La Cinémathèque française Catalogue des restaurations et tirages
  • Montage E. J Marey - bandes chronophotographiques - Etienne-Jules Marey et Georges Demenÿ - 1890 - Collections La Cinémathèque française
  • Montage E. J Marey - bandes chronophotographiques - Etienne-Jules Marey et Georges Demenÿ - 1890 - Collections La Cinémathèque française
  • Montage E. J Marey - bandes chronophotographiques - Etienne-Jules Marey et Georges Demenÿ - 1890 - Collections La Cinémathèque française
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Bandes chronophotographiques

Corpus Incunables
Etienne-Jules Marey, Georges Demenÿ / Non-fiction / France / 1890

Liste des sujets par catégorie (les catégories ont été déterminées par Lucien Bull) :

Homme (41)

Homme athlète (42)

Homme cycliste (10)

Homme. Mouvements divers (30)

Homme. Escrime (7)

Homme. Jeux divers (10)

Homme. Mouvements des membres (18)

Homme nègre (44)

Homme parlant (5)

Homme soldat (6)

Âne (4)

Chat (11)

Cheval (75)

Chèvre (6)

Chien (17)

Insecte (10)

Lapin (32)

Mouton (17)

Oiseau (6)

Poisson (3)

Poule (6)

  • Titre original : Montage E.J. Marey - Bandes chronophotographiques
  • Année de production : 1890
  • Année de sortie d'origine : 1890
  • Date de sortie en France : —
  • Format d'origine : 35
  • Métrage d'origine : —
Lieux de tournage :
  • (Studio) Station physiologique, France
  • (Studio) Ecole de Joinville, France
  • (Studio) Naples, Italie

Les films de Marey ont été réalisés sur du nitrate de cellulose. On sait que cette matière très inflammable se corrompt et finit par disparaître : bien des bandes ont ainsi été détruites, hélas. Certaines commençaient à pourrir lorsque le travail de restauration a été décidé. Sur certains films, le support restait dans un état convenable, mais en revanche c'était l'émulsion qui se décollait parfois totalement.

Un premier travail a consisté, à la Cinémathèque aussi bien qu'aux Archives du Film, à contretyper (en tirage contact) chaque bande sur un support souple et transparent, et enfin sur support papier. On garde ainsi en mémoire le format exact du film et ses caractéristiques physiques (défauts, traces d'écriture, etc.).

Ensuite le deuxième travail – beaucoup plus onéreux –, réalisé grâce aux budgets alloués par le Centre national de la Cinématographie, a consisté à numériser, une par une, toutes les images négatives des films originaux. Ces images ont été ensuite «restaurées» à l'aide d'une palette graphique. Se pose ici le problème de tous les restaurateurs : où s'arrêter ? L'image doit-elle être débarrassée de tous ses défauts (rayures, poussières, effluves, cassures, manques, etc.) ? Grâce au numérique, on peut en effet obtenir une image parfaitement «neuve», sans aucune trace d'usure. Les laboratoires Neyrac, qui ont restauré les bandes de la Cinémathèque Française et celles des Archives du Film, proposent plusieurs stades de restauration, de la plus discrète à la plus intensive. Nous pensons évidemment qu'il est inutile de donner un aspect parfait à des films qui ont, dès leur époque, connu des problèmes techniques (rayures engendrées par le passage dans la caméra, traces de doigts lors du développement, jets de lumière, effluves dues à l'électricité, etc.).

L'autre étape consiste à transporter les restaurations numériques sur la pellicule 35 mm acétate moderne. Il a fallu auparavant trouver la cadence adéquate pour que le spectateur puisse voir d'une façon satisfaisante, sur un écran, la projection d'un film qui mesurait, initialement, deux ou trois mètres de longueur. Il faut donc répéter un certain nombre de fois chaque image sur la même pellicule, jusqu'à ce que l'on obtienne une durée convenable. Le problème est complexe : Marey était un adepte de la prise de vues à grande vitesse, sa caméra pouvait fonctionner à 100 images/seconde, ce qui lui donnait des «ralentis» précieux pour ses recherches. Or, il est difficile de déterminer avec quelle cadence tous les films mareysiens ont été réalisés. Un bon moyen consisterait à relever les indications du chronographe, dont l'aiguille donne un tour en une seconde ; mais malheureusement cet appareil n'est pas toujours présent sur le film.

Le transfert des images sur la pellicule 35 mm permet de projeter sur grand écran et donc de montrer au public l'incroyable beauté visuelle, d'une qualité à couper le souffle, des images mareysiennes. Certes, à leur époque, ni Marey ni Demenÿ n'ont pu voir leurs films aussi bien projetés : mais il ne faut pas oublier que le phonoscope de Demenÿ, notamment, a permis dès 1892 de projeter certaines bandes chronophotographiques. Contrairement aux idées reçues, Marey s'intéressait beaucoup à la projection – à la condition, précisément, que les films offrent la vision du ralenti, car la vitesse réelle (une arrivée d'un train en gare par exemple) n'avait pour lui aucun intérêt.

La dualité des images mareysiennes a de quoi troubler. En raison de leur beauté, de leur mystère, elles captivent aujourd'hui le grand public qui est en général totalement ignorant des problèmes posés par la physiologie du mouvement. En raison de leur signification, de leur raison d'être, elles passionnent les physiologistes et les biomécaniciens actuels. Marey jouait déjà sur cette ambiguïté, à son époque : il cherchait à réaliser des images de plus en plus étonnantes, afin de surprendre le monde scientifique et le public. Son programme n'était-il pas de "voir l'invisible" ? Cette course en avant vers le spectaculaire allait engendrer, quelques années plus tard, l'industrie du septième art.

Laurent Mannoni

Informations techniques sur les copies

Année du tirageProcédé imageVersionMétrageCadenceMinutageFormat
2003Noir et blanc1816 m24 i/s66 min35
2004Noir et blanc1816 m24 i/s66 minBetanum

Projections notables (avec accompagnement musical)

Date de projectionLieuAccompagnement musicalCommentaire
2008-10-10DVD commandité par le Conseil Régional de Bourgogne Orchestre : La Camerata de Bourgogne (co-réalisateur du concert avec l’Opéra de Dijon) / Page internet : http://www.greco-casadesus.com/marey-2011/index.html

Les films d' Etienne-Jules Marey : un précieux patrimoine

Etienne-Jules Marey (Beaune 1830 – Paris 1904), physiologiste et médecin, a consacré sa vie à l'étude du mouvement humain et animal. Pour mener à bien ses recherches, il a utilisé deux techniques : d'une part la «méthode graphique» et d'autre part la «chronophotographie», qui a recours à la photographie, comme son nom l'indique. Marey a d'abord employé, dès 1882, une caméra à disque obturateur et à plaque de verre. Dans sa «Station physiologique» sise au bois de Boulogne, il a réalisé avec son préparateur Georges Demenÿ (Douai 1850 – Paris 1917) une quantité très importante de clichés chronophotographiques sur verre, représentant la locomotion humaine et animale.

En 1888, après l’introduction sur le marché photographique des rouleaux de papiers négatifs Eastman, Marey annonce à l'Académie des sciences qu'il espère «obtenir une série d’images sur une longue bande de papier sensible, animée d’une translation rapide avec arrêts aux moments des poses»[1]. Un pas décisif est effectué quelques mois plus tard. Durant l’été 1889, comme le prouve l’ouvrage du commandant Bonnal, Equitation[2], Marey réalise ses premiers films sur support celluloïd. Il a en effet adapté à sa caméra la pellicule négative en celluloïd de l’Eastman Photographic Materials Company. Le "cadre presseur", système d’entraînement conçu par Marey pour que la pellicule défile par intermittence dans la caméra, donne alors satisfaction. Le système de l’appareil «photochronographique» (le mot «chronophotographie» sera retenu officiellement en 1889), est breveté le 3 octobre 1890[3].

La Cinémathèque française possède 416 négatifs originaux de Marey; les Archives du film du Centre national de la cinématographie en conservent 153, ce qui donne une idée de la considérable filmographie de Marey, premier «réalisateur de film» du XIXème siècle.

Plusieurs formats

Les premières pellicules utilisées par Marey en 1889 proviennent de la firme américaine de George Eastman. Mais peu de temps après, d'autres fournisseurs, tels le Français Balagny et l'Anglais Blair, parviennent à satisfaire le physiologiste, toujours à la recherche de pellicules[4]. Le format 90 mm demeurera le plus utilisé en raison de la grandeur et la qualité des images que Marey pouvait ensuite étudier, projeter et même calquer. Des pellicules larges de 60 mm ont cependant été employées. Sur les 416 films de la Cinémathèque française, 12 seulement mesurent 60 mm de large – nous arrondissons ces chiffres car à cause du «retrait» physique de la pellicule, nous trouvons actuellement des tailles très variables (entre 84/89 mm et 55/60 mm). Quant à la longueur, elle varie entre 11 cm et 419 cm. En 1899, Marey a également utilisé du film 35 mm pour la nouvelle version de son fusil chronophotographique. Que ce soit du film 90 mm, 60 mm ou 35 mm, la pellicule n'est jamais perforée, ce qui engendrait des problèmes d'équidistance des images, et ce qui empêcha Marey de réussir pleinement dans la voie des projections chronophotographiques.

Origine des collections de la Cinémathèque Française et des Archives du Film du CNC

Les films de Marey conservés aux Archives du Film et à la Cinémathèque proviennent tous, ou presque, de la même source : l'Institut Marey. En 1882, Marey a créé la Station physiologique, où il va réaliser la majorité de son œuvre filmique (des vues ont toutefois été tournées au-dehors de la Station). En 1901 un «Institut Marey» est édifié à côté de la Station. Cet Institut est notamment chargé de contrôler et d'uniformiser les appareils de la méthode graphique, mais il servira aussi de laboratoire pour d'autres recherches. Surtout, il abritera le premier «Musée Marey». Malheureusement, à la mort du physiologiste, le «Musée» sera démantelé. Les deux principaux disciples, Pierre Noguès et Lucien Bull, préserveront les archives, les appareils, les plaques de verre et les films, à une époque où plus personne ne s'y intéressait.

En 1963, Henri Langlois, secrétaire général de la Cinémathèque française, décide d'organiser au palais de Chaillot la première exposition consacrée à Marey. Lucien Bull lui offre, à cette occasion, des appareils, des archives, et les quelque 416 films originaux. Pierre Noguès offrira également des appareils, et vendra à la Cinémathèque une grande partie de ses archives personnelles.

C'est également durant les années 1960 que Jean Vivié, historien des techniques cinématographiques, rencontre Lucien Bull. Vivié fera beaucoup pour sortir de l'ombre Bull, pionnier du cinéma scientifique et auteur d'extraordinaires films à grande vitesse. En remerciements, Bull lui offrira des archives et le reste des films Marey en sa possession.

Catalogage

A l'occasion d'une exposition organisée en 2000[5], les 416 films de la collection Marey appartenant à la Cinémathèque Française ont été catalogués sur base informatique. Chaque film possède une fiche. Celle-ci comporte vingt entrées et une image numérisée représentant un extrait du film en question. Les vingt entrées permettent de déterminer : 1) le numéro d'inventaire, 2) Le titre du film (souvent celui donné par Lucien Bull), 3) La description du film, 4) L'auteur, 5) Les noms des personnages qui y figurent, 6) La nature du support, 7) La largeur, 8) La longueur, 9) Le nombre d'images, 10) Le défilement (horizontal ou vertical), 11) Le plan (général / gros plan, etc.), 12) Le fond (blanc / noir), 13) La présence ou non d'un chronographe, 14) La datation, 15) La publication éventuelle à l'époque, 16) Les remarques historiques ou techniques, et enfin des indications sur les contretypes qui ont été réalisés.

Le travail de catalogage nous a permis d'appréhender toute la complexité de l'œuvre de Marey. Les films du physiologiste ont été réalisés pour l'étude de phénomènes précis, dans le cadre d'études spécifiques : la marche du soldat, l'économie des forces musculaires par exemple. Les images de ces films ont également servi à Marey pour étayer ses théories scientifiques. Elles sont donc publiées par le physiologiste dans ses nombreux articles et ouvrages. Par exemple, les célèbres films sur la chute du chat ont paru dans la presse en 1894. Lorsque l'on retrouve les articles de Marey (ou d'autres auteurs contemporains) qui correspondent aux images, alors le film prend toute sa signification scientifique et historique. Cela permet également de proposer une datation relativement précise.

Marey a beaucoup publié. Il a donc fallu rechercher tous ses écrits – il est l'auteur d'une dizaine d'ouvrages et d'environ 300 articles – mais aussi les études de ses collaborateurs et disciples. Cette enquête a permis d'identifier les véritables auteurs de certains films qui, auparavant, étaient attribués à Marey. Grâce à la publication de la correspondance entre Marey et son préparateur Demenÿ, on a pu attribuer à ce dernier un bon nombre de films.

Outre Demenÿ, bien des chercheurs sont venus à la Station physiologique pour réaliser à leur tour, avec le matériel de Marey, leurs propres films. C'est le cas de Maxime Guérin-Catelain, spécialiste de la locomotion du cheval, qui enregistre à la Station physiologique plusieurs dizaines de films ; ils serviront à illustrer ses ouvrages[6]. Au moins neuf auteurs différents ont réalisé les bandes qui subsistent à la Cinémathèque Française et aux Archives du Film : Marey, en tout premier lieu ; Demenÿ, son préparateur ; Charles Comte ; Guérin-Catelain ; Le Hello ; Félix Regnault ; Maurice Emmanuel ; Lucien Bull et Pierre Noguès, les deux disciples du Maître.

Prenons le cas de Félix Regnault. Assisté par Charles Comte, il a réalisé à la Station, entre 1895 et 1900, plusieurs films sur la locomotion humaine. Il a filmé notamment la marche du commandant de Raoul (ces images illustreront un livre publié en 1898 par Raoul et Regnault, Comment on marche), les instructeurs de l’école de Joinville défilant au pas gymnastique, la «démarche des musulmans de Saint-Louis», etc. En 1900, Regnault offrira les premiers films ethnographiques de l'histoire du cinéma à la Société d’anthropologie de Paris[7].

C'est en 1892 que sont réalisés à la Station les premiers films sur la danse, à l'initiative de Maurice Emmanuel qui travaille à une thèse monumentale intitulée Essai sur l’orchestique grecque (publiée en 1895). Cette fois, les films ont été tournés par Demenÿ, sous la direction d'Emmanuel.

On le voit, l'univers mareysien est extrêmement riche et autour de lui gravitent quantité de personnages importants. La publication d'un catalogue recensant tous les films de Marey serait nécessaire. Rappelons que genre de travail a été mené avec succès et efficacité pour les films des frères Lumière[8].

Laurent Mannoni


[1] « Modifications de Photo-chronographie pour l'analyse des mouvements exécutés sur place par un animal », Comptes rendus des séances de l’Académie des sciences, séance du 15 octobre 1888, t. 107.

[2] Equitation, par le Commandant Bonnal, Paris, Librairie militaire de L. Baudoin et Cie, 1890. Voir la reproduction des premiers films de 1889 in Laurent Mannoni, Etienne-Jules Marey, la mémoire de l’œil, Milan-Paris, Mazzotta – La Cinémathèque française, 1999.

[3] Marey, brevet n° 208 617, 3 octobre 1890, «Appareil photochronographique.»

[4] Lire à ce sujet la correspondance établie par Thierry Lefebvre, Jacques Malthête et Laurent Mannoni : Correspondance d’Etienne-Jules Marey et Georges Demenÿ, Paris, Association Française de Recherche sur l’Histoire du Cinéma – Bibliothèque du Film, 2000.

[5] Etienne-Jules Marey, Le mouvement en lumière, œuvres inédites, Espace Electra, Paris, 13 janvier-19 mars 2000. Environ 200 films de Marey étaient projetés en vidéo dans cette exposition.

[6] Maxime Guérin-Catelain, Le mécanisme des allures du cheval, notions élémentaires, avec 59 chronophotographies et croquis, Librairie militaire Berger Levrault et Cie ; Le saut des obstacles, recherches expérimentales, Préface par M. le Dr Marey, de l’Institut, Ouvrage orné de 95 chronophotographies et 90 fac-similés par F. de Launay, Berger-Levrault, éditeurs, Paris, 1898 ; Le changement de pied au galop, analyse de son mécanisme, recherches expérimentales, Préface par M. le Commandant Varin, écuyer en chef à l’ecole de cavalerie de Saumur, avec 146 chronophotographies et fac-simile par F. de Launay, Paris, Berger-Levrault & Cie, éditeurs, 1902.

[7] Félix Regnault, «La Chronophotographie dans l’Ethnographie», Bulletins et mémoires de la société d’anthropologie de Paris, t. 1er, 5e série, 1900, p. 422.

[8] Sous la direction de Michelle Aubert, Jean-Claude Seguin, La production cinématographique des Frères Lumière, Paris, Bibliothèque du Film (BIFI), Editions Mémoires de cinéma, 1996.

Autour d'Etienne-Jules Marey

  • Laurent Mannoni, Etienne-Jules Marey, la mémoire de l’œil, Milan-Paris, Mazzotta – La Cinémathèque française, 1999.

  • Thierry Lefebvre, Jacques Malthête et Laurent Mannoni (ed.) Correspondance d’Etienne-Jules Marey et Georges Demenÿ, Paris, Association Française de Recherche sur l’Histoire du Cinéma – Bibliothèque du Film, 2000.

  • Site Sémia / Société d'études sur Marey

    et l'image animée

    http://www.inrp.fr/she/semia/

  • Présentation du fonds Georges Demeny conservé à la Cinémathèque française

    http://www.cineressources.net/repertoires/archives/fonds.php?id=demeny