Programme de recherche ANR Cinémarchives

La Triangle (1915 - 1919)
Archives, recherche et histoire du cinéma

Les films Triangle à la Cinémathèque française

La restauration de The Desert Man

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Galerie d'extraits de films

The Half Breed (Le Métis), Allan Dwan, 1916

En 1965, Henri Langlois eut accès à une copie travail (ou un marron) à partir de laquelle il fit tirer un contretype 35 mm. Il tira ensuite deux copies 16 mm et une copie 35 mm de ce contretype. En 1998, le film a été restauré avec l'établissement d'un double intertitrage anglais/français et le tirage d'une copie 35 mm. Ces éléments semblent être les seuls éléments subsistants de ce titre.

Analyse

Il s'agit d'un des quatre films de Douglas Fairbanks Sr. dirigé par Allan Dwan pour Fine Arts. En 1916, Allan Dwan est déjà un réalisateur accompli (on le crédite de 1 400 films pour la totalité de sa carrière, jusqu'en 1961 !), qui a à son actif plus de 100 films : rien qu'en 1913, il dirige 56 courts métrages. Quand il passe en 1914 au long métrage, le rythme évidemment ralentit. L'expérience acquise lui permettra d'assurer pour la Triangle la direction des studios de la côté Ouest après le départ des trois supervisors du début.

On rapporte que Douglas Fairbanks se serait plaint de n'avoir jamais pu, alors qu'il relevait de l'unité Reliance - Majestic productrice des films Fine Arts, être dirigé par le maître, par Griffith en personne. Mais Griffith n'a dirigé aucun film Triangle pendant son temps de supervisor : ce n'est donc pas un traitement propre à Fairbanks. Ce dernier est simplement arrivé trop tard : le maître ne dirigeait plus les acteurs quand il a été embauché par la Triangle. Mais le fait que pour quatre de ses films (il en a tourné 14 à la Triangle, dont deux courts métrages) il ait eu pour réalisateur Allan Dwan est déjà une marque de considération dans le souci de tirer le meilleur profit de ses talents. Dans ce film, Fairbanks est un métis, homme de la Nature et de vertu (sa mère était Indienne et son père adoptif une sorte d'ermite, à la fois naturaliste et guide). Amené à fréquenter les gens du bourg, il servira de médiateur entre les Indiens trop portés sur l'alcool fourni par les Blancs et ces mêmes Blancs trop cupides. Il promène du début à la fin, en bon coureur des bois, sa panoplie complète de Davy Crockett : fusil à franges, vêtements en daim et bonnet de fourrure à queue sur la tête.

Le film joue, pour les scènes d'extérieur, de la monumentalité des séquoias du Parc National dans la Sierra Nevada (le héros s'est aménagé un confortable refuge dans le tronc de l'un d'eux). Cela donnera lieu à un spectaculaire feu de forêt à la fin du film, dans ce qui est alors une tentative pour trouver un éclairage naturel pour les scènes de nuit en extérieur réel.

L'extrait, qui se situe au début du film, lors de la présentation des protagonistes, a été choisi pour son audace et son efficacité. Il s'agit de présenter Nellie, la fille du pasteur Wynn, qui est la beauté du lieu (elle fait naturellement penser, mutatis mutandis, à la Scarlet d'Autant en emporte le vent, puisqu'elle est la cible de tous les regards et de toutes les attentions masculins : le soin porté à sa toilette montre qu'elle en est consciente). Le plan est très habilement construit, l'escalier permettant à la fois un regard ascendant comme dans un panoramique vertical (on passe des pieds au visage) et une sorte de travelling avant par l'avancée vers la caméra (on passe d'un plan serré à un gros plan) sans que la caméra bouge d'un seul pouce. Il y a du dévoilement (on découvre la jeune femme), de la description (on détaille les éléments de sa toilette), de la coquetterie (une fois sa tête dans le champ, son visage reste caché par son chapeau), et enfin de l'élégance à la fois dans le personnage et dans le filmage. Mais le regard à la caméra et la transformation de celle-ci en une sorte de miroir pour ajuster sa toilette fait trembler le plan entre personnage (Nellie, la fille du pasteur) et actrice, Jewel Carmen, qui vient ici saluer et faire admirer sa beauté. C'est là un procédé classique dans le cinéma muet de ces années 10 : on présentait en même temps, à sa première apparition, et le personnage et l'acteur qui l'incarnait. Mais on sent aussi bien que le réalisateur se félicite de son choix en livrant complaisamment à notre regard celle qu'il a sélectionnée pour le premier rôle féminin.

crédits

Le programme de recherche ANR Cinémarchives regroupe la Cinémathèque française, l'université Sorbonne Nouvelle - Paris 3, l'université Paris Diderot - Paris 7, le Centre national de la Recherche scientifique et l'université Paul Valéry - Montpellier 3, avec le co-financement de l'Agence nationale de Recherche.

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