La Cinémathèque française Catalogue des restaurations et tirages
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L'Inondation

Louis Delluc / Fiction / France / 1923

Dans un village paisible en bord du Rhône, Alban, jeune et honnête fermier, s’apprête à épouser la coquette et frivole Margot. Monsieur Broc, employé de mairie solitaire, retrouve sa fille adorée Germaine, devenue une charmante jeune femme. Germaine s’est éprise d’Alban. Lorsque celui-ci l’éconduit gentiment, elle s’effondre, fiévreuse, au grand désarroi de son père. La crue du fleuve inonde subitement le village et les alentours. Margot déclenche la colère d’Alban en fricotant avec son cousin Jean. Un soir elle disparaît. On la retrouve mystérieusement noyée.

  • Titre original : L'Inondation
  • Genre : Drame
  • Année de production : 1923
  • Année de sortie d'origine : 1924
  • Date de sortie en France : 9 mai 1924
  • Format d'origine : 35
  • Métrage d'origine : 1900 m
Lieux de tournage :
  • (Extérieur) Vaucluse, Gard, France
  • (Studio) Studios de Boulogne-sur-Seine, France

En 1961, la Cinémathèque française a sauvegardé L’Inondation à partir du négatif nitrate issu de ses collections. Malheureusement, cet élément était incomplet (il manquait alors un tiers du film). En 1979, une copie 16mm a permis de compléter les éléments de tirage. Il a donc été nécessaire de procéder au gonflage des scènes manquantes, ce qui explique la différence de qualité d’images entre les séquences. En 2011, la Cinémathèque française a procédé au tirage d’une nouvelle copie.

Informations techniques sur les copies

Année du tirageProcédé imageVersionMétrageCadenceMinutageFormat
2011Noir et blanc1594 m16 i/s87 min35

L’Inondation est un film de commande, suggéré par son ami Marcel L’Herbier alors que Delluc rencontre de grandes difficultés personnelles, professionnelles et financières. Depuis la sortie de La Femme de nulle part, et malgré le succès critique du film, Delluc doit faire face aux réticences des producteurs. Il éprouve le plus grand mal à trouver des financements pour réaliser ses projets dont les engagements financiers apparaissent plus importants que pour ses précédents films. Il a accumulé les dettes et se retrouve contraint de céder son journal Cinéa.

Pour la société de production de Marcel L’Herbier, Cinégraphic, il accepte, malgré le peu d’intérêt que lui inspire le sujet, d’adapter L’Inondation, drame paysan tiré d’une nouvelle d’André Corthis, écrivain provençal[1]. Il en rédige le scénario entre août et octobre 1923. À son grand soulagement, la production garantit la participation des fidèles opérateurs Gibory et Lucas, réunit Ève Francis (dont Louis Delluc vient douloureusement de se séparer), Edmond Van Daële, Ginette Maddie et Philippe Hériat. «Ève Francis, écrira-t-il, habituée à une sorte de grandiose lyrisme psychologique accepta d’étriquer sa silhouette, son corps, son masque pour n’être qu’une villageoise effacée et triste. Mais le propre des grands artistes n’est-il pas de réaliser leur rôle en le magnifiant mystérieusement? A Van Daële, jeune amant de puissance et d’étrange éclat, nous avons confié le personnage d’un petit vieillard falot que la vie accable et ruine chaque jour un peu plus. Ginette Maddie, «jeune fille gaie», dut cette fois être une inquiétante coquette que des erreurs mènent à une fin tragique. Et Philippe Hériat, vu jusqu’ici en ivrogne, en pitre, en laquais satanique, etc., devient un bon jeune homme tendre et bon à qui l’amour ne fait pas oublier de veiller sur ses domaines. Seule, Claire Prélia est mère une fois de plus avec une détresse pathétique qui saisira[2]».

Les prises de vues en décors naturels sont prévues dans la vallée du Rhône, où se situe l’intrigue. Le tournage débute fin octobre 1923 aux studios de Boulogne-sur-Seine pour les intérieurs, puis, à partir de novembre dans le Vaucluse et dans le Gard, aux environs d’Orange et de Pont-Saint-Esprit, sur les bords du Rhône alors passablement déchaîné en raison des crues de La Durance. Les plaines sont inondées par les eaux glacées du fleuve, ce qui correspond exactement aux exigences du scénario et évite aux opérateurs la mise en œuvre d’éventuels trucages. Mais le froid hivernal particulièrement rude, les fortes pluies et l’humidité constante n’arrangent en rien l’état de santé déjà fragile de Delluc.

Si le sujet ou la trame de ce drame ne l’inspire pas forcément, on ne peut que constater qu’on y retrouve pourtant certains des principaux thèmes récurrents dans l’œuvre du cinéaste : le passé qui ressurgit, ici à travers l’apparition de Germaine auparavant arrachée aux bras du père par une mère frivole (La Femme de nulle part), la jalousie, la tromperie, la rivalité et la désillusion amoureuse, le sentiment d’abandon, la vengeance, la violence (La Fête espagnole, Fièvre). Delluc a réussi avec talent à tirer parti de cette histoire imposée. Pour Pierre Lherminier, il a su «donner une réelle authenticité aux scènes de la vie du village (marché, bal populaire), aux compositions de groupes de femmes qui évoquent parfois, discrètement, le chœur antique; aux visages; aux objets les plus ordinaires; aux remous du fleuve, enfin, qui rythment tout le déroulement de l’action. Sans débordement lyrique, mais avec beaucoup de sobriété et de justesse, Delluc s’inscrivait, avec ce film, à l’origine d’un courant réaliste du cinéma français qui aura des prolongements chez Epstein, Renoir, ou chez le meilleur de Duvivier[3]».

La présentation corporative de L’Inondation a lieu le 9 janvier 1924 et le film rencontre un bon succès d’estime. Abel Gance écrit alors à Louis Delluc : «Mon cher ami. L’Inondation n’est pas loin d’être une manière de chef d’œuvre. Il y a, en effet, un tel style personnel, une telle homogénéité dans le jeu et dans l’action, une telle qualité d’atmosphère, une telle couleur bleu ciel et cendre, que je ne puis résister au plaisir de vous écrire mon impression. Ce film est ponctué de silences qui sont de purs sanglots et la détresse en est si pleine et lourde que nos larmes sans tomber, retournent d’où elles venaient de sourdre pour que le chagrin soit plus enfoui et plus indélébile [4]».  

Louis Delluc n’assistera pas la sortie de son film sur les écrans le 9 mai 1924, il meurt le 22 mars.

Samantha Leroy


[1] De son vrai nom Mme Raymond Lécuyer, née Andrée Husson, d’après Gilles Delluc, Louis Delluc, Ed. Périgueux: Pilote 24,  Coll. Les Indépendants du 1er siècle, 2002

[2] Louis Delluc, article paru dans Cinéa-Ciné pour tous n° 5, le 15 janvier 1924

[3] Pierre Lherminier, Ecrits cinématographiques III, Drames de cinéma, Cinémathèque française et Editions de l’étoile / Cahiers du cinéma, Paris, 1990, p. 158

[4] Abel Gance, lettre citée dans Cinémagazine n° 4, 25 janvier 1924

Autour du film

  • Louis Delluc, Cinéa-Ciné pour tous, n°5, 15 janvier 1924.

  • Abel Gance, in Cinémagazine, n°4, 25 janvier 1924.

  • Pierre Lherminier,  Ecrits cinématographiques III, Drames de cinéma, Cinémathèque française et Editions de l'étoile/ Cahiers du cinéma, Paris, 1990.

  • Catalogue Ciné Mémoire 1993, p. 152.

Autour du réalisateur

  • Fonds Delluc conservé à la Cinémathèque française

    http://www.cineressources.net/repertoires/archives/fonds.php?id=delluc

  • Dossier Delluc sur le site de La Belle Equipe

    http://www.la-belle-equipe.fr/2016/02/05/entretien-avec-louis-delluc-pour-fumee-noire-cine-pour-tous-1920/

  • Henri Langlois, "L'avant-garde française", in Les Cahiers du cinéma, n°202, juin-juillet 1968.

  • Eve Francis, texte d'hommage rendu à Louis Delluc le 22 mars 1964 à la Cinémathèque française, Palais de Chaillot.

  • Pierre Lherminier,  Ecrits cinématographiques III, Drames de cinéma, Cinémathèque française et Editions de l'étoile/ Cahiers du cinéma, Paris, 1990.

  • Louis Delluc, Ecrits cinématographiques III, Drames de cinéma, Cinémathèque française et Editions de l'étoile/ Cahiers du cinéma, Paris, 1990.

  • Emmanuelle Toulet, «ᅠLouis Delluc, père posthume de la sauvegarde cinématographiqueᅠ?ᅠ», in Catalogue Ciné Mémoire, 1993, p 147-148.