Programme de recherche ANR Cinémarchives

La Triangle (1915 - 1919)
Archives, recherche et histoire du cinéma

Les films Triangle à la Cinémathèque française

La restauration de The Desert Man

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Galerie d'extraits de films

The Last of the Ingrams (Walter Edwards, 1916)

Vers 1965, Henri Langlois tira un contretype 35mm à partir d'une copie pour la distribution américaine d'époque. En 1995, la Cinémathèque a tiré une copie 35 mm à partir de ce contretype.

Analyse

Il s'agit d'une production Kay Bee, de prestige, dans un cadre presque moderne, de sorte que le film aurait pu être produit sous le label Fine Arts. L'action se passe sur la côte Nord-Est des États-Unis, dans une communauté de puritains. Un jeune homme de bonne famille, incapable de maintenir le standing de ces ancêtres (dont une mère française), a sombré dans l'alcoolisme dans la maison patricienne, dominant le village, trop grande pour son inactivité. Près de là, une jeune femme vit recluse dans une modeste maison en bois, à la suite d'une faute de jeunesse que la communauté ne lui pardonne pas. Quand l'homme est expulsé pour dettes de chez lui, elle seule montre de la commisération.

Le scénario est donc d'une double déchéance et d'une double rédemption : pour être digne de celle qui l'a recueilli après son expulsion, l'homme a renoncé à l'alcool, et pour la défendre contre le village qui veut la lyncher, il retrouve son courage et son énergie perdue.

On pourra noter le parallélisme de la construction de cette fin avec celle de The Lamb (voir extrait) : un petit groupe de civils défend avec les moyens du bord une maisonnette (qui représente le dernier refuge de la civilisation) contre une foule en furie assoiffée de sang. Sauf qu'ici, on est du côté de Cape Code et que les Mexicains ou les Indiens ont été remplacés par des puritains intolérants, des bourgeoises bigotes et calomnieuses. C'est donc un renversement de situation auquel nous assistons : le faible devient fort et le fort devient faible. L'homme est prêt à perdre la vie pour celle de la jeune femme, pendant que les bons bourgeois lyncheurs s'avèrent les responsables de la faute reprochée à la jeune femme (le mari de la bourgeoise vindicative est celui qui l'avait mise enceinte). Selon une dynamique classique dans le cinéma américain, l'individu rebelle devient supérieur pendant que la foule s'avilit.

Le film dans son ensemble est par ailleurs remarquable en deux points : d'une part une réalisation prestigieuse avec de nombreux figurants, dans des décors en extérieurs réels (comme dans cette scène, toutefois plus intimiste), et d'autre part par une très étonnante séquence de delirium tremens de l'alcoolique qu'est encore le héros. Par une nuit de tempête, après boire, il est tenté par le suicide, victime d'hallucinations au milieu des rochers au bord de l'Océan. Très étrange séquence qui mêle un remarquable travail sur la lumière (certains plans nocturnes sont éclairés par une source unique, dans le champ, à la John Alton, mais avec trente ans d'avance) et, avec quinze ans de retard, des trucages à la Méliès (pour l'apparition, au bord de l'Océan déchaîné, des monstres de l'Enfer). De 1917, ce film témoigne une fois de plus de la qualité de cette production sous la houlette de H. O. Davis, après les troubles de l'automne 1916.

crédits

Le programme de recherche ANR Cinémarchives regroupe la Cinémathèque française, l'université Sorbonne Nouvelle - Paris 3, l'université Paris Diderot - Paris 7, le Centre national de la Recherche scientifique et l'université Paul Valéry - Montpellier 3, avec le co-financement de l'Agence nationale de Recherche.

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