La Cinémathèque française Catalogue des restaurations et tirages
  • Mor'vran - La mer des corbeaux - Jean Epstein 1930 - Collections La Cinémathèque française
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Jean Epstein / Fiction / France / 1930

Documentaire poétique sur les pêcheurs de l’île de Sein, à bord de la «Fleur de Lisieux». Mor’vran ou La mer des corbeaux prolonge le cycle des films bretons, engagé avec Finis Terrae.

Une rapide traversée de l'archipel breton, avant-garde occidentale du continent : Ouessant "ile d'épouvante", phare de la Jument, îlot de Molène. On atteint l'île de Sein, le plus farouche des lieux habités, où la vie s'écoule dans la rumeur menaçante de l'Océan. Cependant à Brest, l'équipage de la Fleur de Lisieux se prépare à regagner l'île. Un jeune marin s'est attardé à la foire pour rapporter à sa fiancée, Marie-Jeanne, un collier, souvenir du continent. Il rejoint enfin la barque, qui, malgré le ciel orageux et la mer hachée, n'hésite pas à lever l'ancre. Mais l'ouragan se déchaîne, la mer s'enfle et, malgré les manoeuvres hardies de l'équipage, la situation est bientôt désespérée.

Extrait brochure publicitaire de Mor'vran, conservée à la Cinémathèque française (cote : Epstein 268 B79)

  • Titre original : Mor-vran - La mer des corbeaux
  • Genres : Documentaire - Essai - Expérimental
  • Année de production : 1930
  • Année de sortie d'origine : 1930
  • Date de sortie en France : 1er mars 1930
  • Format d'origine : 35
  • Métrage d'origine : 690 m
Lieux de tournage :
  • (Extérieur) Ile de Sein, France

Nouveau tirage 2011 d’après un élément de conservation safety et d’un nouveau négatif son tiré par report optique issus d’une copie d’exploitation nitrate prêtée par le British Film Institute.

Les travaux ont été réalisés au laboratoire l’Immagine Ritrovata à Bologne.

Informations techniques sur les copies

Année du tirageProcédé imageVersionMétrageCadenceMinutageFormat
2011Noir et blancFrançais691 m24 i/s25 min35

Projections notables (avec accompagnement musical)

Date de projectionLieuAccompagnement musicalCommentaire
2014-06-18Kinoteka Slovenska - festival 35mm
2014-05-05La Cinémathèque française - cycle Jean Epstein
2012-12-01La Cinémathèque française Festival Toute la mémoire du monde

Face au déchaînement d’une nature impitoyable, les hommes, malgré la mort omniprésente, luttent et résistent, affirment leur droit de vivre.

Jean Epstein (note d’intention)

L'île serait seulement le rêve de l'homme et l'homme la pure conscience de l'île.(...) Ouessant, puis Sein, fournissent à Epstein le documentaire par excellence où seuls les habitants peuvent jouer leur propre rôle. Enfin, la limite de la terre et des eaux devient le lieu d'un drame où s'affrontent les attaches terrestres d'une part, et d'autre par les amarres, les remorques, les cordes mobiles et libres.

Gilles Deleuze, L'Image-Mouvement.

Enfin des îles sur lesquelles on n'écrit pas, mais qui s'écrivent elles-mêmes.

Derek Walcott

A compter de 1929, après l'expérience de Finis Terrae et en pleine crise économique du monde occidental, Jean Epstein semble tourner délibérément le dos à ses précédentes expérimentations en studio et s’oriente vers un cinéma entier, consacré à la mer et aux pêcheurs de Bretagne, qui deviendront ses principaux interprètes. ᅠDe cette fresque maritime, une forme nouvelle de cinéma voit le jour, poésie intense et beauté insolite, c'est le documentaire ethnographique féérique, capteur de «ᅠmerveilleux né du réelᅠ» (l'expression est de Langlois). Epstein demeure un pionnier en la matière, aux côtés de Flaherty. Et Langlois de continuer, «ᅠc'est un des plus beaux documentaires du cinéma français, c'est un véritable poème sur la Bretagne et la mer, qui précède de quatre ans Man of Aran dont il a inspiré quelques-uns des plus beaux passages. C'est dans ce film que l'on sent à tout instant, sans qu'elle soit évidente comme dans La Chute de la maison Usher, toute la science d'Epstein, toute sa poésie de transfiguration des choses et l'on comprend qu'il ait pu écrireᅠ: «ᅠl'acteur qui m'a donné le plus de satisfaction c'est l'Ile d'Ouessant avec tous les gens qu'il y a dedans et toute l'eau.ᅠ»

Mor-vran, La mer des corbeauxᅠ met en scène les flots et les pêcheurs de l’Ile de Sein. La mer est un personnage à part entière : toile de fond, marine, pur espace de contemplation et de terreur. Les effets de montage et de perspectives des plans agencent une narration et met en scène l’incidence d’une lumière ou d'une vibration des flots sur la vie humaine, si petite. Ces mouvements sont le véritable sujet des films qui suivront. Les motifs photographiés se détachent de leur définition primaire, de l’anecdote documentée pour ne représenter au final qu’eux-mêmes. Epstein reste fasciné par l'énigme du mouvement infini de la transformation de la surface des flots marins. Les images peuvent être un chaînon entre l'impressionnisme et l'abstraction lyrique, entre William Turner et Georges Matthieu. C'est aussi une déclaration d'amour à l'humain et un portrait de ceux qui sont fascinés par l'océan et ne peuvent vivre loin de lui, les îliens. Les conditions de tournage sont aussi dures que les images sublimesᅠ: le journal de bord du film, texte remarquable édité sous le titre L'Ile, raconte le travail parmi les tempêtes et les acteurs non professionnels.

Mor-vran est aussi la première confrontation d'Epstein au parlantᅠ: si le film est encore silencieux (pas de dialogues), une partition est commandée en postproduction à Alexis Archangelsky, qui travailla à partir de folklore breton. La musique est enregistrée sur disque 33 tours en utilisant le procédé Synchronista, soit la diffusion synchronisée lors de la projection publique du film.

Mor-vranᅠ est projeté en mars 1930 pour la première fois au théâtre du Vieux-Colombier (salle dirigée par Jean Tedesco et équipée du procédé Synchronista), entreᅠLes Etudes sur Paris d'André Sauvage et une série d'épisodes de Laurel et Hardy. Le programme précise que ce film, produit par la Compagnie Universelle Cinématographique, est une commande du Vieux-Colombier.

Emilie Cauquy

 

Autour du film

  • Jean Epstein, "Le Cinématographe dans l'Archipel", Ecrits sur le cinéma, Tome 1, Seghers, 1974.

  • Vincent Guigueno, «ᅠFortune d'Hoedic, histoire et mémoire de L'Or des mersᅠ», Melvan, la revue des deux îles, n°3, 2006.

  • Vincent Guigueno, Jean Epstein, cinéastes des îles, éditions Jean Michel Place, 2003.

    http://www.jeanmichelplace.com/fr/livres/detail.cfm?ProduitID=985

  • Exposition « Jean Epstein et les îles bretonnes, le cinéma dans l'archipel, 1928-1948 », Écomusée de Groix, 31 mai-2 novembre 2003.

  • Roger Régent, Pour vous, n°83, critique sur le film, ᅠ19/06/1930.

  • Michel Gerse, Cinémonde n° 88, critique sur le film, ᅠ26/06/1930.

  • Actes du colloque organisé par Jacques Aumont, Jean Epstein, cinéaste, poète, philosophe, éditions de la Cinémathèque française, 1998.

  • Stuart Liebman, Jean Epstein's Early Films Theory, PhD, New York University, 1980.

  • Laura Vichi, Epstein, Milan II, 2003.

  • Sarah Keller, Jason N. Paul, Jean Epstein, Critical Essays and New Translations, Amsterdam University press, 2012.

  • Recherche Calindex Jean Epstein

    http://calindex.eu/actreal.php?op=listfilm&nar=5377&min=0

  • Hugo Verlomme, David Konig et Valérie Paillé, Iles tragiques, histoires terribles et magnifiques, éd. Arthaud, 2009.

Autour du réalisateur

Autour du procédé sonore Synchronista

  • « Jean Epstein nous parle de ses projets et du film parlant », Pour Vous, n° 48, entretien, 17/10/1929.

La série des films bretons et le cinéma expérimental