Orange mécanique Duels

Alex marche avec ses Droogs le long du canal, lorsqu'éclate entre eux une bagarre au cours de laquelle Alex cherche à reprendre l'ascendant. La séquence évoque un duel pour le pouvoir. Certes, il s'agit de la lutte d'un homme seul contre trois, mais la scène se déploie en une série de combats individuels. Kubrick glisse quelques motifs de films de cape et d'épée : la canne avec laquelle Alex sabre l'air, la chaîne que Dim fait tourner au-dessus de sa tête, évoquant les masses utilisées par les chevaliers. Enfin, Alex semble se souvenir des règles de la chevalerie et offre une main secourable à son adversaire à terre (ou plutôt à l'eau), mais pour mieux dissimuler une nouvelle traîtrise et le blesser avec sa lame. Si tout suggère un duel, c'est un duel dévoyé, qui ne suit plus aucune règle courtoise.

L'utilisation du ralenti transforme la bagarre en ballet parfaitement chorégraphié, contrastant avec le rythme rapide de la musique, l'ouverture joyeuse de La Pie voleuse de Rossini. Cette "agitation musicale" (1) semble traduire le bouillonnement intérieur du personnage. La musique suit les pensées d'Alex : une période en mineur, qui accompagne l'explication de ses tourments en voix off, puis une période plus joyeuse en majeur, lorsqu'il passe à l'acte. (2)

L'association du ralenti et de cette musique fait écho à une autre scène, qui clôt la séquence de l'attaque de la femme aux chats. En sortant de la maison, accompagné de cette musique entraînante, Alex est, à son tour, attaqué traîtreusement par ses Droogs, qui lui assènent un coup de bouteille sur la tête avant de l'abandonner sur le palier. La bouteille de lait éclate au ralenti, tandis que la musique se fait plus sombre.

(1) Vivien Villani, Guide pratique de la musique de film : pour une utilisation inventive et raisonnée de la musique au cinéma, (Paris, Scope éditions, Maison du film court, 2008), p. 156.

(2) Ibid., p. 78.