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Bibliographie


Projets non aboutis : Romance sentimentale (1930)

En janvier 1930, pendant qu'Eisenstein faisait des conférences à Londres, Alexandrov fit la connaissance à Paris d'une certaine Mara Giry, russe émigrée, entretenue par un millionnaire, le « roi de la perle » Léonard Rosenthal. Celui-ci l'aurait trouvée sans connaissance et mourant de faim devant la porte de son hôtel particulier à Paris. Prétendument danseuse et chanteuse, elle rêvait de faire du cinéma. Après avoir soutiré à son amant les moyens de tourner un court métrage sonore, elle propose à Eisenstein de le réaliser. « Il faut bien vivre ?! » Ce sera un travail dont se chargeront surtout Alexandrov et Tissé.

Le résultat montre Mara Giry interprétant une pseudo-romance tsigane, arrangée par Alexandre Arkhangelski : « La nuit, parfois, le vent d'automne pousse ses gémissements plaintifs et sanglote. » Tissé filme la belle chanteuse tantôt accoudée à un piano noir, tantôt à un piano blanc. Alexandrov monte les images et en profite pour y glisser des tourbillons de nuages, des vagues en furie, des arbres couchés sous la fureur du vent et des sculptures de Rodin prises sous différents cadrages et avec des éclairages savants.

La Cinémathèque française conserve une copie de cette Romance sentimentale attribuée, un peu rapidement, à Eisenstein et Alexandrov. Marie Seton donne sans doute l'explication la plus plausible de cette paternité abusive : « Alexandrov écrivit que les producteurs de Romance sentimentale refusaient de lui verser son dû si le nom d'Eisenstein ne figurait pas au générique. Sergueï Mikhaïlovitch [...] télégraphia son accord, sans s'arrêter au dommage qu'en pourrait subir sa réputation. »

De fait, Eisenstein et Tissé avaient quitté la France le 8 mai 1930, à destination des États-Unis, en laissant Alexandrov terminer son film.

Citation :

« Oh ! Je viens d'oublier Romance !... Vous savez bien qu'il n'y a pas beaucoup (pour ne pas dire plus) de moi là-dedans - excepté les principes et possibilités d'application du son qui y sont popularisés et je crois à ce point que le film semble plaire au public payant. Probablement il y a aussi une grande influence personnelle, mais vous pouvez être sûr que mon "âme" n'est pas avec la belle Mara Giry... »

Lettre d'Eisenstein à Léon Moussinac (12 septembre 1930), Eisenstein, Paris, 1964, p. 64.

Bibliographie :

EISENSTEIN, Sergueï, Mémoires, vol. 1, U.G.E., « Tracasseries », pp. 330-332.

SETON, M, Eisenstein, Seuil, pp. 162, 169, 170, 177, 178, 235.

MARTIN, M. « Eisenstein, une romance inachevée », Écran, avril 1976, n° 46.