Ouvrier au chômage, Étienne Lantier trouve finalement un emploi aux mines de charbon de Montsou. Il travaille avec la fille du Maheu, Catherine, qu'il prend d'abord pour un garçon. D'emblée, Chaval, l'amant de la jeune fille, affiche son hostilité au nouveau venu. La direction a décidé de baisser le prix de la berline ; mécontentement des mineurs. Étienne prend pension chez les Maheu et Catherine, à contrecoeur, part vivre chez Chaval qui l'a épousée. Lors de la paye de quinzaine, la grogne monte, Étienne prend la tête du mouvement naissant, la grève est votée. Mais après quinze jours chômés, c'est la famine dans le coron. Seul Chaval, bien vu du directeur, ne manque de rien et reprend même le travail avec quelques autres. Les grévistes veulent lui faire la peau sur le carreau de la mine. Fou de rage, il donne à la direction les noms des meneurs. Alerté, le préfet envoie la gendarmerie et même la troupe, Étienne se cache pour ne pas être arrêté, le Maheu tombe sous les balles. Dans l'affrontement, la fille du directeur a laissé la vie. Deux jours plus tard, Étienne sort de son trou, le travail a repris et lui-même redescend au fond. Mais Souvarine, un ouvrier anarchiste, sabote les installations et le paye de sa vie. L'eau s'engouffre dans les galeries, c'est la catastrophe. Chaval (tué par Étienne), Catherine et son frère périssent sous la terre. Seul Étienne est extrait vivant de la mine et épuisé, tombe dans les bras de l'ingénieur Négrel. Rétabli, il quitte la pauvre Maheude et cette région de malheurs en espérant des temps meilleurs.
- Titre original : Germinal
- Genre : Drame social
- Année de production : 1913
- Année de sortie d'origine : 1913
- Date de sortie en France : 4 octobre 1913
- Format d'origine : 35
- Métrage d'origine : 3020 m
- Réalisateur : Albert Capellani
- Scénariste : Albert Capellani
- Auteur de l'oeuvre originale : Emile Zola
- Société de production : S.C.A.G.L. - Société Cinématographique des Auteurs et Gens de Lettres
- Distributeur d'origine : Pathé Frères
- Directeurs de la photographie : Karémine Mérobian, Louis Forestier
- Décorateur : Henri Ménessier
- Interprètes : Henry Krauss (Etienne Lantier), Sylvie (Catherine Maheu), Paul Escoffier (Henri Négrel), Mévisto (Maheu), Jacquinet (Martin Chaval), Dharsay (Souvarine), Albert Bras (Hennebeau), Cécile Guyon (Cécile Hennebeau), Jeanne Cheirel (la Maheude), Max Charlier, Marc Gérard
- (Extérieur) Auchel, France
Une restauration à partir du négatif d'origine issu des collections de la Cinémathèque française, élément comportant des flash titres introduits dans les années 1920.
En 1985, avec le concours du Musée d'Orsay et la Fondation Kodak, de nouveaux cartons ont été élaborés sur le modèle des titres conservés dans le négatif. L'année suivante, un élément de conservation a été établi intégrant les nouveaux cartons, ainsi qu'une copie d'exploitation.
En 2010, la Cinémathèque française a procédé à l'élaboration d'un élément de tirage ainsi que d'une copie couleur restituant les teintes d'origines indiquées dans le négatif.
Informations techniques sur les copies
Année du tirage | Procédé image | Version | Métrage | Cadence | Minutage | Format |
---|---|---|---|---|---|---|
2011 | Teinté | Français | 3017 m | 18 i/s | 146 min | 35 |
2011 | Teinté | Français | 3017 m | 18 i/s | 146 min | Betanum |
Projections notables (avec accompagnement musical)
Date de projection | Lieu | Accompagnement musical | Commentaire |
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2011-06-29 | Il cinema ritrovato | Rétrospective Albert Capellani - édition 2011 - Cinémathèque de Bologne |
À relire les historiens généralistes du cinéma, il est clair qu'aucun d'eux n'a vu, ni d'ailleurs pu voir Germinal, ni Georges Sadoul, ni Jean Mitry, ni René Jeanne et Charles Ford. Ils se contentent tous d'évoquer le titre dans la liste des adaptations littéraires réalisées par Albert Capellani pour la SCAGL que celui-ci dirige jusqu'à son départ pour les États-Unis.
Capellani tourne Germinal à partir de février 1913, quelques semaines seulement après la sortie triomphale des Misérables en quatre parties. Le film sort la semaine du 3 au 9 octobre 1913 dans quatre salles à Paris : l'Omnia Pathé, le Kinérama Pathé, le Paris Ciné et le Cirque d'hiver. Il ne semble pas avoir été redistribué après 1918, sans doute en raison du contexte sociopolitique d'union nationale, postérieur à la guerre. D'où sa disparition complète dans la tradition de l'historiographie classique du cinéma.
La Cinémathèque française a miraculeusement conservé le négatif original. Il s'agit donc d'une véritable résurrection du film, maillon majeur dans la généalogie du « réalisme français », résurrection qui amène à remettre en cause de nombreux aspects du prétendu « archaïsme » du cinéma français des premières années dix. Par rapport aux Misérables, où le tournage en studio prédomine encore nettement ainsi que le cadrage frontal, Germinal marque un bond en avant spectaculaire, un saut qualitatif.
En 1913, le roman de Zola, qui date de 1885, est encore très proche. Il est rapidement devenu mythique et connaît un succès exceptionnel. Son action se déroule dans la dernière période du Second Empire, en 1865, au moment de l'expédition du Mexique. Le film de Capellani situe l'action dans les années républicaines. Au moment fort de la grève, le propriétaire de la mine téléphone au préfet du Nord afin que celui-ci envoie la troupe. Les uniformes des soldats et des gendarmes à cheval permettent de situer la fiction dans la période contemporaine au tournage du film. Capellani évite ainsi la reconstitution historique et inscrit directement l'action du film dans le présent du spectateur des années dix, ou tout au moins dans son passé immédiatement proche.
L'adaptation reste fidèle à la structure narrative du roman original, mais elle procède aussi par condensation, déplacement, transposition et élagage systématique des épisodes latéraux et des personnages secondaires. Ainsi, l'épicier Maigrat dont la castration par les manifestants avait si fortement marqué Eisenstein, disparaît dans le film. Chez Zola seulement, Cécile la fille d'une famille bourgeoise est étranglée par le vieux Bonnemort quand chez Capellani, pour le coup, c'est la fille du directeur qui meurt sous les balles, en contrepoint de la mort du Maheu pendant la répression de la manifestation. Autre différence très remarquable : dans le film, l'anarchiste Souvarine meurt en tombant dans le vide après son sabotage. Dans le roman, il partait dans la nuit une fois son attentat réussi. C'est qu'entre 1885 et 1913, les anarcho-syndicalistes ont fait parler d'eux et «la bande à Bonnot» n'est décimée qu'en... 1912. En revanche, chez Zola comme chez Capellani, l'ingénieur et l'ouvrier tombent dans les bras l'un de l'autre et s'étreignent après le coup de grisou. Thea von Harbou s'est-elle souvenue de cet épilogue en écrivant celui de Metropolis ?
Le film est réalisé pour l'essentiel en plein pays minier, à Auchel, près de Béthune. Ce tournage hors studio est décisif et bouleverse les codes esthétiques antérieurs. Toutes les séquences d'extérieurs sont filmées en décor naturel repéré sur place : l'atelier de métallurgie où l'on découvre Lantier au début du film, les routes qu'il traverse, les rues des corons, les plans en surface de la mine avec ses pylônes et ses berlines.
Le parti pris de cadrage privilégie le plan large provoquant une certaine amplitude spatiale et une très forte inscription des protagonistes dans le décor. L'opérateur Louis Forestier donne l'impression de redécouvrir la «profondeur de champ primitive » en privilégiant l'éclairage diurne, saisi au moment de sa luminosité la plus éclatante. Sont ainsi remarquables les longs plans qui cadrent les actions suivantes :
- l'arrivée de Lantier près de la mine et son dialogue avec le père Bonnemort pendant que l'arrière-champ révèle l'incessant trafic aérien des bennes,
- la propagation de l'appel à la grève filmé en plan général qui montre une large place du coron traversée en deux mouvements par un groupe de grévistes,
- la rue du coron cadrée en perpendiculaire avec deux zones de lumière lorsque Lantier rencontre Catherine qui cherche à dissimuler les victuailles qu'elle ramène chez son époux Chaval,
- les plans d'affrontements violents lors de l'intervention de la gendarmerie équestre, pour ne citer que les moments les plus spectaculaires et visuels du film. Mais cette mise en valeur des espaces naturels va de pair avec un soin tout particulier dans la construction et l'utilisation des décors. À de rares exceptions près, notamment lors du sabotage du puits par Souvarine, Germinal est un des premiers films français qui dépasse complètement l'effet « toile peinte » si caractéristique du cinéma des premiers temps, plus encore des films Pathé. L'économie des décors s'harmonise à la logique des lieux : les intérieurs des mineurs sont des cubes identiques les uns aux autres comme ils le sont dans la pratique sociale, et il suffit à Capellani de changer deux ou trois meubles pour que l'on passe de la maison des Maheu à celle de Chaval.
La reconstitution des puits, des galeries, des zones d'extraction du charbon avec ses poutres et ses échafaudages précaires utilise au mieux les limites de la technique du décor cinématographique en 1913. Mais l'effet d'authenticité est plus encore produit par la gestuelle des acteurs, leur déplacement dans ces galeries souterraines où ils doivent se plier et contourner les obstacles. Cette présence physique des acteurs et la parfaite intégration des professionnels tels Henry Krauss, Jacquinet, Mévisto Aîné et Mlle Sylvie dans la collectivité des figurants locaux est autant produite par le talent des interprètes, la sobriété que leur impose le réalisateur que par la mise en place des groupes dans l'espace. Germinal montre pour l'une des premières fois à l'écran le trajet des foules prolétaires se dirigeant vers la mine avec un rythme bien particulier fait de lenteur, de solidarité ouvrière et de détermination.
Plus précisément, il faut saluer les performances d'Henry Krauss, qui incarne un Lantier massif et bourru, d'une présence corporelle rare, et de la jeune Sylvie offrant une silhouette étonnante à la frêle mais très déterminée Catherine. Capellani a peut être su, mieux encore que Zola, représenter l'alliance contradictoire de pudeur ouvrière et de rudesse maladroite dans l'expression des sentiments personnels de ses personnages. L'idylle ébauchée entre Lantier et Catherine échappe ainsi à toute mièvrerie, par exemple lors du très beau passage où ils se retrouvent dans la rue, au moment le plus tendu de la grève, et n'échangent qu'un furtif baiser. Plus encore, la confrontation des deux personnages dans les scènes de galerie souterraine est d'une grande force : moment de la découverte de la coiffure féminine au début du récit lorsque Catherine partage son casse-croûte avec Lantier ; moment de la mort lente, au côté du cadavre de Chaval lors de l'inondation et de la catastrophe du Voreux.
Albert Capellani est certainement le grand réalisateur méconnu du cinéma français des années dix.
Michel Marie
(texte initialement publié dans, La persistance des images, Cinémathèque française, Paris, 1996.)
Autour du film
Ann Harding's Treasures
Germinal 1913 (I)
http://annhardingstreasures.blogspot.fr/2010/08/germinal-1913.html
Ann Harding's Treasures
Germinal 1913 (II)
http://annhardingstreasures.blogspot.fr/2011/05/germinal-1913-ii.html
Catalogue Pordenone 2005
Andre Antoine and French Realism
http://www.cinetecadelfriuli.org/gcm/ed_precedenti/screenings_recorden.php?ID=5543
Catalogue Il Cinema Ritrovato 2011
p.123.
Film visible sur le site Gaumont-Pathé Archives.
Autour du réalisateur
David Bordwell's website on cinema
Capellani trionfante
http://www.davidbordwell.net/blog/2011/07/14/capellani-trionfante/
Christine Leteux, Albert Capellani, cinéaste du romanesque, Editions La tour verte, Grandvilliers, 2013.
Alain Carou, Le cinéma français et les écrivains - histoire d'une rencontre 1906-1914, Ecole Nationale des Chartes/ AFHRC, 2002.
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