La Cinémathèque française Catalogue des restaurations et tirages
  • Peau d'âne - Albert Capellani -1908 © Pathé
  • 1

Peau d'âne

Albert Capellani / Fiction / France / 1908

Adaptation du conte de Charles Perrault.

L'histoire d'une princesse en fuite, qui, pour échapper à son père qui veut l'épouser, vit cachée sous une Peau d'âne. Elle rencontre un prince, lui fait un "gâteau d'amour".

Le prince laisse tomber la bague de Peau d'âne dans le gâteau et demande à toutes les demoiselles du pays de venir essayer la bague, étant entendu qu'il épousera celle à qui elle ira.

Elle va seulement à Peau d'âne, qui redevient princesse.

  • Titre original : Peau d'Ane
  • Genres : Conte - Féérie
  • Année de production : 1908
  • Année de sortie d'origine : 1908
  • Date de sortie en France : —
  • Format d'origine : 35
  • Métrage d'origine : 310 m

Tirage réalisé en 2000 d'après un négatif nitrate issu des collections de la Cinémathèque française.

Informations techniques sur les copies

Année du tirageProcédé imageVersionMétrageCadenceMinutageFormat
2000Noir et blanc282 m16 i/s min35

Peau d'âne est une des dernières féeries mise en scène par Albert Capellani, une sorte d'ode au genre, un adieu en beauté. Le film est tourné en décor et non en toile peinte, ce qui est le signe de son relatif luxe. Le genre n'a jamais eu sa prédilection mais il lui a permis de faire ses armes en 1905, aux côtés de Segundo de Chomon (qu'on se souvienne du très beau Aladin, de Cendrillon, du Chat botté, de la Belle au bois dormant, ou de sa première version de Peau d'âne, en 1904).

Aujourd'hui, regarder cette version de Peau d'âne, c'est se demander comment un cinéaste profondément attaché au réalisme, inventeur en France d'une école de cinéma naturaliste, peut-il accorder son style à celui d'un conte de fée. Il y entre tout d'abord par la voie du burlesque, accentuant le côté farce, presque grivois (le prétendant que l'on pousse et qui tombe à grands cris, la fée aux formes plantureuses), comme si le film continuait de s'adresser au public forain (avec qui la Maison Pathé voudrait en finir, son idéal étant de faire revenir le cinéma en ville).

Peau d'âne, ainsi inaugurée, a des airs de fables populaires. C'est à la rencontre de Peau d'âne avec la fée que l'on saisit mieux l'accord que Capellani tisse entre le film qu'il doit faire et ses ambitions réalistes : Peau d'âne n'est en rien surprise de tomber sur elle, le merveilleux ici est joué avec le plus grand calme, comme s'il relevait d'un degrés supérieur du naturalisme.

Il est rare, et c'est la qualité du film, qu'un acteur sursaute quand un objet apparaît ou disparaît (selon le système des scènes à trucs inventé par Méliès). C'est cette «habitude au merveilleux » qui est très forte, ici. Et qui autorise un très beau plan naturaliste - image de pâturages avec un chevalier qui est figuré, dans la partie basse du plan, par son reflet dans la mare - qui rompt avec le style féerique, ou plutôt tente de le changer (d'un coup de baguette magique ?) en le mariant au réalisme. On rencontre à la dernière moitié du film un plan rapproché de Peau d'âne, en insert. Ce qui était jusqu'ici le plan de fin des séries burlesques (l'acteur/personnage – Rigadin, Boireau, en médaillon, rigolant avec son public) commence à être timidement intégré au récit pour accrocher le regard et acquérir ici une fonction : celle de souligner l'importance du moment.

La transformation en un tour de truc de Peau d'âne en princesse. C'est une avancée dans la façon de conduire dorénavant un récit. Ça aurait du être le dernier plan, mais Capellani décide de fermer le film sur une danse (celle des noces), ou une trentaine de figurants occupent le plan sur deux étages. Une dernière façon pour lui de raccrocher Peau d'âne à une tradition du spectacle, du music-hall. Rappelons que lorsqu'il a rejoint la maison Pathé, Capellani était l'administrateur de l'Alhambra : ici, le cirque, la prestidigitation et le cabaret se mêlent, jusqu'au réalisme, pour que Peau d'âne puisse dessiner le spectre de tout les cinémas en place jusqu'alors.

Cela étant posé, Albert Capellani pourra désormais se transformer de magicien en peintre réaliste.

Philippe Azoury

Autour du réalisateur

  • David Bordwell's website on cinema

    Capellani trionfante

    http://www.davidbordwell.net/blog/2011/07/14/capellani-trionfante/

  • Christine Leteux, Albert Capellani, cinéaste du romanesque, Editions La tour verte, Grandvilliers, 2013.

  • Alain Carou, Le cinéma français et les écrivains - histoire d'une rencontre 1906-1914, Ecole Nationale des Chartes/ AFHRC, 2002.

Autour du film