Programme de recherche ANR Cinémarchives

La Triangle (1915 - 1919)
Archives, recherche et histoire du cinéma

Les films Triangle à la Cinémathèque française

La restauration de The Desert Man

Imprimer

Galerie d'extraits de films

Reggie Mixes In (Terrible adversaire), Christy Cabanne, 1916

La Cinémathèque conserve un marron diacétate avec flash-titles anglais tiré du négatif d'origine (monté avec les indications de tirage).

Analyse

Le fil de l'intrigue est assez simple et adapté à la persona de Fairbanks : un jeune home de bonne famille entend protéger et tombe amoureux d'une jeune orpheline contrainte de travailler dans un cabaret tenu par une bande de malfrats qui entend tirer tous les profits possibles de cette fragile entraîneuse. Le jeune homme se fait embaucher comme videur, arrache l'ingénue au chef de la bande et conquiert son cœur. La construction de l'histoire est donc des plus classiques, dans un redoublement moral : les hommes protègent les faibles femmes, et la bourgeoisie veille à la moralité des pauvres. C'est clairement la ligne qu'avait choisie Douglas Fairbanks pour asseoir sa persona et poursuivre la promotion d'une société américaine à risques mais sans classe, en se réservant le rôle de l'intervenant bénévole porté par son seul cœur, bref du preux chevalier moderne volant au secours de la veuve et de l'orphelin. De plus, l'histoire a aussi pour ressort l'éducation à l'action du héros : d'abord maladroit et peureux (il grimpe à un lustre quand éclate une altercation entre deux malfrats), il prend de l'assurance jusqu'à combattre à mains nues et en combat singulier (lors d'une remarquable scène nocturne à l'éclairage saisissant) le terrible chef de la bande afin d'une part d'imposer individuellement la supériorité du Bien sur le Mal, et d'autre part de conquérir pleinement le cœur de sa bien-aimée.

Bessie Love, qui tient ce rôle sous le tendre nom d'Agnès, semble avoir été, au même titre que Douglas Fairbanks avec qui elle est ici associée, une découverte Triangle dont elle sera immédiatement une des stars, nonobstant son jeune âge (en 1916 elle a 18 ans et cela se voit) et sa petite taille (elle ne mesure qu'un mètre cinquante et un, et cela se voit aussi). Cas rare, elle joue aussi bien pour Fine Arts que pour Kay Bee.

L'extrait est largement consacré à la mise en place du personnage de Reggie. Il conduit en manteau fantaisie une puissante voiture de sport en emmenant son valet sur le garde-boue. Il s'arrête pour venir en aide à une petite fille perdue qu'il restitue à la pension (caractérisée comme « world of beer and beef-stew ») où elle loge avec sa mère. Il sauve des griffes de la taulière un locataire impécunieux, rend la fillette à sa mère au caractère affirmé, et découvre la douce Agnès qui ne part pas au travail sans avoir donné une grande part de ses maigres économies à sa pauvre mère. Dans ce début de film, on expose à l'envi le style de Douglas Fairbanks fait de tendresse, de maladresse et d'ironie, comme s'il était à chaque fois le commentateur des actes des autres personnages (la pauvre fillette, la méchante taulière, la maman - sans doute immigrée - trop démonstrative, etc.), ce que confirme le regard à la caméra final, qui est à la fois de rêverie (il est tombé amoureux d'Agnès) et d'aparté vers un public absent (il souligne la suite possible du récit).

crédits

Le programme de recherche ANR Cinémarchives regroupe la Cinémathèque française, l'université Sorbonne Nouvelle - Paris 3, l'université Paris Diderot - Paris 7, le Centre national de la Recherche scientifique et l'université Paul Valéry - Montpellier 3, avec le co-financement de l'Agence nationale de Recherche.

Le blog Cinémarchives