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Bibliographie


Projets non aboutis : Le Bazar de la luxure (1925)

La tâche est d'autant plus infernale qu'en même temps (durant l'été 1925), Eisenstein et Alexandrov travaillaient à un troisième scénario - le Bazar de la luxure -, dont l'action, composée de 9 parties, se déroulait durant la Première Guerre mondiale dans une ville de province. La « Maison Tellier » locale devenait le symbole de la vénalité des notables de la ville. Vendu à Proletkino, ce scénario n'avait guère de chance d'être un jour réalisé par Eisenstein qui l'avait écrit, dit-il, pour résoudre des problèmes d'argent.

Le document, rédigé par Alexandrov et comportant plusieurs parties de la main d'Eisenstein, est conservé dans les archives du TsGALI.

Résumé  :

La première partie se déroule à la campagne, où vient d'arriver Maria, une jeune citadine enceinte. Des paysans veulent la déshabiller et l'enduire de goudron. Elle est sauvée par le père Palladi, qui la ramène chez lui. Il l'oblige à travailler et tente de la violer. Pendant un office religieux, elle se trouve mal. Elle accouche d'un enfant mort-né sous les murs de l'église. Elle essaie de cacher le cadavre et de l'enterrer. On la voit et elle est accusée. Devant Marie qui a perdu connaissance, des jeunes paysannes défilent, en partance vers la ville. Carton : « La ville attendait de nouveaux cadavres. »

Dans le village, le Grand-Guignol érotique continue. On entraîne Maria, toujours inconsciente, dans la forêt où un voyageur tente de la violer. Un héros positif, Taras, la sauve, mais le voyageur menace le couple avec un bâton. La jeune fille se jette à l'eau. Fin de la première partie.

Suite. Les aventures d'une riche propriétaire, Mme Samborskaïa, accompagnée de ses laquais et de ses cochers.

Suite. Un marchant ruiné, Zasykhine, et son intendant fortuné, Florence. Fornications et soûleries dans les bordels.

Scènes de genre dans une maison de tolérance : une femme de chambre séduit un mineur. Ils sont surpris par les parents. Un sergent de ville se paye « en nature » sur une fille, etc.

Arrive la Première Guerre mondiale : mobilisation, hôpitaux. Carton : « la guerre exigeait toujours de la chair à canon. »

Scènes finales : au front. Un endroit stratégique - un moulin. Les positions russes et les positions allemandes : on se bat pour y installer « la maison Philippova » (c'est-à-dire le bordel militaire de campagne). Les Allemands finissent par emporter la position à la baïonnette.

Citation :

« À Nemtchinovka, dans le même immeuble où, au dernier étage, Agadjanova et moi travaillions sur le scénario de 1905, je travaillais en bas, avec Babel sur le scénario de... Bénia Krik. [...] Pourquoi Bénia Krik ? Mon entreprenant directeur Kaptchinski 1 [Mikhaïl Kaptchinski fut directeur des studios moscovites de Goskino, avant de travailler en Ukraine aux studios de la VUFKU] supposait qu'en travaillant à Odessa sur les épisodes méridionaux de l'Année 1905, je pourrais entre temps tourner... Bénia Krik.

Et dans une petite tonnelle d'angle, on buvait de la Zoubrovka avec Casimir Malévitch, qui venait d'arriver de la ville. [...] C'est là aussi que j'ai bâclé le Bazar de la luxure, que j'ai « fourgué » à Proletkino sous le pseudonyme de... Taras Nemtchinov. Nemtchinov, on comprend [Cf. le nom du lieu de résidence d'Eisenstein]. Mais Taras ? Pour protester contre le fait que Grichka [Alexandrov-E.S.], qui venait d'avoir un fils, l'avait appelé Douglas. »

Zweig-Babel-Toller-Meyer[hold]- Freud, Œuvres choisies, Iskousstvo, vol. 1, pp. 420-421.

Bibliographie :

FILEVSKI, B. « Le Bazar de la luxure : scénario en 9 parties de Taras Nemtchinov, S. Eisenstein, G. Alexandrov », Novoie Literaturnoie Obozrenie, 1993, n° 4, pp. 5-24.