La Cinémathèque française Catalogue des restaurations et tirages

Dimitri Kirsanoff

Retour sur l'œuvre discrète d'un cinéaste de l'avènement de l'avant-garde française des années 1920.
  • Réalisation : Dimitri Kirsanoff
    Fiction / France / 1924

Probablement en raison d'une filmographie contrastée et éclectique pour le moins déroutante, Dimitri Kirsanoff est un cinéaste assez peu connu du grand public mais toutefois apprécié des cinéphiles. Il est l'auteur d'une œuvre originale qui alterne entre recherches formelles, parfois assez radicales, et films nettement plus conventionnels et commerciaux, notamment ceux réalisés à partir de la fin des années 30. Entre 1922 et 1957, il a exploré, à travers 27 films, tous les genres, formats et durées.

Né à Riga en 1899, David Kaplan de son vrai nom est musicien de formation. Il aurait découvert le cinéma en accompagnant les films au violoncelle dans l'orchestre parisien du Ciné-Max-Linder. Après sa rencontre avec l'actrice bretonne Germaine Lebas, rebaptisée Nadia Sibirskaïa pour le cinéma, il développe ses recherches personnelles et participe à l'avènement de l'avant-garde française des années 1920.

Durant cette décennie, sa collaboration systématique avec Nadia Sibirskaïa offre au public plusieurs mélodrames étonnants, dans lesquels l'actrice incarne la figure d'une femme fragile, abandonnée ou trahie, souvent en proie à des hommes peu scrupuleux. Son visage félin, dévoré par de grands yeux expressifs et captivants, et ses mimiques innocentes et spontanées expriment, avec une sensibilité à peine voilée, toute une gamme de sentiments mélodramatiques. « Nous venons de découvrir une nouvelle Lilian Gish ! » s'était enthousiasmé Jean Tedesco, directeur du Vieux-Colombier, en découvrant l'actrice dans Ménilmontant [1]. Dans le premier film de Kirsanoff, L'Ironie du destin (tourné en 1921, sorti en 1924) [2], l'actrice incarne déjà une femme malheureuse en amour. Ce film apporte au couple Kirsanoff-Sibirskaïa une reconnaissance critique et publique que le succès du second film, Ménilmontant, vient confirmer. Destin (1926, sorti en 1928), Brumes d'automne et Sables (1928) complètent cette fascinante filmographie commune. Pourtant, faute d'une distribution efficace, ils sont assez peu connus du grand public.

Avec l'arrivée du parlant, Kirsanoff essuie quelques abandons de projets. Il réalise finalement des films plus commerciaux et des commandes dans différents genres : fictions, documentaires, films pédagogiques, Cinéphonies.

Samantha Leroy


[1] Cité par André G. Brunelin, « Au temps du Vieux-Colombier de Jean Tedesco », Cinéma 61, n° 52, janvier 1961.

[2] D'après Christophe Trebuil, ce film est aujourd'hui considéré comme perdu. Le résumé est tiré de Cinéa-Ciné pour tous, n° 7, 15 janvier 1924, cité par Christophe Trebuil.