S. M. Eisenstein est présent dans les collections de la Cinémathèque française, d'abord par de très nombreuses photographies, dont une sélection est présentée ici - certaines bien connues ; d'autres plus confidentielles. Photos de famille, sur lesquelles on le voit enfant et adolescent, où l'on reconnaît ses proches et des personnalités du cinéma mondial de l'époque. Photos de travail et de tournage, où il officie en qualité d'enseignant au VGIK (Institut Supérieur d'Etat du Cinéma), ou en réalisateur coiffé d'un chapeau de soleil, sur une scène hivernale d'Alexandre Nevski. Photos souvenirs enfin, qui montrent les liens qui l'unissaient à ses contemporains - Moussinac, Chaplin, Griffith… -, et qui témoignent de son séjour en France, dans les lieux de mémoire de la Grande Guerre, et de son voyage aux Etats-Unis et au Mexique. S'agissant des dessins, la Cinémathèque en possède à ce jour 54 : 21 sans film rattaché, tous originaux, 1 reproduction sur Alexandre Nevski et 32 sur Ivan le Terrible, dont deux originaux. Eisenstein disait : « Commencer par dire que je n'ai jamais appris à dessiner. » (« Comment j'ai appris à dessiner », Mémoires/1, UGE, 1978, p. 93) Et pourtant, il fait partie de ces rares réalisateurs dont les dessins ont fait l'objet d'expositions dans le monde entier. Il a toujours dessiné, et partout : caricatures (il vénérait Daumier) ou esquisses de mises en scène, ses « bouts de papier » constituaient le journal de bord de sa vie quotidienne, le sténogramme d'une pensée en perpétuelle évolution. Sinon cachés, du moins longtemps négligés, ils sont la « part aveugle » de son travail - en regard de ses films et de ses innombrables écrits. Nous y voyons comment le réalisateur, après avoir choisi un interprète, le transforme par le maquillage, modifie son jeu, lui prête des mimiques et des gestes singuliers, inscrit son corps dans un espace, dans un plan, joue avec les lumières et les ombres. Leçons de « mise en scène » et de « mise en cadre ». Ces outils de travail - simples croquis au crayon jetés au dos d'une enveloppe ou au verso d'une lettre (le papier manque !) - étaient attendus, souhaités même, par les collaborateurs d'Eisenstein : les décorateurs et les costumiers travaillaient en conséquence, les opérateurs réglaient lumières et compositions au fur et à mesure que leur parvenaient ces esquisses. Un peu comme les études qui anticipent les grands tableaux classiques et les enrichissent, ces planches nous disent beaucoup sur les films à venir. Mais ce qu'elles nous apprennent aussi, c'est qu'Eisenstein n'était pas esclave de ses dessins, qu'ils jouissaient souvent d'une totale autonomie par rapport à leur fonction de préparation d'un film. En bref - que ce sont les œuvres d'un artiste à part entière. Quelques affiches de films complètent la sélection présentée ici, dont deux faisant partie des collections de la Cinémathèque de Toulouse.
Les 32 dessins ci-dessous datent de 1942. Ils concernent le dernier long métrage réalisé par Eisenstein : Ivan le Terrible. Le projet initial comportait trois parties retraçant la vie du Tsar Ivan IV. La première partie connaîtra un véritable succès et, comme pour Alexandre Nevski, Eisenstein se verra récompensé par un Prix Staline. La seconde partie, intitulée Le Complot des Boyards sera la cible de violentes critiques, ce qui ralentira - avant qu'elle ne soit définitivement interrompue - la réalisation prévue de la troisième partie : Les Combats d'Ivan. Eisenstein décède en 1948, avant de pouvoir achever le triptyque. La totalité de ces dessins - que Barthélémy Amengual qualifie d'« esquisses graphiques de mise en scène » - sont des reproductions tirées d'un cahier en portfolio. Ils témoignent de la pratique d'Eisenstein. Ils sont présentés et classés en référence aux trois parties du projet (incluant la troisième, inédite), ainsi qu'à diverses maquettes de costumes et modèles des personnages principaux.
Première partie : Ivan le terrible
Deuxième partie : Le Complot des Boyards
Troisième partie : Les Combats d'Ivan
Modèle de personnage et maquette de costume
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