, plusieurs films Triangle sont sauvegardés ou/et restaurés par la Cinémathèque : The Cold Deck, The Good Bad Man, The Half-Breed, His Picture in the Papers, Between Men, Don Quixote et Oh, Mabel Behave. En 2011, les films Triangle des collections de la Cinémathèque représentent vingt-six titres, et plus de soixante-quinze éléments filmiques acquis, dupliqués et restaurés depuis la Seconde Guerre mondiale.

Camille Blot-Wellens, François Laffort et Jean-Philippe Jonchères