RESSOURCES

Bibliographie


Projets non aboutis : Le Capital (1927-1928)

Pendant les mois où Eisenstein travaille sur Octobre, l'idée lui vient d'expérimenter un type particulier de montage, fondé sur ce qu'il appelle des « attractions intellectuelles ». On trouve dans son film plusieurs épisodes qui témoignent de ses recherches : « L'offensive de Kornilov », « Les mencheviks au Second Congrès des soviets », par exemple.

Le 12 octobre 1927, il fait une première allusion à un projet global, destiné à développer cette procédure nouvelle : « Décidé tourner le Capital d'après un scénario de K. Marx - unique issue formelle. » Il la précise en mars 1928, dans un article célèbre (« Notre Octobre. Au-delà du joué et du non-joué »). Il s'assure la collaboration de l'historien A. Efimov, qui lui sert de caution. Celui-ci va bientôt proposer à la direction de Sovkino un projet de film sur Le Capital, qui se révèle suffisamment abstrait, vague et dépourvu de toute solution cinématographique pour qu'Eisenstein le récuse. Il va lui-même prendre l'affaire en main et rassembler la documentation dont il a besoin. On pourra apprécier dans ses « Notes sur Le Capital » (Cf. B. Amengual, Que Viva Eisenstein, pp. 593-605 [sous le titre « Comment porter à l'écran Le Capital de Karl Marx »] l'évolution de son projet (les notes s'arrêtent le 22 avril 1928) et l'idée qu'il se fait de sa conception.

Le tournage de la Ligne générale va pourtant bientôt occuper tout son temps, même s'il envisage de revenir au Capital lorsqu'il en aura terminé avec son « film rural ». Dans une enquête datée du 7 décembre 1932 (Cf. « Que m'a apporté V.I. Lénine »), Eisenstein évoque le projet d' « un film sur la méthode dialectique » et il ajoute : « Au préalable, une série d'études indispensables permettant d'accéder à ce "Magnitogorsk" de la cinématographie, mais, à ce propos, des instructions personnelles du camarade Staline [à l'occasion d'un entretien qu'il avait eu avec lui, en compagnie d'Alexandrov, au printemps 1929] relatives à des tâches plus urgentes m'avaient obligé à suspendre l'accomplissement de ce projet. » En fait, Eisenstein dira plus tard au critique M. Bleiman que la réaction de Staline à l'annonce de son projet sur Le Capital avait été bien plus brutale : « Il a perdu l'esprit ! ».