Masques et déguisements jouent un rôle essentiel dans Barry Lyndon. Ils sont les signes de l'ascension sociale du héros, Redmond Barry, qui, dévoré d'ambition, s'arrache à sa condition à force d'intrigues pour se hisser au sommet de l'aristocratie anglaise du XVIIIe siècle. Dans les premières scènes du film, Barry subit une succession d'événements (contraint de fuir son foyer, dévalisé par des bandits, engagé de force dans l'armée anglaise). C'est précisément en revêtant son premier déguisement (l'uniforme volé à un officier prussien) qu'il quitte son statut de victime et prend en mains son destin. Le déguisement s'inscrit donc, d'emblée, comme outil de la réussite d'un personnage qui va désormais agir "masqué".
Au fil de ses aventures, et jusqu'à son mariage avec Lady Lyndon, qui marque le point culminant de son ascension, Barry gravit chaque échelon social en se faisant passer pour un autre. Chaque nouveau costume (créé d'après des tableaux d'époque) est à la fois l'indice d'une réussite et celui d'une supercherie. Dans un mouvement de symétrie inversée, la déchéance sociale de Barry devient irréversible lorsque tombe son masque de gentilhomme et qu'il révèle publiquement toute sa violence en se battant comme un chiffonnier avec son beau-fils, Lord Bullingdon, lors d'un concert privé. Le costume d'aristocrate, porté par Barry dans la scène du duel avec son beau-fils, brille d'un dernier éclat avant la chute finale.
Le film dépeint l'aristocratie anglaise du XVIIIe siècle comme un univers figé où les personnages portent le masque d'une respectabilité qui dissimule en fait une violence et des désirs souterrains. Les visages des aristocrates dans Barry Lyndon, lourdement fardés, et comme vidés de toute vie, sont en eux-mêmes des masques. Ils ont "des allures blafardes de spectres dans un royaume d'ombres" (1).
(1) Michel Ciment, Stanley Kubrick, (Paris, Calmann-Lévy, 1991), p. 82.