Eyes Wide Shut Symétries

Dans la séquence centrale d'Eyes Wide Shut, Bill, masqué, assiste à une soirée secrète organisée selon une rigueur mathématique : un cercle fermé à l'intérieur duquel évolue "l'ordonnateur" de la cérémonie, une des "figures de l'ordre" chères à Kubrick. Plusieurs travellings circulaires font découvrir le rituel qui se déroule au centre du tapis rouge, un mouvement qui révèle des femmes nues s'échangeant un baiser à travers leurs masques avec une régularité parfaite.

Peu après, Bill, démasqué, se retrouve au centre du cercle cérémoniel. Lorsque la femme nue masquée s'offre pour le "racheter", un plan en plongée présente l'assemblée des spectateurs comme un œil immense. Kubrick induit visuellement des symétries et des oppositions : collectif/singulier ; masculin/féminin ; habillement/nudité.

Eyes Wide Shut interroge et met en scène le regard. Les personnages sont dédoublés, se font écran, se masquent ou se révèlent, en particulier par des reflets dans des miroirs. Le double (dédoublement, redoublement) est l'un des motifs visuels privilégiés du film. Au cours de ses déambulations, Bill rencontre plusieurs "autres lui-même" : Nick Nightingale, le pianiste, ou Carl, le fiancé de Marion Nathanson. De même, les femmes qu'il croise sont des doubles d'Alice : Mandy, Domino la prostituée. Bill se rend deux fois au château, deux fois chez Ziegler, deux fois chez Domino, deux fois chez Milich, le loueur de costumes.

La symétrie et le parallélisme se retrouvent dans l'organisation narrative du film, qui établit un lien entre des scènes se déroulant à des moments différents (la confession d'Alice précède l'aveu de Marion) ou dans des espaces différents à l'intérieur d'une même temporalité (dans la maison de Ziegler, Bill est confronté à la beauté d'une femme nue au premier étage tandis qu'Alice est séduite par le bel Hongrois dans la salle de bal au rez-de-chaussée).