Barry Lyndon Méthode

Comment recréer l'atmosphère du XVIIIe siècle au point de donner au spectateur de Barry Lyndon l'impression d'un documentaire sur un temps d'avant l'invention du cinéma ? La préparation dure un an. Kubrick conduit des recherches historiques très poussées pour donner au film un caractère d'authenticité, avec un souci infini du détail. Refusant de tourner en studio, il envoie l'équipe de décoration, dirigée par Ken Adam, pendant six mois en repérages en Irlande, Angleterre et Allemagne. Des photographies sont régulièrement envoyées au cinéaste, qui les sélectionne minutieusement. Les scènes de la jeunesse de Barry en Irlande combineront finalement trois sites architecturaux. Quant à la demeure des Lyndon, dont le décor devait être antérieur au XVIIIe siècle pour signifier la propriété d'une vieille famille aristocratique, c'est un véritable patchwork d'une dizaine de châteaux anglais.

John Alcott, le chef opérateur, utilise presque exclusivement des sources de lumière naturelle.

Pour restituer l'atmosphère de l'époque, Kubrick s'inspire encore de la peinture anglaise du XVIIIe siècle, rassemblant une fantastique documentation (1). Il étudie les paysages de Gainsborough et de Constable pour travailler sur les couleurs et la lumière, les œuvres de Reynolds et Hogarth pour les cadrages et les attitudes des personnages, celles de Zoffrany pour les scènes d'intérieur. La préparation des costumes dure dix-huit mois. Milena Canonero, la chef costumière, en supervise tous les détails, jusqu'aux bijoux et perruques. La majorité des costumes sont d'authentiques vêtements d'époque, les autres recréés d'après des tableaux et avec l'aide d'historiens.

La musique est choisie avec la même exigence. Kubrick utilise de grands thèmes baroques et classiques, des extraits d'œuvres de Jean Sébastien Bach, Paisiello, Schubert, Vivaldi, Mozart et Frédéric II de Prusse. Seul le Trio pour piano en mi bémol, opus 100 de Schubert est postérieur au XVIIIe siècle. Certaines partitions sont réorchestrées par Leonard Rosenman (notamment la Sarabande de la Suite pour clavecin n°4 de Haendel, l'un des thèmes musicaux récurrents du film).

Stanley Kubrick voulait que Barry Lyndon ressemble à un "documentaire" sur le XVIIIe siècle. "Ce qu'on essaie dans un film historique", dit Kubrick, "c'est de tout faire pour avoir l'impression de tourner en décors naturels, aujourd'hui" (2). Il a poussé très loin la reconstitution de cette époque, afin que le spectateur ait le sentiment de la voir comme l'avaient vue les personnes qui l'avaient vécue.

(1) "Je crois que j'ai mis en pièces tous les livres d'art disponibles dans le commerce pour classer les reproductions de tableaux", citation de Stanley Kubrick in Michel Ciment, Stanley Kubrick, (Paris, Calmann-Levy, 1991), p. 174.

(2) Philippe Pilard, Barry Lyndon, (Paris, Nathan, 1990), p. 53.