La Cinémathèque française Catalogue des restaurations et tirages
  • Pierrot le fou - Jean-Luc Godard - 1965 - ©  StudioCanal
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Pierrot le fou

Corpus A la une !
Jean-Luc Godard / Fiction / France-Italie / 1965

L’histoire de Pierrot le fou ? Je ne sais pas. Il doit en y avoir une, mais elle n’a aucune importance. Un homme aime une femme, que voulez-vous de plus ? Il s’appelle Ferdinand. Elle l’appelle Pierrot. Ensemble, ils courent vers le soleil, vers la mer, vers la chaleur, ils traversent des incendies de couleur et des plages de mélancolie, ils sautent d’une voiture dans l’autre, d’un livre à l’autre, d’une humeur à l’autre. Ils vivent une passion, et sans passion on ne vit pas. On se traîne. Il l’aime, alors elle s’ennuie. Elle en suit un autre, il la tue, il se tue, tout éclate, oui, c’est quelque chose comme ça, Pierrot le fou. Quelque chose qui éclate. Quelque chose de rouge et bleu, très beau, très tragique, très drôle, et qui vous dilate le cœur et qui vous rentre dedans les yeux et par les oreilles. Les gens sérieux ont horreur de ça. C’est un film anarchiste, ils disent. Bien sûr. Interdit, à ce titre, au moins de 18 ans. Sans doute que, passé 18 ans, il n’y a plus rien à craindre ? La glu est sèche, plus question de décoller ? Ô stupidité de la censure ! Les gens sérieux ont horreur de Godard.

Françoise Giroud ( L’Express, 8/11/1965, extrait. )

  • Titre original : Pierrot le fou
  • Genre : Drame
  • Année de production : 1965
  • Année de sortie d'origine : 1965
  • Date de sortie en France : 3 novembre 1965
  • Format d'origine : 35
  • Métrage d'origine : 3009 m
  • Visa d'exploitation : 29397
Lieux de tournage :
  • (Extérieur) Paris, France
  • (Extérieur) Hyères (Var), France
  • (Extérieur) Ile-de-France, Paris, Paris, France
  • (Extérieur) Provence-Alpes-Côte-d'Azur, Var, Hyères, France

Pierrot le fou a été tourné en Techniscope sur émulsion Eastmancolor. L’interpositif, tiré à l’époque, a disparu. L’internégatif, devenu inutilisable, a été détruit en 1990. Un nouvel élément de tirage a alors été élaboré sur pellicule inversible, qui est à l’origine des copies tirées jusqu’à aujourd’hui. Cependant, cet élément n’a jamais reflété les qualités de l’œuvre originale, en particulier en ce qui concerne la colorimétrie. La restauration réside dans l’établissement d’un nouveau négatif, issu de la numérisation en 2K du négatif caméra, dans lequel on retrouve les couleurs originelles de l’Eastmancolor. Quant au son, les éléments magnétiques d’origine ayant disparu, un nouveau négatif a été établi à partir d’un positif son d’époque, respectant le format mono d’origine. Le film a été restauré par Studiocanal et la Cinémathèque française avec le soutien du Fonds Culturel Franco-Américain ((DGA- MPA -SACEM -WGA). Les travaux ont été réalisés par L.T.C., le laboratoire d’origine.

Camille Blot-Wellens

Informations techniques sur les copies

Année du tirageProcédé imageVersionMétrageCadenceMinutageFormat
2009CouleurFrançais2999 m24 i/s109 min35
2009CouleurFrançais2999 m24 i/s109 min35

Projections notables (avec accompagnement musical)

Date de projectionLieuAccompagnement musicalCommentaire
2009-01-01Cannes Classics

Pierrot le fou est inspiré d’un roman de Lionel White. Un américain, un type bizarre. Un autodidacte. Il refusait de vendre ses droits au cinéma. Je ne sais pas pourquoi. Le cinéma, il n’en avait jamais voulu. Je suis allé le voir, j’ai acheté les droits. Le film n’a aucun rapport avec le roman, mais il faut avouer que les Américains savent inventer une histoire. Ça j’aime beaucoup. On ouvre un roman de Hadley Chase, on ne le referme plus avant la fin. Les marchands de légumes, les flics, les concierges, tout le monde là-bas sait inventer des histoires.

Jean-Luc Godard , Mon Pierrot le fou.

Au départ est donc la Série Noire… Quelques gangsters, deux décapotables, des armes, du sang couleur ketchup, et enfin la mer allée avec le soleil…Pour filmer cette fuite vers le sud, Godard a choisi un format tout adapté, le Techniscope, format panoramique introduit par Technicolor Italie en 1963.

Raoul Coutard se souvientᅠ (propos recueillis par Laurent Devanne en 1999) :ᅠ " Sur le Cinémascope, on a quatre perforations sur l’image puis on met un anamorphoseur qui aplatit l’image. Sur le Techniscope, il y a deux perforations, c’est-à-dire qu’on a une image qui est directement en Cinémascope. (…) Et quand on la tire, on l’agrandit en l’anamorphosant de manière à ce qu’elle se retrouve avec quatre perforations pour la projection. A cette époque-là, on avait des problèmes de définition de la pellicule, avec pas mal de grains.ᅠ"

En effet, les opérations de laboratoire nécessaires à l’établissement d’éléments de tirage, notamment de l’internégatif quatre perforations qui se faisait sur Truca, augmentaient considérablement la granularité de la copie finale. Aujourd’hui, l’interpositif deux perforations tiré du négatif Techniscope n’existe plus, pas plus que l’internégatif quatre perforations. Il a été détruit car ayant trop servi, il commençait à être très abîmé.

En 1990 un nouvel internégatif a été élaboré, cette fois sur pellicule inversible, comme il était courant à l’époque, afin d’économiser le tirage d’un interpositif et gagner ainsi en qualité. Malheureusement, l’émulsion Kodak 5249, assez complexe à développer, pouvait s’avérer inconstante dans la qualité des couleurs. Après avoir permis le tirage de près de cent cinquante copies, le support est fatigué et l’émulsion devient instable. Aujourd’hui cet élément ne reflète plus les qualités de l’original. Il était donc impossible de procéder à de nouveaux tirages à partir du 5249, sans déperdition colorimétrique.

Enfin, les équipements utilisés à l’époque pour effectuer des tirages à partir d’éléments Techniscope n’existent plus. Il était donc essentiel de procéder à la restauration du film, afin de le rendre visible sur grand écran, mais aussi d’établir un élément de préservation stable, autre que le négatif original.

Le négatif original est  en bon état physique, il n’a été somme toute que très peu utilisé, à l’exception de quelques rayures et des poinçons de douane au début de chaque bobine. Cependant, nous avons remarqué de légères manifestations de décomposition chimique. Cet élément commence à être instable, il était temps d’agir.

Pour la restauration, nous avons numérisé le négatif en 2K et procédé à un travail sur l’image afin de récupérer les couleurs de l’Eastmancolor (émulsion Eastman Color Negative 5251) qui commençaient à pâlir. Les principaux problèmes rencontrés au cours de l’étalonnage sont liés à la nature même du Techniscope.

Comme le présente Raoul Coutard, "ᅠon se retrouvait à travailler avec des focales beaucoup plus courtes, presqu'à faire du 16mm gonflé. Ça nous a posé des problèmes d’impression, de manque de définition. Pour redonner un semblant de définition à l’image, de netteté, il fallait qu’on ait toujours une image avec des contrastes relativement élevés. C’est-à-dire avec des lumières de côté. On ne pouvait pas travailler avec la lumière dans le dos par exemple. Même en extérieur, il fallait qu’on tourne de manière à ce qu’il y ait des ombres pour que l’image ait une consistance, sinon on obtenait une image plate, sans définition. Ça impliquait donc de travailler à certaines heures, de changer des axes, des angles parce qu’on n'était pas bien dans la lumière".ᅠ

En effet, les variations de lumière sont importantes, notamment dans la séquence tournée dans la pinède, passant de l’ombre des pins à la lumière aveuglante du sud. Parfois même, l’image est à ses limites. Comme l’explique Coutard, le soleil est souvent sur un latéral de l’image et brûle ainsi les couleurs. L’autre problème récurrent en matière d’étalonnage fut le teint des acteurs. Peu ou pas maquillés, un travail minutieux a été nécessaire pour récupérer le teint naturel de la peau.

Le film a été tourné en quasi-totalité en extérieur et donc en lumière naturelle, ce qui par ailleurs était facilité par le Techniscope. Contrairement aux autres systèmes scopes, ce système permettait de travailler avec des lentilles classiques. Certains fabricants de caméra vantent même les possibilités d’adaptation au Techniscope, notamment Mitchell et Arriflex (les deux caméras utilisées pour Pierrot le fou).

Les travaux de restauration ont été confiés à L.T.C., le laboratoire d’origine. La restauration numérique a fait l’objet d’un retour sur film, en format anamorphosé.

Quant au son, nous sommes repartis de la bande magnétique mono mixée d’origine. Le son a été numérisé, nettoyé des défauts non-inhérents au système sonore et reporté sur film afin d’obtenir un nouvel élément de conservation conforme au format d’origine.

Aujourd’hui, et pour la première fois, nous sommes en mesure d’apprécier pleinement Pierrot le fou.

"Bref, la vie remplit l’écran comme un robinet une baignoire qui se vide de la même quantité en même temps. Elle passe, et le souvenir qu’elle nous laisse est à son image, au contraire de la peinture à qui manque la transparence de l’Eastman trouvait Picasso devant son "Mystèreᅠ" projeté dans une grande projection de L.T.C., au contraire de la musique et du roman aussi qui ont su trouver, employer et définir deux ou trois moyens de l’apprivoiser" (J.-L. Godard, Pierrot mon amiᅠ).

Camille Blot-Wellens et Béatrice Valbin-Constant

Autour du film

  • Compte rendu de la journée Raoul Coutard à la Cinémathèque française, par Marc Salomon

    http://www.cinematheque.fr/uk/museum-and-collections/actualite-collections/actualite-patrimoniale/journee-coutard.html

  • Cinémathèque française

    Fonds Alexandre Alexandre

    Distribution/synopsis

    Référence : AA37-B6.

  • Cinémathèque française

    Fonds Antoine Duhamel

    Musique du film / Partition

    Référence : DUHAMEL1-B1

    http://www.cineressources.net/repertoires/archives/fonds.php?id=duhamel

  • Cinémathèque française

    Fonds Georges Sadoul

    Articles, matériel documentaire

    Référenceᅠ: SADOUL243-B18

  • Cinémathèque française

    Fonds Suzanne Schiffman

    Archives de production

    Référence: SCHIFFMAN27-B5

  • AIDELMAN, Nuria, «ᅠLes archives de script de Suzanne Schiffmanᅠ: Godard au travail dans Pierrot le Fouᅠ»

    http://www.bifi.fr/public/ap/article.php?id=15

  • Cinémathèque Française

    Fonds Georges Pierre

    Plus de 500 photographies, plateau, tournage, promotion

    Référence CLA/0036/001, CLA/0036/003, CLA/0036/002.

  • Acker, Yvan, Subversion et utopie chez Jean-Luc Godard d'après Pierrot le fou, l'entre et l'ailleurs, Université Paris X, Nanterre, sous la direction de Jean Rouch, 1987.

  • Serrut, Louis-Albert, Jean-Luc Godard, cinéaste acousticien, Université Panthéon Sorbonne Paris 1, sous la direction de Daniel Serceau, 2010.

  • Ferreira, Francisco, De Godard à Faulkner, Université de Poitiers, sous la direction de Denis Mellier, 2009.

  • Kim, Geon, Sur la relation distanciée entre le film et son spectateur chez Jean Luc Godard d'après la théorie théâtrale de Bertold Brecht,  Université Panthéon Sorbonne Paris 1, sous la direction de Daniel Serceau, 2001.

  • Brenez, Nicole, Autour du Mépris, deux problèmes cinématographiques rapportés à l'invention figurative et solutions filmiques, EHESS, Paris, 1989.

  • INA

    Jean-Luc Godard répond aux questions de Maurice Seveno sur l'histoire de Pierrot le fou et Anna Karina évoque son rôle dans le film et de sa participation à la filmographie de Godard.

    http://www.ina.fr/fresques/europe-des-cultures-fr/fiche-media/Europe00028/jean-luc-godard-et-anna-ka

autour du réalisateur

  • Alain Bergala, Nul mieux que Godard, éditions Cahiers du cinéma, 1999.

  • Alain Bergala, Godard au travail: les années 60, éditions Cahiers du cinéma, 2006.

  • Michael Temple et autres, For ever Godard, Black dog, 2004.

  • Cahiers du cinéma, Supplément - 437 - «ᅠSpécial Godardᅠ», novembre 1990.

    Dossier «ᅠGodard et le travailᅠ»ᅠ: Godard à l'oreille (par Thierry Jousse), Lumière et musique (par Jacques Aumont), Entretien avec Caroline Champetier (par Thierry Jousse), Entretien avec Agnès Guillemot (par Thierry Jousse et Frédéric Strauss), Textes pour servir au(x) histoire(s) du cinéma (par Jean Luc Godard).

  • DVD, Morceaux de conversations avec Jean-Luc Godard et visite de l'exposition «ᅠVoyage(s) en utopieᅠ» avec Dominique Païni, visio-conférencesᅠ: Ensemble et séparés, sept rendez-vous avec Jean Luc Godard, production Films d'ici, éditionsᅠMontparnasse, 2010.

  • Nicole Brenez et autres, Documents, Editions Georges Pompidou, 2006.

  • Jean Douchet, Nouvelle Vague, éditions Cinémathèque française/Hazan, 1998.