La Cinémathèque française Catalogue des restaurations et tirages
  • Le Sauvage - Jean-Paul Rappeneau-1975 © StudioCanal
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Le Sauvage

Corpus A la une !
Jean-Paul Rappeneau / Fiction / France-Italie / 1975

Nelly fait irruption dans la vie de Martin, qu’elle réveille - au sens propre comme au sens figuré. L’empêchant de dormir, une nuit, dans un hôtel de Caracas, elle l’oblige à l’aider à se débarrasser d’un poursuivant amoureux et ordinaire, juste après s’être rendu compte qu’elle allait faire fausse route en épousant ce bellâtre. Martin s’est retiré sur son île, solitaire, bricoleur et heureux. Il a fui la richesse et la gloire, une femme américaine fortunée. Le Sauvage, c’est la possibilité d’une île : le rêve écologique incarné, bien avant que le mouvement écologiste ne se mêle de la qualité de l’air et de l’eau. La possibilité d’une île. Nelly y attend de pied ferme Martin, qui est là chez lui et ne veut de personne. Elle s’incruste : comment s’en débarrasser ? Nelly se plaît à vivre dans la nature mais, avec son tempérament, brise tout sur son passage. Elle fuit la ville de tous les dangers, à la recherche de l’Éden. Le mouvement de l’un ne peut que croiser celui de l’autre, au prix de quelques sérieux dégâts. On a vite compris que Nelly et Martin sont faits l’un pour l’autre, mais eux tardent à se le dire. C’est ce qui fait le charme et la profondeur de cette comédie incroyable, sorte de manuel de savoir vivre déclinant l’amour sur tous les tons, tour à tour : utopie, désir de vivre loin de tout et de s’inventer un monde, fantaisie, attirance physique.

Serge Toubiana

  • Titre original : Le Sauvage
  • Titre parallèle : Die Schönen wilden
  • Genres : Aventures - Comédie
  • Année de production : 1975
  • Année de sortie d'origine : 1975
  • Date de sortie en France : 26 novembre 1975
  • Format d'origine : 35
  • Métrage d'origine : 2937 m
  • Visa d'exploitation : 43525
Lieux de tournage :
  • (Extérieur) Caracas
  • (Extérieur) Bahamas
  • (Extérieur) Iles Vierges (au nord de Porto Rico)
  • (Extérieur) New York
  • (Extérieur) St Laurent des Bois (Nièvre)
  • (Extérieur) Port-Cros (au large d'Hyères)
  • (Extérieur) St Cloud

Le film a été restauré en 2011 par StudioCanal et La Cinémathèque française avec le soutien du Fonds Culturel Franco-Américain - DGA MPAA SACEM WGAW.

Le Sauvage a été tourné en 1975. À cette époque est arrivée sur le marché, pour la fabrication de l’internégatif, une pellicule nommée inversible.

Cette pellicule est devenue rapidement instable avec comme principal défaut des déperditions colorimétriques. Le négatif original a donc très vite été utilisé comme principal élément de tirage et a subi de fortes dégradations.

Nous avons scanné et restauré en 2K le film. Toutes les possibilités offertes par la restauration numérique ont été mises en oeuvre notamment la reconstitution d’images disparues.

Cette restauration a été supervisée par Jean-Paul Rappeneau.

Pierre Lhomme, directeur de la photographie en 1975 a étalonné le film en numérique.

La bande son originale du film était en mono, nous l’avons remixé en Dolby Stéréo à partir des éléments d’origine et notamment grâce à la bande musique 6x25 qui avait été enregistrée en stéréo par Michel Legrand.

Béatrice Valbin-Constant (Directeur technique de StudioCanal)

Informations techniques sur les copies

Année du tirageProcédé imageVersionMétrageCadenceMinutageFormat
2011CouleurFrançais-Anglais2918 m24 i/s106 min35
2012CouleurFrançais2923 m24 i/s106 minDCP
2012CouleurFrançais2923 m24 i/s106 min35

Projections notables (avec accompagnement musical)

Date de projectionLieuAccompagnement musicalCommentaire
2011-05-01Cannes Classics

Entretien avec Jean-Paul Rappeneau / Propos recueillis en avril 2011 par Bernard Payen

Comment est né le projet du Sauvage ?

Mon premier film, La Vie de Château, se passait en 1944 en Normandie avant le Débarquement. Le deuxième, Les Mariés de l’An Deux, en 1793 pendant les guerres de Vendée. N’allais-je donc faire que des films historiques ? Après Les Mariés je cherchais un sujet contemporain. Lors d’un voyage au Brésil pour y présenter le film, j’ai découvert avec ébahissement São Paulo, mégalopole violente, surpeuplée, striée d’autoroutes urbaines. Quand on quitte la ville et qu’on descend vers la côte on arrive à Santos, le port. Là, on voit une île à quelques centaines de mètres du rivage. J’ai demandé à y aller et je me suis retrouvé dans une jungle luxuriante, un paradis terrestre comme sorti d’un tableau du Douanier Rousseau. C’était en fait un parc botanique, mais ce jour là j’ai pensé pour la première fois à une histoire où un homme solitaire vivrait dans une île comme celle-là (mais beaucoup plus lointaine) et devrait parfois venir sur le continent et monter en ville. J’imaginais le contraste qu’il y aurait entre la brutalité de São Paulo et l’atmosphère paradisiaque d’une île comme celle où je me trouvais. En rentrant à Paris, j’ai commencé à parler de cette idée avec ma soeur Elisabeth qui était jusque-là la scripte de mes films. Très vite nous est apparue la nécessité d’un personnage féminin que le héros rencontrerait en ville et emmènerait dans son île. Mais pour y faire quoi ? Je ne voulais pas d’un film qui serait une sorte de Paul et Virginie ! Nous avons hésité, cherché, jusqu’au jour où s’est imposé l’idée que le héros n’aurait aucune envie d’emmener la fille avec lui. Il la laisserait en ville, repartirait seul sur son bateau mais, quand il arriverait dans l’île, il découvrirait que la fille y est déjà ! Déposée là par un hydravion, elle lui impose sa présence, il veut la ramener sur le continent, elle résiste farouchement… et coule le bateau. Dès lors commencerait entre eux « une guerre sous les palmes ». Le ton du film était trouvé.

En écrivant ce film, aviez-vous en tête des références cinématographiques comme New-York, Miami, ou d’autres fleurons de la comédie américaine ?

J’ai tellement aimé la comédie américaine (et les westerns !) dans ma jeunesse cinéphile, que quelque chose de ce cinéma-là flotte forcément derrière Le Sauvage. Au début, le personnage de Martin devait être américain. Il rencontrait une petite française perdue en Amérique Latine qui travaillait comme go-go girl dans un orchestre. Finalement le personnage est remonté de plusieurs crans dans l’échelle sociale : quand on découvre Nelly, elle est sur le point d’épouser un riche Italien. Pour le rôle de Martin, je pensais à Elliot Gould qui venait de tourner en Europe avec Bergman dans Le Lien. Mais Jean-Loup Dabadie qui venait de nous rejoindre pour l’adaptation et les dialogues a tiré le signal d’alarme : dans quelle langue parlerait le personnage ? En anglais ? En français avec un horrible accent ? Et Raymond Danon, le producteur voulait, lui, faire « un grand film français avec de grands acteurs français ».

Comment Catherine Deneuve et Yves Montand sont alors arrivés dans ce projet ?

J’avais gardé un souvenir merveilleux de Catherine dans La Vie de Château. Pour le rôle masculin, Danon souhaitait vivement Alain Delon qu’il connaissait bien. Il a tenté de le convaincre, mais Delon a refusé tout net : « Tu me vois faire ma petite cuisine et grimper aux arbres ? ». Lino Ventura, lui, a toujours refusé de jouer les amoureux au cinéma. Jean-Paul Belmondo était tenté mais suggérait d’avoir pour partenaire Laura Antonelli, sa compagne de l’époque. Ils venaient de jouer ensemble dans Les Mariés de l’An Deux, je n’allais pas recommencer ! Qui restait-il ? Par bonheur pour le film, par bonheur pour moi, Yves Montand aima le scénario… et surtout le titre ! Je me souviens du déjeuner où je le fis rencontrer Catherine Deneuve. Je les mitraillais de photos, j’étais fou de joie. Le couple du Sauvage était né.

Comment avez-vous trouvé cette fameuse île où se déroule la deuxième partie du film ?

L’absence de vraies îles tropicales au large du Brésil orienta nos recherches vers les Caraïbes. Au Venezuela, Caracas, autre ville violente, pouvait très bien remplacer São Paulo. J’ai donc repéré dans la mer des Antilles, Sainte-Lucie, Saint-Vincent, Grenade… mais nulle part je ne trouvais l’île dont j’avais rêvé. Avec Max Douy, mon décorateur, nous avons alors décidé de l’inventer. Aux Bahamas, nous avions repéré l’unique petite plage qui était entourée de palmiers : nous y avons construit la maison de Martin, mais cela nous a obligés à ne tourner que de façon frontale, face à la maison ou face à la mer ! Impossible de faire le moindre panoramique car on tombait sur des bateaux à l’ancre ou les villas voisines. Un peu comme si on avait tourné à Antibes ! C’était au centimètre près. La jungle et la montagne censée se trouver derrière la maison, nous les avons tournées au Venezuela car rien de tout ça ne se trouve aux Bahamas. L’île vue du ciel quand Nelly y arrive en hydravion est l’une des îles Vierges au nord de Porto- Rico, et l’île vue de la mer quand Martin y arrive en bateau est celle de Port-Cros, au large d’Hyères. La scène du potager cultivé à flanc de colline par Martin nous posait problème. Où tourner cela ? Là encore c’est une géographie imaginaire : des plans ont été tournés au Venezuela et les contre-champs aux Bahamas. Les plans généraux du potager, eux, ont été tournés dans les jardins ouvriers de Saint-Cloud, le long de l’autoroute de l’Ouest. Trois pays dans une séquence de 30 secondes avec un dialogue ininterrompu entre les deux personnages !

La question du rythme est toujours au centre de vos films. Elle commence dès l’écriture, et au tournage avec les comédiens…

Quand je préparais La Vie de Château et que j’ai rencontré Catherine Deneuve pour la première fois, elle m’a dit : « je dois vous prévenir, je parle trop vite, je suis obligée de me freiner ! ». J’ai adoré cela. « Ne changez rien ! » lui ai-je dit. Ce rythme, son rythme, a donné le « la » pour tout le film… et pour les suivants. Ce débit de mitrailleuse n’empêche pas que l’on comprenne chacune de ses paroles, chacune des syllabes ! Je retrouvais ce que j’avais tant aimé dans les comédies de Hawks ou de Capra. Comme eux, j’ai toujours tendance à raccourcir les temps entre les répliques. Quand les acteurs jouent, je ne peux m’empêcher de me balancer comme un métronome dans le rythme de leurs phrases. Il faut dire que c’est souvent le scénario qui impose ce rythme. Dans celui du Sauvage, les évènements se succèdent sans discontinuer !

La musique est très présente dans le film. Comment avez-vous travaillé avec Michel Legrand ?

Comme pour La Vie de Château et Les Mariés. Il a vu le montage image du film, s’est enfermé quelques jours et, un matin, m’a demandé de passer le voir. S’accompagnant au piano, il m’a chanté à pleine voix ce qui allait devenir le thème du film. Frisson immédiat. « Je joue leur romance » m’a-t-il dit. C’est le film qui à chaque fois l’inspire, et à chaque fois il tombe pile. Sans que nous soyons très proches, nous ressentons les choses de la même manière. Plus tard, pour évoquer le personnage de Martin, l’homme qui a tout quitté, il a mis dans sa partition un cor anglais, ce même cor anglais qui dans la musique des westerns représentait toujours l’aventure.

Le Sauvage avait une fin alternative ?

Montand pensait que, pour que lefilm fonctionne vraiment, il fallait que son personnage prenne à la fin « une revanche éclatante sur le système ». Pour lui, si une telle fin n’existait pas, le film s’écroulerait. « Je serai intransigeant là-dessus » disait-il, ce qui signifiait qu’il ne ferait pas le film. Nous nous sommes mis à chercher, et l’idée est venue d’ajouter une séquence finale à New-York où Martin réapparaîtrait dans les bureaux du groupe et donnerait une conférence de presse. Il commence par remercier tout le monde avant de dénoncer soudain toutes les combines du groupe et ses malversations financières. Scandale ! On essaie de le faire taire et, tout se termine de manière apocalyptique dans les bureaux. Montand était ravi. On a tourné cette scène en anglais (Simone Signoret et leur ami James Baldwyn avaient traduit le texte). À la fin du montage, une projection a eu lieu chez Danon pour quelques proches. Au cours du dîner qui suivit, une première personne émit timidement des doutes sur cette bizarre séquence qui à la fin du film « semblait sortie d’un film de Costa-Gavras ». Du coup, toute la table a renchéri : la séquence, selon eux, « foutait le film par terre ». J’ai très mal dormi cette nuit-là. Le lendemain, en arrivant au montage, la monteuse m’a dit qu’elle non plus n’avait pas dormi. Pris d’une soudaine résolution, j’ai téléphoné à Montand pour lui dire que j’avais décidé de couper la séquence de New-York. « J’admire ton courage » m’a-t-il simplement répondu, et je n’en ai plus jamais entendu parler… La séquence avait coûté des millions et nous ne l’avons pas utilisée ! Ce qui explique que le montage de la fin fasse un peu « bricolé ».

Comment avez-vous travaillé sur la restauration ?

Le numérique permet aujourd’hui beaucoup de choses. Pierre Lhomme, chef opérateur du film, a passé de longs jours à le ré-étalonner et à corriger tout ce qu’on n’avait pas pu faire au tournage : assombrir un ciel, ensoleiller des plans tournés par temps gris, éclairer le visage de Deneuve dans la nuit pour faire ressortir ses yeux… etc. Je crois que le résultat sera magnifique. C’est le film tel qu’on ne l’aura jamais vu. L’étalonnage classique en argentique n’offrait pas beaucoup de possibilités, on étalonnait une scène dans son ensemble. Aujourd’hui on peut modifier la lumière à l’intérieur même d’un plan.

Vous restaurez aussi le son…

Oui, le film était en mono, avec un son central et unique. Il sera désormais en Dolby Stéréo et en 5.1 pour les Blu-Ray. Nous avons spatialisé le son. Un film en noir et blanc des années 30 passant en stéréo serait grotesque, mais pour un film d’aventure comme celui-ci, c’est un vrai plus.

Autour du film