Pour avoir conspiré contre le consulat de Napoléon, Louis Antoine de Bourbon-Condé, duc d’Enghien, est enlevé, jugé et exécuté le 21 mars 1804, dans les fossés du Château de Vincennes.
- Titre original : La Mort du duc d'Enghien
- Autre titre : La Mort du duc d'Enghien en mille huit cent quatre
- Genre : Film historique
- Année de production : 1909
- Année de sortie d'origine : 1909
- Date de sortie en France : 3 décembre 1909
- Format d'origine : 35
- Métrage d'origine : 310 m
- Réalisateur : Albert Capellani
- Scénariste : Léon Hennique
- Société de production : S.C.A.G.L. - Société Cinématographique des Auteurs et Gens de Lettres
- Distributeur d'origine : Pathé Frères
- Interprètes : Daniel Mendaille, Charles Lorrain, Germaine Dermoz, Paul Capellani, René Leprince, Henri Étiévant, Georges Grand, Henry Houry
Un film sauvegardé par la Cinémathèque française à partir du négatif nitrate d’origine issu de ses collections. Aucune information relative à des cartons n’a été trouvée à ce jour.
Informations techniques sur les copies
Année du tirage | Procédé image | Version | Métrage | Cadence | Minutage | Format |
---|---|---|---|---|---|---|
1999 | Noir et blanc | 272 m | 18 i/s | 13 min | 35 |
Projections notables (avec accompagnement musical)
Date de projection | Lieu | Accompagnement musical | Commentaire |
---|---|---|---|
2010-07-02 | Il Cinema Ritrovato - Bologne | Rétrospective Albert Capellani - édition 2010 - Cinémathèque de Bologne |
Dès son début, le film ne déroge pas au système de représentation qui était alors la normeᅠ: c’est, plus que jamais, une pièce de théâtre filmée, la reproduction d’un point de vue qui est celui d’un spectateur dans une salle de théâtre. En ce sens, le film donne une idée assez précise des enjeux – esthétiques, commerciaux - de la SCAGLᅠ: sujet historique, cinéma où tout dans le style fait allégeance à la noblesse supposée du théâtre. Cinéma théâtral, littéraire, en recherche de noblesse. Une captation d’éléments qui répondent à une définition de la culture, des Lettres. Un cinéma de l’orthographe. Une certitude que la mise en scène de Capellani va assez vite mettre en crise.
Il faut attendre le troisième plan, c’est-à-dire une fois que ce pacte avec les Lettres a été signé pour que Capellani intervienne enfin comme cinéasteᅠ: un plan en plein air, pris sous un certain angle qui lui donne de la vitesse, où toute l’action – des soldats napoléoniens cernent la maison d’Enghien pour venir l’arrêter – est ordonnée en fonction de cette maison en arrière-plan. Un cheval, puis un soldat sortent du champᅠ: le film est conscient de ce qu’il montre autant que de ce qu’il cache. En un plan, Capellani fait faire à son cinéma un bond esthétique de quelques années.
On ne cesse de s’étonner, devant ses films de la période charnière –1906/1912 – de la façon dont Capellani peut sembler tout à la fois prisonnier des conventions théâtrales dont il est, via la SCAGL, le représentant tout en se montrant d’une modernité sans pareille dès qu’il tourne en extérieur.
Plus qu’aucun autre, ce film de 1909 fait état de cette tension esthétique alors à l’œuvreᅠ; Il est à la fois primitif et moderne, archaïque et expérimental, comme s’il se devait de représenter les deux faces du cinéma, Lumière et Méliès, le spectacle mis en boite et la peinture solaire du monde.
Il y a dans La Mort du Duc d’Enghien un personnage qui passe de l’un à l’autre de ces espaces non réconciliésᅠ: c’est le chien. On le voit en intérieur, tout fou, aboyant, jappant, fonçant sur le décor. On le retrouve au plan d’après, traversant le champ, accompagnant au galop la garnison. Plus que sa liberté de zigzaguer, c’est sa vitesse qui tranche avec le reste de l’équipeᅠ: personne, dans le cinéma français de 1909, ne va aussi vite et de façon aussi indiscipliné que ce chien. C’est dire s’il est précieux.
L’acteur qui joue D’Enghien est, physiquement, lourd, imposant. Pour autant son jeu est d’une tonalité générale noble et sobre, et permet à Capellani de traiter le scénario suivant deux régimes narratifsᅠ: à la fois comme un drame (l’histoire d’un homme qui va à la mort) et comme une photographie de la violence quotidienne durant la période napoléonienne (le pro
cès joué d’avance, les exécutions, le quotidien des gardes qui creusent les tombes des nobles).
Il permet surtout à Capellani d’atteindre un des sommets de son œuvre avec le dernier plan du film, longue séquence de plus de deux minutes qui commence sur l’exécution d’Enghien, sans gesticulation, les yeux ouverts (il refuse le bandeau), après s’être mis à genoux pour prier. Il tombe sous le feu des gardes, et alors que l’on croit la séquence achevée, Capellani la pousse à son paroxysmeᅠ: il continue de filmer les deux gardes mettant Enghien en terre, tête la première, commençant ensuite à le recouvrir de terre jusqu’à ce que le chien du duc rentre de nouveau dans le champ et se jette dans la fosse du Château de Vincennes, rejoignant son maître pour l’éternité.
La fulgurance de cette scène est la démonstration du savoir faire total de Capellani en 1909. La Mort du Duc d’Enghien en 1804 est un des films les plus importants de la période.
Philippe Azoury
Autour du film
Ann Harding's Treasures
La Mort du Duc d'Enghien en 1804 (1909)
http://annhardingstreasures.blogspot.fr/2011/07/la-mort-du-duc-denghien-en-1804-1909.html
Film visible sur le site Gaumont-Pathé Archives.
Autour du réalisateur
David Bordwell's website on cinema
Capellani trionfante
http://www.davidbordwell.net/blog/2011/07/14/capellani-trionfante/
Christine Leteux, Albert Capellani, cinéaste du romanesque, Editions La tour verte, Grandvilliers, 2013.
Alain Carou, Le cinéma français et les écrivains - histoire d'une rencontre 1906-1914, Ecole Nationale des Chartes/ AFHRC, 2002.
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