En 2028, un savant africain décide d’explorer les terres inconnues d’Europe. Son aéronef atterrit sur une colonne Morris dans un Paris dévasté, retourné à l’état sauvage. Là, il est capturé par une autochtone qui l’accroche à un poteau et se met à danser. Le savant reconnait cette «ᅠdanse primitive des Blancsᅠ» et demande à l’apprendre. Après une danse endiablée, il repart avec la jeune femme dans son aéronef.
- Titre original : Charleston = Sur un air de Charleston
- Genre : Essai
- Année de production : 1926
- Année de sortie d'origine : 1927
- Date de sortie en France : 19 mars 1927
- Format d'origine : 35
- Métrage d'origine : 550 m
- Réalisateur : Jean Renoir
- Assistant réalisateur : André Cerf
- Scénaristes : Pierre Lestringuez, André Cerf
- Société de production : Néo-Films
- Producteur : Pierre Braunberger
- Directeur de la photographie : Jean Bachelet
- Compositeur de la musique originale : Clément Doucet
- Interprètes : Catherine Hessling (la danseuse), Johnny Huggins (l'explorateur), Pierre Lestringuez (un ange), Pierre Braunberger (un ange), Jean Renoir (un ange), André Cerf (un ange)
- (Studio) Studios d'Epinay, France
Ce film a été restauré en 2005 par la Cinémathèque française à partir d’un contretype 35 mm.
Cet élément établi par Henri Langlois ne comportait pas d’intertitres. Grâce à une copie conservée à la Cinémathèque Royale de Belgique et au scénario écrit par Pierre Lestringuez, une copie de présentation a pu être reconstituée à l'occasion du cycle Jean Renoir réalisé à la Cinémathèque française pour l'ouverture du site Bercy.
Informations techniques sur les copies
Année du tirage | Procédé image | Version | Métrage | Cadence | Minutage | Format |
---|---|---|---|---|---|---|
2005 | Noir et blanc | Français | 548 m | 20 i/s | 23 min | 35 |
Projections notables (avec accompagnement musical)
Date de projection | Lieu | Accompagnement musical | Commentaire |
---|---|---|---|
2005-11-10 | Cinémathèque française | Cycle Jean Renoir |
J’insiste sur le fait que je n’ai mis les pieds dans le cinéma que dans l’espoir de faire de ma femme une vedette.ᅠ[1]
A la suite d’un premier essai en 1924, Catherine, qu’il juge très mauvais, Jean Renoir, mordu par la passion du cinéma, abandonne la céramique pour se lancer dans ce nouveau mode d’expression, qui lui permet de mettre en valeur la plastique et le talent de pantomime de son épouse Catherine Hessling, dernier modèle de son père. Dès ses premières tentatives cinématographiques, Renoir montre une grande curiosité envers les effets visuels et les innovations techniquesᅠ: angles inhabituels, effets spéciaux, maquillage en noir et blanc pour accentuer les contrastes.
L’année suivante, La fille de l’eau, tourné en forêt de Fontainebleau, avec Catherine Hessling en jeune orpheline malheureuse, ne trouve pas de salle d’exploitation. Renoir se convertit sans trop de succès au commerce d’œuvres d’art. Un jour cependant, il croise Jean Tedesco, propriétaire du Vieux Colombier, qui l’invite à assister à la projection de l’une des séquences du film, celle du rêve, qui provoque l’ovation de la salle. Encouragés par ce premier succès, Renoir et son épouse se lancent dans la réalisation de Nana, adapté de Zola, en 1926. Le film, une grosse coproduction avec l’Allemagne, est lancé à grand renfort de publicité. Une fois de plus c’est un échec cuisant et le réalisateur doit se résoudre à vendre les œuvres de son père pour éponger ses dettes.
Par ailleurs, grâce à Jacques Becker, son futur assistant, il découvre le jazz et la musique américaine. Lors de leurs nombreuses soirées dans des clubs, le trio fait connaissance avec le danseur américain Johnny Higgins qui, venu en tournée avec sa troupe, ne veut plus retourner aux Etats-Unis. Renoir, en guise d’adieu définitif au cinéma, et sur l’instigation d’Hessling, décide alors d’utiliser les dernières chutes de pellicule vierge du film Nana pour tourner Sur un air de Charleston. Le tournage est interrompu au bout de quelques jours et le film, partiellement achevé[2], est malgré tout distribué. Mais bien qu’il fût favorablement accueilli par la critique, il ne connut pas de succès public.
Renoir, à cette époque, considère que l’idéal du jeu de l’acteur est la pantomime[3] et Sur un air de Charleston, titre programmatique, en est la parfaite illustration. Le mouvement des corps, la démarche en canard façon Chaplin de Higgins, l’agitation permanente d’Hessling créent une musicalité rendue possible par les effets visuels. Le film semble fait de plusieurs couches qui se répondent et s’harmonisent. Tout d’abord un jeu de contrepoints et de contre-emplois provocateurs. Le noir et blanc est utilisé pour mettre en contraste les deux personnagesᅠ: la peau blanche de l’actrice et sa bouche noire / la peau et le costume noirs de l’acteur et sa bouche soulignée de blanc. Inversion des rôles classiquesᅠ: l’Africain est du côté de la civilisation et la Parisienne dénudée est retournée à l’état de natureᅠ; le personnage féminin, par ses mouvements de hanches suggestifs, effraie le pauvre explorateur en queue-de-pie, jusqu’à le tétaniser pour l’attacher à un poteau. Sur cette trame dichotomique, Renoir, passionné de jazz, transcrit une musicalité muette rendue visible bien sûr par la danse à l’écran, mais également exprimée par les effets visuelsᅠ: accélérations, ralentis, changements d’échelle de plan créent cet air de charleston.
Le corps de Catherine Hessling, centre de gravité de l’œuvre, fascine bien évidemment le savant attaché à son poteau, mais surtout la caméra. Ici la danse, irrésistible mouvement, devient l’unique moyen de communication entre les êtres, énergie pure et plaisir pur. Allant bien au-delà du charme des séquences de danses de Loïe Fuller qui jouaient essentiellement sur l’hypnotique mouvement continu de la robe et des jeux de lumière, mais qui finalement niaient le corps de la danseuse, Renoir affirme un corps tout en énergie, maladroit parfois, mais libre, immortalisé par la caméra.
Le film marque cependant la fin de la période expérimentale de Jean Renoir qui, à partir de 1927, commence à travailler pour des productions conventionnelles de plus grande ampleur avec Marquita. La Petite marchande d’allumette en 1928 sera sa dernière collaboration avec Catherine Hessling qui ne fera pas une longue carrière cinématographique.
Wafa Ghermani
[1]Jean Renoir, Ma vie et mes films, Champs Contre-Champs, Flammarion, 1974, p.44.
[2]Le scénario de Pierre Lestringuez conservé à la Cinémathèque française fait état de détails supplémentaires.
[3]Ma vie et mes films, op. cit. p 46.
Autour du film
Journée d'études Université Rennes 2
Autour de Catherine Hessling
Séverine Calais, Catalogue des personnages de l'oeuvre filmique de Jean Renoir, mémoire de thèse sous la direction de Roger Viry-Babel et Eric Schmulevitch, Université de Nancy 2, 2007.
Jean Renoir, Ma Vie et mes films, Champs Contre-Champs, Flammarion, 1974.
Autour du réalisateur
Présentation du fonds Jean Renoir conservé à la Cinémathèque française
http://www.cineressources.net/repertoires/archives/fonds.php?id=renoir
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