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Bibliographie


Projets non aboutis : La Maison de verre (1927-1930)

L'idée de ce film, qui se déroule dans un gratte-ciel en verre, est venue à Eisenstein à l'occasion de son séjour à Berlin, en avril 1926, pendant que Trétiakov peaufinait le projet sur la Chine. Quelques mois plus tard, dans une note datée du 13 janvier 1927, il écrit : « Songé aujourd'hui - il faut réaliser un film « américain » avec Sinclair. La Maison de verre [...] Un gratte-ciel en verre. Regarder l'Amérique à travers une vitre. Ironiquement, comme A. France ». De janvier à février 1927, Eisenstein rédige plusieurs états du scénario et dessine pas mal en vue de donner à son projet le ton de « la farce, de la bouffonnerie, du grotesque et de la tragédie cauchemardesque ». Le film avait vocation d'être une « anti-utopie » sur la solitude de l'homme dans une société capitaliste envahie par la technique.

Il semble faux, ainsi qu'on peut le lire ici ou là, qu'Eisenstein ait eu l'intention de porter à l'écran le roman de E. Zamiatine - Nous.

Durant l'été 1930, il noue des contacts avec la Paramount, à qui il propose ce projet, ainsi qu'avec plusieurs manufactures de Pittsburg spécialisées dans la fabrication du verre, en vue de concevoir les décors. Mais il n'obtient aucun soutien, pas plus auprès des producteurs hollywoodiens que de ses amis américains. Ivor Montagu, en particulier, décline toute offre de collaboration.

Citation :

« L'idée, telle que Sergueï Eisenstein la concevait, était la suivante : les hommes vivent, travaillent, passent la totalité de leur existence dans une maison de verre. Installés dans cet immense bâtiment, on peut voir tout ce qui nous entoure : vers le haut, le bas, les côtés, en face, dans toutes les directions, dès lors que quelque tapis, table, tableau ou quoi que ce soit d'autre ne vient gêner la visibilité.

J'ai dit qu'on pouvait voir, mais en fait, les hommes ne voient rien, en ce sens que jamais l'idée ne leur passe par la tête de regarder. La caméra peut les montrer sous tous les angles, et on imagine immédiatement toute la richesse et toute la diversité des points de vue possibles dans semblable décor. Et, soudain, survient un événement qui les oblige à ouvrir les yeux, à prendre conscience qu'ils sont à découvert. Ils en deviennent cachottiers, soupçonneux, curieux, effrayés.

Vous me direz que c'est du fantastique, que c'est même stupide. Mais Eisenstein envisageait la chose très différemment. Pour lui, il n'y avait là rien de fantastique. Il souhaitait incarner son idée dans une forme vivante résolument ordinaire. Cela devait être une histoire sérieuse, profondément terre à terre. Patiemment, il expliquait que de telles maisons existaient déjà (ou presque) dans notre civilisation contemporaine. »

MONTAGU, Ivor, Eisenstein dans le souvenir de ses contemporains, Moscou, 1974, p. 234.

Bibliographie :

MONTAGU, Ivor, With Eisenstein in Hollywood, Berlin/DDR, 1967, pp. 102-105.

KLEIMAN, Naoum Iskousstvo Kino, février-mars 1979, nn° 2-3. Publication du scénario et de commentaires.

Filmcritica, novembre-décembre 1979, n° 300, pp. 441-456.

ALBERA, François, « Glass House d'Eisenstein : notes pour un film », Faces. Journal d'architectures, (Genève), été 1992, n° 24, pp. 42-52.

BULGAKOWA, Oksana, S. Eisenstein - drei Utopien. Architekturentwürfe zur Filmtheorie, Berlin, Potemkin Press, 1996.