La Cinémathèque française Catalogue des restaurations et tirages
  • Casanova - Alexandre Volkoff - 1926 - Collections  La Cinémathèque française
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Casanova

Alexandre Volkoff / Fiction / France / 1926

Casanova mène grand train et grande débauche dans la Cité des Doges. Choyé par les femmes, poursuivi par ses créanciers, il finit par s’attirer la foudre des maris qui conspirent auprès du Conseil des Dix pour le faire arrêter et condamner. Casanova choisit la fuite, et gagne la Russie via l’Autriche. Il s’introduit à la Cour du Tsar Paul III sous l’identité d’un modiste français, devient un familier de la Grande Catherine et assiste à sa prise de pouvoir contre son époux. Mais son démon des femmes entraîne sa disgrâce auprès de la nouvelle tsarine et, pour échapper à la prison, il doit fuir à nouveau. Revenu à Venise en plein carnaval, il multiplie les aventures au milieu d’un joyeux tumulte. Poursuivi pour avoir tué en duel un de ses rivaux, le duc de Bayreuth, il est arrêté et enfermé dans les Plombs, la sinistre prison vénitienne. Ses ami(e)s organisent son évasion. Une fois encore, il s’apprête à fuir la ville en s’embarquant sur un navire, à moins que…une belle vénitienne entrevue sur le quai ne lui fasse renoncer pour un temps à son projet d’exil ?

  • Titre original : Casanova
  • Titre parallèle : Prince of Adventurers
  • Genre : Aventures
  • Année de production : 1926
  • Année de sortie d'origine : 1927
  • Date de sortie en France : 13 septembre 1927
  • Format d'origine : 35
  • Métrage d'origine : 3100 m
  • Visa d'exploitation : 64283
Lieux de tournage :
  • (Extérieur) Strasbourg (Bas-Rhin), France
  • (Extérieur) Grenoble (Isère), France
  • (Studio) studios de Billancourt, France
  • (Studio) studios d'Epinay, France
  • (Studio) studios de Boulogne, France

Après avoir été exploité en France, en Grande-Bretagne, en Italie, en Allemagne et aux Etats-Unis (en 1929, alors que le sort du cinéma muet était joué), Casanova disparut définitivement des écrans. Grâce à Henri Langlois, une bobine du film (celle coloriée au pochoir de la séquence du Carnaval) et des morceaux de négatif originaux dormaient dans les réserves de la Cinémathèque française. La grande monteuse Renée Lichtig, appelée à la Cinémathèque par Jean Rouch pour y créer un service de restauration de films au début des années 1980, exhuma ces éléments. Passionnée par Mosjoukine et par l’aventure des Russes de Montreuil, elle entreprit de redonner vie à l’œuvre de Volkoff. Elle mena son enquête dans les autres cinémathèques, et put obtenir des éléments, tous incomplets, de Casanova à la Cinémathèque de Prague et à celle de Rome. Avec l’ensemble du matériel ainsi rassemblé, elle entreprit une reconstruction du film en s’inspirant d’un exemplaire de sa novellisation illustrée parue aux éditions Tallandier.

Les éléments négatifs, en morceau, conservés par la Cinémathèque étaient en fait les deux négatifs originaux, le négatif A, destiné à la version française, le négatif B, à l’exploitation internationale. Le négatif B était le plus complet, mais les intertitres montés sur le film étaient en anglais. Renée Lichtig, de son propre aveu[1], décida de restaurer la version française. Elle reconstitua donc les intertitres français, et fit composer et réaliser de nouveaux cartons. Les teintes d’origine furent réintroduites par le laboratoire et la copie positive coloriée au pochoir fut intégrée au montage.

Georges Delerue accepta bénévolement de composer une musique originale pour les représentations de cette version restaurée, qui fut d’abord projetée à Los Angeles (Royce Hall, UCLA) les 22 et 23 janvier 1986, Delerue dirigeant le Los Angeles Theater Orchestra. Dans le cadre des commémorations des 50 ans de la Cinémathèque française, le film fut ensuite présenté en ciné-concert au Théâtre National de Chaillot les 16 et 17 novembre 1986 (Delerue assurant la direction des musiciens de Los Angeles).

Joël Daire

[1] Déclarations à Jacques Siclier, publiées dans Le Monde du 13 novembre 1986.

Informations techniques sur les copies

Année du tirageProcédé imageVersionMétrageCadenceMinutageFormat
1989Teinté + PochoirMusique3642 m24 i/s132 min35

Projections notables (avec accompagnement musical)

Date de projectionLieuAccompagnement musicalCommentaire
2000-08-31Filmmuseum MünchenInternationale Stummfilmtage
2000-08-13Bonner KinemathekInternationale Stummfilmtage Bonn
1996-08-15Bonner KinemathekInternationale Stummfilmtage Bonn
1986-11-16Théâtre National de Chaillot
1986-01-22Royce Hall - UCLA - Los Angeles

Coproduit par Ciné-Alliance (dans laquelle entre des capitaux allemands), la Société des Cinéromans et Les Films de France, Casanova constitue un exemple emblématique de « superproduction à la française » destinée à illustrer le haut degré de perfection technique et artistique atteint par le cinéma muet à la veille du passage au parlant.

Avant qu’Alexandre Volkoff (avec la complicité de Norbert Falk et d’Ivan Mosjoukine pour l’écriture du scénario) ne s’empare du sujet, le prince des aventuriers n’avait guère été porté à l’écran que par le Hongrois Alfréd Deésy qui, en 1918, incarnait aussi le rôle-titre. Sujet neuf, donc, pour le cinématographe, et propice à une œuvre grandiose : décors et costumes somptueux, intrigue aux multiples rebondissements, amour et suspens. Casanova réunit tous les ingrédients d’un succès prémédité.

Les producteurs avaient entendu mettre tous les atouts dans leur jeu. Le réalisateur, Alexandre Volkoff, venu en France en 1920 avec la troupe Ermolieff-Kamenka, était une figure du célèbre studio Albatros pour qui il avait réalisé quelques œuvres importantes comme La Maison du Mystère (1922), Kean ou désordre et génie, (1923) et Les Ombres qui passent (1924). Au moment de commencer le tournage de Casanova, Volkoff venait de collaborer à la réalisation d’un des films les plus grandioses des années 1920, le Napoléon d’Abel Gance. Mosjoukine était la star incontestée d’Albatros, d’abord comme comédien (notamment dans Feu Matthias Pascal de L’Herbier et Le Lion des Mogols d’Epstein) mais aussi comme réalisateur (L’Enfant du Carnaval, Le Brasier ardent). Il venait d’incarner Michel Strogoff sous la direction de Tourjansky, mais Casanova constituera sans doute le rôle de sa vie. Il sera entouré de quelques très belles actrices comme Diana Karenne et Suzanne Bianchetti, et de bons acteurs au rang desquels on note la participation, dans de petits rôles, de Michel Simon (excellent en garde facétieux) et du futur réalisateur Jean Delannoy. Du côté de l’équipe technique, la direction de la photographie sera assurée par Léonce-Henri Burel, le chef-opérateur attitré de Gance mais aussi de Jacques Feyder et d’André Antoine, la création des décors par Alexandre Lochakoff, celle des costumes par Boris Bilinsky, tandis que le tandem Paul Minine/Nicolas Wilke assurera la coordination des effets spéciaux.

Le tournage du film, qui s’étend d’août à décembre 1926, s’effectue en studio (à Billancourt, Boulogne et Epinay) et en décors naturels à Venise, Strasbourg et Grenoble (ces deux dernières villes ayant été choisies pour les extérieurs censés se dérouler en Autriche et en Russie). Tourné en noir et blanc avec des séquences teintées au tirage, selon l’usage de l’époque, Casanova bénéficie aussi d’une séquence somptueusement peinte au pochoir pour la scène du carnaval de Venise. Présenté le 22 juin 1927 à l’Empire, le film sort le 13 septembre 1927 au Marivaux, et reçoit un accueil critique plus tiède qu’escompté. Certes, ses qualités formelles sont reconnues (et comment pourraient-elles ne pas l’être ?) mais les reproches de froideur et de superficialité ne manquent pas.

Ainsi André Lang, dans les Annales du 15 octobre 1927, constate : « Casanova est naturellement un beau film, habilement découpé, mouvementé et somptueux, qu’il faut aller voir au Marivaux. Les femmes y sont très belles, les ensembles très soignés, les feux d’artifice éblouissants, les décors et les ensembles parfaitement harmonieux, bien que la couleur, actuellement inutile et dangereuse, compromette la réussite de tableaux très heureux. L’ensemble témoigne d’un zèle et d’une conscience réels, tout cela est vrai. Cependant, je ne suis pas satisfait et j’attendais autre chose. Où est la flamme, où est la trouvaille, où le quelque chose qui eut fait de ce film une œuvre d’art ? » Peut être aussi la critique fut-elle déroutée par les ruptures de ton, et presque de style, qui caractérisent le film, et qui constituent cependant à nos yeux l’un de ses principaux intérêts.

Les scénaristes ont construit Casanova comme un vaste triptyque dans lequel deux épisodes vénitiens encadrent un épisode russe. A chaque épisode, Volkoff donne une tonalité particulière : la première partie est construite comme un vaudeville, la deuxième est une satire, tandis que la dernière emprunte clairement à la comedia dell’arte. La mise en scène, le jeu des acteurs (celui de Mosjoukine en particulier, omniprésent tout au long du film), le montage enfin sont au diapason des intentions esthétiques du réalisateur.

Jean Mitry, dans un article de Photo-Ciné paru en août 1927, saisit parfaitement la spécificité esthétique du film et récuse par avance tout reproche de superficialité : « Nous sommes ici devant une fresque, et c’est à ce titre qu’il convient de juger le film. Il est normal qu’une fresque, s’exprimant en surface, cherche l’ampleur et la beauté plastique pour remplacer « en largeur » la profondeur qu’elle ne peut avoir. Et à ce titre, Casanova est une des plus belles choses que l’on ait réussi (sic) en France. »

Joël Daire

Autour du film

Autour du réalisateur