La Cinémathèque française Catalogue des restaurations et tirages
  • Gribiche - Jacques Feyder -1925 -  Collection  Cinémathèque française - Boris Bilinsky © ADAGP
  • Gribiche - Jacques Feyder -1925 -  Collection  Cinémathèque française- Alain Cuny © Alain Cuny
  • 1
  • 2
Jacques Feyder / Fiction / France / 1925

La riche américaine Édith Maranet est touchée par l’honnêteté du jeune Gribiche, orphelin de père et fils d’ouvrière, qui vient de lui restituer son portefeuille égaré. Elle propose alors de «l’adopter» afin de lui assurer l’éducation qu’il mérite. À la douloureuse surprise de sa mère, Gribiche accepte, pensant que cet effacement facilitera un remariage maternel, et s’installe dans la luxueuse demeure de sa bienfaitrice. Distingué par son honnêteté, extirpé de son milieu prolétaire pauvre mais néanmoins heureux, et désormais destiné à mener une vie aisée, Gribiche s’adapte avec facilité, curiosité et parfois amusement au nouveau système d’éducation qui lui est imposé. Issue de la grande bourgeoisie, hygiéniste et fervente combattante de tous types de microbes, Édith Maranet excelle dans les discours et dans le soin qu’elle apporte à l’instruction du jeune garçon mais peine à faire preuve de chaleur et d’attention. Auprès de ses proches, elle s’octroie le beau rôle et justifie son souci de charité en exagérant la vie misérable de Gribiche et de sa mère. Mais bientôt les contraintes protocolaires de cette vie aseptisée et réglée comme du papier à musique finissent par lasser Gribiche; il s’enthousiasme davantage pour la mécanique, sympathise avec le chauffeur prévenant et en vient bientôt à regretter son existence antérieure.

  • Titre original : Gribiche
  • Genre : Comédie dramatique
  • Année de production : 1925
  • Année de sortie d'origine : 1926
  • Date de sortie en France : 2 avril 1926
  • Format d'origine : 35
  • Métrage d'origine : 2500 m
Lieux de tournage :
  • (Extérieur) Chatou, France
  • (Extérieur) Ermenonville, France
  • (Extérieur) Saint-Germain, France
  • (Studio) Montreuil, France

Ce film a été restauré par la Cinémathèque française en collaboration avec le Fonds Culturel Franco-Américain (DGA - MPA - SACEM -WGAW).

En 1958, la Cinémathèque française a acquis de nombreux éléments de films produits par la firme Albatros, dont Gribiche.

En 1987, ce film avait fait l’objet d’une reconstruction à partir d’un négatif nitrate. La Cinémathèque française avait alors établi un marron et une copie noir et blanc, dans lesquels les intertitres originaux avaient été réintroduits.

Or une analyse approfondie a permis de déduire que ce négatif correspondait en fait à la seconde version du film, la première étant heureusement conservée grâce à deux copies nitrate d’époque.

En 2008, la Cinémathèque française a donc décidé de restaurer la première version du film, en repartant de ces copies nitrate, et de restituer les teintes de la première distribution.

Informations techniques sur les copies

Année du tirageProcédé imageVersionMétrageCadenceMinutageFormat
2008Procédé Desmet Français2611 m18 i/s126 min35
2010Procédé Desmet Français2611 m18 i/s126 minHD

Projections notables (avec accompagnement musical)

Date de projectionLieuAccompagnement musicalCommentaire
2011-10-28Cinémathèque de Grenoble
2011-06-11Lincoln Center, new York
2011-02-04Festival de Lambersart
2010-10-21Cinémathèque Française
2008-10-07Il Giornate del Cinema Muto - Pordenone

Projections notables (avec accompagnement musical)

Date de projectionLieuAccompagnement musicalCommentaire
2012-06-21Institut Français de Jordanie

Après les succès (L’Atlantide, Crainquebille) et les déconvenues (Visages d’enfants, L’Image), Jacques Feyder s’associe en 1925 au producteur Alexandre Kamenka, directeur de la société de production Les Films Albatros, et réalise Gribiche, son cinquième long métrage. Il bénéficie des divers talents de l’équipe du studio Albatros: le décorateur Lazare Meerson, avec qui il débute alors une longue collaboration, les chefs opérateurs Maurice Desfassiaux et Maurice Forster. Henri Chomette rejoint l’équipe et le seconde en qualité d’assistant réalisateur.

Adapté d’une nouvelle écrite pour le cinéma par Frédéric Boutet, Gribiche décrit d’une part la quête d’identité et l’apprentissage de la vie d’un enfant lucide qui oscille entre deux figures maternelles, deux classes sociales, deux cultures, et d’autre part les aspirations charitables, mais néanmoins inadaptées et délirantes, d’une bourgeoisie qui croule sous le poids de la culpabilité. Sous les traits d’un mélodrame ordinaire se cache en définitive une douce satire. Feyder invite le spectateur à prendre conscience de la réalité des classes et des apparences, à entrevoir la présence d’une certaine dose d’hypocrisie et d’orgueil dans un milieu bourgeois qui se veut bienveillant et à démontrer que classe populaire n’est pas forcément synonyme de misérabilisme. L’exceptionnelle plongée dans un milieu totalement opposé à celui dont il est issu instruit tout autant Gribiche que les activités intellectuelles ou sportives qui lui sont dispensées. Enfant vif et fin observateur, il saura faire preuve de discernement et tirera de cette expérience un enseignement profitable et une vision juste du monde.

Du 30 juin au 16 juillet 1925, le tournage des scènes en extérieurs se déroule à Paris et ses environs : au métro Grenelle, rue et place Saint Charles, à l’île Saint-Germain, à Armenonville, à la foire de Neuilly, à Vincennes (au café du Levant, décoré pour les scènes du bal du 14 juillet par Lazare Meerson), au Bois de Boulogne, devant les Trois Quartiers et à Rueil. Certaines scènes extérieures saisies par les deux opérateurs dégagent une réelle authenticité, l’exigence atteignant parfois la performance lors des scènes nocturnes tournées sans éclairage artificiels, à la lumière des réverbères, notamment celle du bal du 14 juillet. Les scènes du petit salon et la scène de l’illumination sont filmées de nuit au Pavillon Sue et Mare à l’Exposition des Arts Décoratifs[1]. Du 16 juillet au 26 septembre, les scènes intérieures sont tournées au Studio Albatros de Montreuil, dans les décors conçus par Lazare Meerson[2]. Les accessoires et les références culturelles, soigneusement sélectionnés et distillés, participent fortement à l’inscription du film dans la réalité et l’actualité de 1925. Dans la prestigieuse maison de style Art Déco de Madame Maranet, les pièces d’ameublement sont empruntées à Sue et Mare, l’argenterie et les cristaux modernes sont signés Puyforcat, la grandiose salle de bain est une fabrication de la maison Cazenave, le piano est un Pleyel et les voitures des Rolls-Royce. Quant au singulier appartement de la mère de Gribiche, il témoigne de la modestie de la classe populaire mais également des intérêts culturels de la famille, à travers un mobilier simple et l’iconographie accrochée aux murs (une photographie de cinéma).

L’acteur Jean Forest interprète le rôle du jeune Gribiche et renouvelle sa collaboration avec le cinéaste après Crainquebille (1923) et Visages d’enfants (1925). Françoise Rosay, comédienne de théâtre et épouse du cinéaste, jusqu’alors peu sollicitée au cinéma en raison de son physique soit disant «peu photogénique», se voit confier le rôle d’Édith Maranet. Déjà brièvement apparue dans le premier film de Feyder Têtes de femme, femmes de tête, elle tient pour la première fois, dans Gribiche, un rôle important à l’écran et débute une longue série d’interprétations auprès de son mari. Les excellents seconds rôles de la mère et du chauffeur, respectivement Cécile Guyon et Armand Dufour, confirment une remarquable direction d’acteurs.

La présentation corporative a lieu en novembre 1925. Le film est plutôt bien accueilli par la presse, en particulier l’interprétation de Françoise Rosay, tout au plus regrette-t-on certaines longueurs du scénario. Cinéa du 15 novembre 1925 note que Feyder «mit [dans son film] une fantaisie charmante, faite de menus détails, de riens délicieux, de traits spirituels et émouvants. Sur une simple donnée romanesque qui tient en deux cents lignes de journal, il bâtit tout un monde de sensations délicates, il fait un grand film où il y a de l’humour, de l’émotion, un constant souci d’élégance et le sens artistique le plus racé. En rapprochant le cinéma du roman, Feyder libère l’art muet de l’emprise encore trop lourde du théâtre où, parlant toujours, l’on n’a guère le temps de penser ni celui de sentir. La réalisation de Gribiche est d’une incontestable pureté de style et de goût». Jacques Feyder «a acquis au plus haut point le sens visuel et sensible de l’image. Il met dans ses interprétations de la vie l’intelligence du philosophe et l’âme du poète. Nulle vulgarité ne le retient et il considère toute chose sous l’angle de la sincérité».

Gribiche sort en salle en mars 1926 et rencontre un chaleureux succès public.

Samantha Leroy


[1] Les lieux de tournage sont indiqués dans Bulletin International du Cinématographe n° 1, Filmographie de Jacques Feyder, Cinémathèque française, juin 1949, p. 28.

[2] Une grande partie des dessins préparatoires sont consultables dans le fonds Lazare Meerson à la Cinémathèque française.

Autour d'Albatros

Autour du film

Autour du réalisateur

  • Fonds Jacques Feyder conservé à la Cinémathèque française

    http://www.cineressources.net/repertoires/archives/fonds.php?id=moeller

  • Enrichissement 2012 du Fonds Jacques Feyder

    http://www.cinematheque.fr/fr/musee-collections/actualite-collections/dons-acquisitions/fonds-jacques-feyder.html

  • Jacques Feyder/ présentation par Charles Fordᅠ; Textes et propos de Feyder, Ed. Seghers, Paris , 1973.

    Référence CFᅠ: 51 FEY FOR

  • Fonds Festival International du Film de Cannesᅠ: Service Régie

    Festival de Cannes 1973.

    Référence CFᅠ: FIFR26-B8

  • Claude Soueff, avec la collaboration de Françoise Rosay, Musidora, Paul Feyder, préface de Jean Grémillon, Filmographie de Jacques Feyder, Cinémathèque Française, Paris, 1949.

    Réferences CF: HL 2256 et HL 2178

  • Victor Bachy, Jacques Feyderᅠ: artisan du cinémaᅠ: 1885-1948, Ed. Librairie Universitaire, Louvain, 1968, Paris, 1949.

    Référence CFᅠ: 51 FEYDE BAC

  • Georges Sadoul, Raymond Barkan, Jacques Feyder (1888-1948) initiateur de l’école réaliste française[suivi de] le cinéma, La bibliothèque française, Paris, 1948.

  • Textes et documents réunis par René Micha, Jacques Feyder ou le cinéma concret, Ed. Comité National Jacques Feyder, Bruxelles, 1949.

    Référence CFᅠ: 51 FEYDE FEY