La Cinémathèque française Catalogue des restaurations et tirages
  • Le Lion des Mogols-Jean Epstein-1924 -La Cinémathèque française-Collections La Cinémathèque française
  • Le Lion des Mogols-Jean Epstein-1924 - La Cinémathèque française-Collections La Cinémathèque française
  • Le Lion des Mogols-Jean Epstein-1924 - La Cinémathèque française-Collections La Cinémathèque française
  • Le Lion des Mogols-Jean Epstein-1924 - La Cinémathèque française-Collections La Cinémathèque française
  • Le Lion des Mogols-Jean Epstein-1924 - La Cinémathèque française-Collections La Cinémathèque française
  • 1
  • 2
  • 3
  • 4
  • 5
Jean Epstein / Fiction / France / 1924

Sur «les hauts plateaux du Thibet, dans la Ville Sainte», le cruel Grand Khan fait régner la terreur et redoute l’influence du Prince Roundghito-Sing, un officier du Palais fort apprécié du peuple. Menacé, Roundghito-Sing est contraint de fuir son pays. Sur le paquebot qui l’emmène en Occident, il rencontre une troupe de cinéma et tombe sous le charme de Lady Anna, grande vedette aux origines mystérieuses. La complicité qui naît immédiatement entre eux ne plaît guère au banquier Morel, producteur et ami intime d’Anna, mais celle-ci parvient tout de même à faire engager Roundghito-Sing comme acteur. A Paris, le Prince s’adapte avec une certaine candeur à sa nouvelle vie, mais la nature de la relation qu’il entretient avec Anna lui échappe.

  • Titre original : Le Lion des Mogols
  • Genre : Aventures
  • Année de production : 1924
  • Année de sortie d'origine : 1924
  • Date de sortie en France : 12 décembre 1924
  • Format d'origine : 35
  • Métrage d'origine : 2500 m
Lieux de tournage :
  • (Extérieur) Côte d'Azur, France
  • (Extérieur) Paris, France
  • (Extérieur) Montreuil, France
  • (Studio) Studio Montreuil, France
  • (Studio) Studio Menschen (Epinay), France

Le Lion des Mogols a été reconstruit en 1966 par Marie Epstein à partir du négatif original nitrate acquis par la Cinémathèque française en 1958.

Le négatif a disparu depuis. En 2008, la Cineteca de la Universidad de Chile a localisé une copie teintée d’époque en format réduit Pathé Baby pour une distribution dans les pays hispanophones. Bien qu’incomplet, cet élément nous a permis de réintroduire les teintes, que nous pensons être proches des teintes d’origine.

Les travaux ont été réalisés en 2009 par le laboratoire de l’ANIM – Cinemateca Portuguesa grâce au soutien du Fonds Culturel Franco-Américain (DGA- MPA -SACEM -WGAW).

En 2013, le film a été numérisé puis mis en musique par Matthieu Regnault. Les travaux ont été confiés aux laboratoires L'Immagine Ritrovata.

Informations techniques sur les copies

Année du tirageProcédé imageVersionMétrageCadenceMinutageFormat
2010Procédé Desmet Français-Anglais2276 m20 i/s99 minBetanum
2009Procédé Desmet Français2276 m20 i/s99 min35
2014Noir et Blanc + CouleurFrançais2276 m20 i/s99 minDCP

Projections notables (avec accompagnement musical)

Date de projectionLieuAccompagnement musicalCommentaire
2012-06-03Festival d'Histoire de L'Art de Fontainebleau
2011-05-04Mumbai, Godrej Theater

Projections notables (avec accompagnement musical)

Date de projectionLieuAccompagnement musicalCommentaire
2012-08-18Melbourne International Film Festival - Jean Epstein: Bonjour Cinéma
2012-06-01Anthology Film ArchiveRétrospective Jean Epstein
2011-11-28Cinémathèque de Grenoble
2011-07-15Le Méliès Rétrospective Albatros
2011-01-06Cinémathèque québécoise
2010-11-28Cinémathèque françaiseRétrospective Albatros
2005-05-19Cinémathèque de Toulouse

A la fin des années 1910, le producteur de cinéma Joseph Ermolieff et sa troupe constituée de cinéastes, d’acteurs (dont Ivan Mosjoukine), de décorateurs et de techniciens, quittent la Russie pour la France. Après un bref séjour à Constantinople et un passage par Marseille, ils s’installent à Paris et poursuivent leur activité de création cinématographique en investissant le studio de Montreuil, mis à disposition par Pathé. Alexandre Kamenka reprend la firme au départ d’Ermolieff pour l’Allemagne en 1922 et fonde la société Albatros. Il décide alors de multiplier les collaborations avec de jeunes cinéastes français renommés, plus ou moins proches de l’avant-garde: Jean Epstein, Marcel L’Herbier, Jacques Feyder, René Clair. En une décennie, en produisant une quarantaine de films, les productions Ermolieff-Albatros ont adopté une politique artistique originale, sans pour autant perdre de vue un certain objectif commercial.

Ivan Mosjoukine, acteur déjà accompli en Russie, connaît un franc succès dès ses premiers rôles en France. C’est une personnalité énigmatique qui se montre à l’écran à la fois grave et tourmenté mais aussi enfantin, burlesque, parfois excentrique. L’expressivité de son jeu et sa capacité à incarner tous les rôles en ont rapidement fait une véritable vedette. Il est une figure emblématique du studio Albatros et se trouve souvent à l’initiative de projets de film. Se réservant de manière générale le premier rôle, il lui arrive non seulement d’en écrire les scénarios mais également de les mettre en scène (L’Enfant du Carnaval, 1921, Le Brasier ardent, co-réalisé avec Alexandre Volkoff en 1923).

En 1924, Epstein est déjà un théoricien du cinéma et un auteur audacieux, reconnu pour quelques films, comme Cœur fidèle ou La Belle Nivernaise produits en 1923 par Pathé-Consortium Cinéma. Malgré un succès d’estime, ces films n’obtiennent pas le succès commercial escompté par Pathé. Mais le style singulier d’Epstein a retenu toute l’attention et l’admiration d’Alexandre Kamenka et d’Ivan Mosjoukine. Peu satisfait de sa collaboration avec Pathé-Consortium Cinéma, Epstein accepte à leur invitation de rejoindre Albatros pour y réaliser Le Lion des Mogols, d’après un scénario écrit par Mosjoukine. Epstein collabore alors avec la fine fleur de l’équipe Albatros et s’adapte plutôt bien à l’influence de Mosjoukine et aux exigences de la production.

En septembre 1924, La Cinématographie française annonce : «Le Lion des Mogols est une aventure étrange et fantaisiste dont la moyenne partie se passe dans une Asie de chiméries, ce qui donne lieu aux artistes tels que Epstein pour le découpage et l’éclairage, Lochakoff  pour les décors, Mosjoukine pour l’interprétation et Bilinsky pour les costumes, de se livrer à de merveilleuses extravagances[1]». L’équipe Albatros a non seulement importé son savoir-faire artistique et technique mais contribue également à illustrer une mode orientaliste tardive, qui perdure notamment dans le cinéma, et une certaine idée que Paris se fait alors de l’Orient, l’associant très volontiers à la Russie. En 1921, alors que Jacques Feyder tourne L’Atlantide en partie en décors extérieurs en Afrique du nord, Viatcheslav Tourjansky réalise Contes des Mille et une nuits aux studios Albatros de Montreuil, dans les décors conçus par Alexandre Lochakoff, qui excelle dans la reconstitution de l’imagerie orientale. François Albera note que «Le Lion des Mogols est un film étrange, «malade» sans doute de s’emparer d’un genre – l’orientalisme – pour le porter à l’un de ses sommets [il évoque, en note, le décor somptueux de Lochakoff] avant de le casser, le désarticuler voire le ridiculiser[2]».

Le périple effectué par l’équipe d’Ermolieff au départ de Moscou, l’exil vers un pays si différent culturellement, semble avoir marqué les protagonistes de cette aventure. Au delà de l’aspect autobiographique, du thème de l’exil, des troubles de la personnalité[3] qu’impliquent les tourments dus à la fois à l’arrachement, à la confrontation et l’adaptation à une culture parfois opaque, Le Lion des Mogols expose un système construit sur le mystère et les faux semblants, où le cinéma tient d’ailleurs une place prépondérante. Lors de la traversée qui le mène en France, le Prince rencontre sur le paquebot une troupe de cinéma en plein tournage. La société de production cinématographique porte le nom de… Phénix et, de retour à Paris, les tournages se poursuivent dans des studios dont on reconnaît bien la structure en verre puisqu’il s’agit du studio «phalanstère» de Montreuil. Exclu de son royaume, le Prince évolue dans un univers instable. Il bascule d’un statut royal et vénéré en Orient à celui d’une vedette de cinéma dans le Paris des années folles. Sa candeur est mise à rude épreuve par ce nouvel environnement et par le trouble que lui procure Anna. Pour évoquer cette vulnérabilité mais aussi une certaine ivresse, Epstein introduit des effets visuels (flous, surimpressions, déformations) et joue sur les rapports du mouvement et de la vitesse (panoramiques en mouvements contrariés, accélérés, montage rapide). Lorsque le Prince s’enivre au Jockey, célèbre cabaret de Montparnasse[4], Epstein use de panoramiques circulaires pour figurer une vision subjective troublée, les musiciens jouent «à une allure tout à fait exagérée, diabolique, heurtée sur leurs instruments qui semblent agités eux-mêmes de mouvement et de secousses[5]». Lors d’une folle course en automobile, un montage rapide de plusieurs gros plans du Prince illustre «la folie, le vertige et la douleur ».

Après la sortie du Lion des Mogols en décembre 1924 et le succès du film, Jean Epstein poursuit sa collaboration avec Albatros. Il réalise L’ Affiche, puis Le Double Amour (d’après les scénarios de sa sœur Marie Epstein), et Les Aventures de Robert Macaire, film à épisodes qui rencontre un bon succès public. Il quitte Albatros en 1926 pour fonder sa propre maison de production: Les Films Jean Epstein; il y réalisera les œuvres qui ont contribué à révéler son talent: Mauprat (1926), La Glace à trois faces (1927) ou La Chute de la maison Usher (1928).

D’après Henri Langlois[6], le rôle formateur des films réalisés par Epstein pour Albatros est indéniable, notamment en ce qui concerne Le Lion des Mogols. Bien qu’ils se détachent formellement de ses réalisations précédentes, ces films ont permis au cinéaste de progresser dans ses recherches et de poursuivre son expérimentation. La collaboration avec Albatros constitue un pont entre les premières réalisations commerciales et celles davantage inspirées par l’avant-garde puis son œuvre poétique bretonne.

Samantha Leroy


[1] Une grande partie des dessins préparatoires des costumes et des décors sont consultables à la Cinémathèque française.

[2] Albera, François, 1998, «Sociologie d’Epstein: de Pathé-Consortium à Albatros», in Jean Epstein, cinéaste, poète, philosophe, sous la direction de Jacques Aumont, Conférences du Collège d’histoire de l’art cinématographique, Ed. Cinémathèque française, Paris.

[3] Les troubles et le dédoublement de la personnalité sont des sujets de prédilection pour Ivan Mosjoukine. Il en incarne également avec talent toutes les turpitudes dans Feu Mathias Pascal de Marcel L’Herbier 1924 et dans Le Brasier ardent, qu'il réalise lui-même en 1923.

[4] Dans cette séquence, on reconnaît Kiki de Montparnasse (Ivan Mosjoukine était un fervent noceur et fréquentait les acteurs de la scène artistique de l’époque).

[5] Notes issues du découpage technique du Lion des Mogols, Archives Jean Epstein, consultables à l’espace chercheur de la Cinémathèque française.

[6] Langlois, Henri, Jean Epstein (1897-1953), Cahiers du cinéma numéro 24, juin 1953.

Autour d'Albatros

Autour du film

Autour du réalisateur

  • Fonds Jean Epstein / Marie Epstein conservé à la Cinémathèque française

    http://www.cineressources.net/repertoires/archives/fonds.php?id=epstein

  • François Albera, "Sociologie d'Epstein: de Pathé-Consortium à Albatros", in Jean Epstein, cinéaste, poète, philosophe, sous la direction de Jacques Aumont, Conférences du Collège d'histoire de l'art cinématographique, Ed. cinémathèque française, Paris, 1998.

Autour d'un lieu de tournage