Programme de recherche ANR Cinémarchives

La Triangle (1915 - 1919)
Archives, recherche et histoire du cinéma

Les films Triangle à la Cinémathèque française

La restauration de The Desert Man

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Galerie d'extraits de films

The Cold Deck (Grand Frère),William S. Hart, 1917

En février 1951, la Cinémathèque a reçu en dépôt plus de trois mille négatifs et contretypes nitrate de la part de la société Pathé, dont un négatif nitrate en six boîtes sous le titre « Grand frère ». En 1992, un marron incomplet a tout d'abord été tiré. En 1994, lors du catalogage des collections, trois boîtes du négatif ont été retrouvées, ce qui a permis de compléter cet élément et de tirer un autre marron, ainsi qu'un contretype et une copie travail. Le film a été restauré en 1995, après établissement d'un double intertitrage anglais/français, aboutissant au tirage de trois copies 35 mm.

Analyse

Le titre, laconique à souhait sur un mode affectionné par Hart, est un rien ambigu : il désigne à la fois un résultat de jeu aux cartes (quand on a totalement défait l'adversaire) et l'apparence du héros, qui en toute circonstance garde son sang-froid et son impassibilité.

L'extrait concerne une nouvelle fois une démonstration de droiture de la part du personnage interprété par Hart. La scène est des plus conventionnelles : dans un general store - saloon, un méchant tente d'abuser d'une frêle jeune fille. De la pièce avoisinante surgit le héros qui mate le méchant et préserve l'honneur de la belle.

Ce film est réalisé la dernière année de la participation de Thomas Ince au système Triangle. Il est plus soigné dans l'image et dans le décor que certains de ses prédécesseurs. On le voit au costume, au décor du general store, très fourni, très composé, tout en gardant sa touche de vérisme par le sol en terre battu. Mais on le voit aussi à l'usage des plans rapprochés des visages des principaux protagonistes (les deux hommes et la femme) et même du très gros plan montrant les doigts de Hart maîtrisant la nuque de l'agresseur. On le voit aussi à la caractérisation des personnages, très différenciés dans leur allure, jusqu'au tenancier du saloon qui a sa propre panoplie. L'agresseur est particulièrement souligné par son habit, sa coiffure et sa moustache, dans un ensemble en rondeur pour un type nettement latino-américain, alors que Hart oppose la droiture de son chapeau et l'étroitesse de son visage.

Le tout est une démonstration en plusieurs étapes de la droiture et du combat à la loyale. L'agresseur s'en prend à une femme (première et double erreur), veut se défendre avec un pistolet (réservé à l'extérieur dans la distance), attaque en traitre avec une barre de fer. Mais c'est en combat singulier et à mains nues que le compte se règle, pendant que le tenancier du lieu fait respecter le jeu en retenant ceux qui sont tentés d'intervenir : il faut laisser la force du Bien donner au Mal sa leçon particulière. L'épilogue où Hart plie la barre de fer avant de la passer au cou du vaincu a un double sens : d'une part il fait trembler la frontière entre l'acteur Hart, qui accomplit en direct et sans trucage la performance, et le personnage qu'il interprète. Il souligne d'autre part la dimension surnaturelle du courroux qui l'a saisi et qui lui fait réaliser cet exploit symbolique : rien ne résistera à sa sainte colère. C'est en cela qu'on est parfois tenté de voir en Hart un précurseur des personnages interprétés par Clint Eastwood.

The Cold Deck confirme également que l'année 1917, après les déboires financiers de 1916 et avant les départs à l'été 1917 des trois supervisors initiaux, est encore une grande année de production avec des films de qualité soignée.

crédits

Le programme de recherche ANR Cinémarchives regroupe la Cinémathèque française, l'université Sorbonne Nouvelle - Paris 3, l'université Paris Diderot - Paris 7, le Centre national de la Recherche scientifique et l'université Paul Valéry - Montpellier 3, avec le co-financement de l'Agence nationale de Recherche.

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