Shining Symétries

Unique film d'horreur de Stanley Kubrick, Shining est régi par une symétrie infernale, tant formelle que thématique.

Les personnages s'y dédoublent (Danny/Tony et Jack) de même que les spectres vont par deux (comme les fameuses jumelles, absentes du roman de Stephen King).

Son décor principal, l'immense et désert hôtel Overlook, construit en studio mais inspiré d'hôtels authentiques, ressemble tout entier à un labyrinthe, cette forme du dédale et de la symétrie infinie que la caméra parcourt inlassablement. La composition de l'image est atteinte elle-même d'une symétrie minutieuse dans les visions d'horreur (les ascenseurs sanglants), mais aussi dans les scènes réelles (dès l'entretien d'embauche de Jack). Les motifs géométriques des moquettes, tapis et papiers peints envahissent le cadre. L'association de couleurs tranchées accentue cette folle symétrie qui contribue au sentiment de piège inéluctable. Des jeux de miroirs ajoutent encore au dédoublement à l'identique (comme le fameux "REDRUM/MURDER" écrit à la main par Danny). L'hôtel hanté, que Kubrick a voulu bâti sur un cimetière indien, est lui-même une sorte de labyrinthe temporel (avec le massacre perpétré dix ans plus tôt et le retour aux années 1920).

Extension de l'hôtel isolé, un imposant labyrinthe de haies, dédale végétal à la "symétrie perverse" (1) imaginé par le cinéaste, présent dès la première visite de l'hôtel, sera le théâtre de la terrifiante scène finale. Il apparaît encore sous forme de plan, aperçu à l'entrée, et de maquette, observée par Jack depuis le spacieux salon qui lui sert de bureau alors que Wendy et Danny s'y promènent. Le modèle réduit semble soudain s'animer sous ses yeux, laissant place au véritable labyrinthe, en plongée, qui occupe toute l'image. Cette mystérieuse vision supérieure de Jack, soulignée par la musique, révèle alors les minuscules silhouettes animées de Wendy et de Danny au centre du labyrinthe...