La Cinémathèque française Catalogue des restaurations et tirages
  • Le Chevalier de Maison-Rouge - Albert Capellani - 1913 - Collections La Cinémathèque française
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Le Chevalier de Maison-Rouge

Albert Capellani / Fiction / France / 1913

Adaptation en six parties (et 60 tableaux) du roman d'Alexandre Dumas (1845) racontant comment « l'Amoureux de la Reine », le Chevalier de Maison Rouge ourdit chaque jour un nouveau complot pour sortir Marie-Antoinette de la prison du Temple où elle attend l'échafaud. Il est aidé en cela par Dixmer qui met également à son service sa femme, Geneviève. Maurice Lindey, un républicain généreux, tombe amoureux de cette dernière.

  • Titre original : Le Chevalier de Maison-Rouge
  • Genres : Film de cape et d'épée - Aventures
  • Année de production : 1913
  • Année de sortie d'origine : 1914
  • Date de sortie en France : 27 février 1914
  • Format d'origine : 35
  • Métrage d'origine : 2265 m

En 1987, la Cinémathèque Française a sauvegardé le négatif, seul élément du film connu à ce jour, et a procédé en 2010 à sa reconstruction et sa restauration. Une liste de cartons provenant de la censure suédoise a permis de réintroduire les cartons et inserts, élaborés par le laboratoire Süpor. Par ailleurs, les indications figurant dans le négatif ont permis de redonner au film ses couleurs d’origine (pas moins de quinze teintes différentes). Une copie d’un film Pathé de 1914 conservée dans les collections de la Cinémathèque française a servi de référence pour certaines teintesᅠ; d’autres ont été recréés à partir de la documentation technique d’époque. Le contretype a été tiré par le laboratoire Ciné Dia et la copie teintée par le laboratoire L’Immagine Ritrovata.

Camille Blot-Wellens

Informations techniques sur les copies

Année du tirageProcédé imageVersionMétrageCadenceMinutageFormat
2010Procédé Desmet Français2230 m18 i/s108 min35
2010Procédé Desmet Français2242 m18 i/s109 minBetanum

Projections notables (avec accompagnement musical)

Date de projectionLieuAccompagnement musicalCommentaire
2010-07-01Il cinema ritrovatoRétrospective Albert Capellani - édition 2010 - Cinémathèque de Bologne

Projections notables (avec accompagnement musical)

Date de projectionLieuAccompagnement musicalCommentaire
2010-07-01Il cinema ritrovatoRétrospective Albert Capellani - édition 2010 - Cinémathèque de Bologne

En tout point, Le Chevalier de Maison-Rouge est le film où Albert Capellani montre la maturité de son geste cinématographique.

Le plan 3 – le premier en extérieur –est, à ce titre, impressionnant, par l'assurance de son cadrage qui laisse au mur gauche toute la responsabilité de créer une coulisse pour inventer une profondeur de champ, qu'une porte vient contrecarrer avant de s'ouvrir. Passion de Capellani pour les doubles scènes, les double espaces. Raccord dans le mouvement : il reprend la scène à l'ouverture de la porte, de l'autre coté. Il sait désormais habiter l'espace avec une importante figuration. Il sait qu'il peut faire respirer la séquence en enchaînant sur un plan suivant, moins étouffant.

Il semble, alors qu'il est dans le cadre d'une adaptation littéraire, être au contraire au maximum de ses capacités naturalistes. Il pense en peintre, en photographe. On sent à peine le poids littéraire, la lourdeur du grand texte. Il l'a transposé sous la lumière du jour, avec le plaisir de filmer des groupes en mouvement. Il est flagrant dans le choix des angles de caméra que Capellani cherche à donner plus de vitesse au plan (surtout dans des scènes figurant la rue révolutionnaire) : on a l'impression que le cinéma s'invente à ce moment précis, qu'il essaye et chaque fois trouve une forme nouvelle.

Aussi, c'est un très étrange découpage que celui du Chevalier de Maison-Rouge : Capellani est tellement passionné par ses trouvailles d'angles de prise de vue qu'il filme avec insistance des micro-actions sans importance. Des hommes entrent, puis sortent, serrent la main à un autre pour le féliciter d'être révolutionnaire. Toutes ces choses qui sont insignifiantes, mais qui font le mouvement, sinon le bruit de la révolution et le centre d'intérêt d'un film en tout point décalé.

Dans les plans qui représentent Dixmer, dans la cour de son hôtel particulier, on assiste à un oubli brutal du mode de représentation inspiré du théâtre. Voilà ici un cinéma qui vient directement de la peinture sans passer par la théâtralité. La rupture est violente et la démonstration est saisissante. Mais a contrario, dès que le mode de représentation redevient archaïque, la tension retombe. L'écart se fait de plus en plus profond : deux générations de cinéma cohabitent dans ce film. On voit très vite ce qui a pu intéresser Capellani dans ce roman de Dumas : l'opposition entre les appartements (qui sont le lieu du complot, mais aussi des amours cachés) et la rue (qui elle est révolutionnaire, brouillonne, turbulente, anarchique, sexuée). Geneviève est son personnage central, et elle est prise entre la chambre et la rue.

Le Chevalier de Maison-Rouge est aussi un film qui traverse Paris : géographiquement, politiquement (ainsi, à la fin de la 2ème partie, le plan du Chevalier de Maison-Rouge marchant dans l'obscurité des souterrains de Paris).

Albert Cappelani fait intervenir dans la 3ème partie des surimpressions, des apparitions (souvent en plan américain, incrustées sur la partie gauche de l'image) qui sont le lieu de la rêverie amoureuse. Cependant, cette 3ème partie reste la plus décevante : le récit conduisant entièrement la mise en scène. Capellani retrouvera son audace dans la 4ème partie du film, par des inserts de gros plans de main fabriquant un œillet (insert quasi accusateur en même temps que documentaire, griffithien donc, d'une dramaturgie parfaitement maîtrisée), par de nombreux plans de rues, filmés en extérieurs avec une attention particulière aux murs crayeux. Et surtout, une magnifique scène souterraine, filmée en plan rapproché et une lumière qui vient de la trappe du dessus. Toute cette scène sera une dialectique entre le dessus et le dessous, qu'il a déjà magnifiquement expérimentée dans Germinal : il est le seul en France à faire usage.

Dans sa conclusion, Le Chevalier de Maison-Rouge se transforme subitement en un film crépusculaire, qui bascule tout entier vers le drame. C'est la lumière ici qui fait le récit, montre l'accélération de la tragédie, notamment dans ce spectaculaire incendie où il fait une utilisation maximale de la teinte rouge (le feu n'est qu'une inquiétante fumée rouge). Enfin, Le Chevalier de Maison-Rouge est ce film où Capellani ne filme pas la mort de Marie-Antoinette. Il en filme seulement l'annonce (dans une manchette du journal révolutionnaire) et l'effet que cette nouvelle provoque chez ceux qui lui étaient fidèles. Ce qui renforce l'étrange impression que diffuse ce film à la fois époque et réaliste : ce sont parfois des fantômes de la révolution que Capellani a filmé dans le Paris de 1914.

Philippe Azoury

Autour du film

Autour du réalisateur

  • David Bordwell's website on cinema

    Capellani trionfante

    http://www.davidbordwell.net/blog/2011/07/14/capellani-trionfante/

  • Christine Leteux, Albert Capellani, cinéaste du romanesque, Editions La tour verte, Grandvilliers, 2013.

  • Alain Carou, Le cinéma français et les écrivains - histoire d'une rencontre 1906-1914, Ecole Nationale des Chartes/ AFHRC, 2002.