Lolita

1961

Humbert Humbert (James Mason), professeur de littérature française, loue une chambre chez une veuve, Charlotte Haze (Shelley Winters), dont la fille, Lolita (Sue Lyon), l'attire irrésistiblement. Il épouse la mère pour se rapprocher de la jeune fille. Lorsque Charlotte apprend la vérité, elle se tue. Humbert part alors sur les routes avec sa protégée, qui devient sa maîtresse. Mais, de ruses en mensonges, l'adolescente le berne jusqu'au jour où elle s'enfuit et disparaît. Cinq années plus tard, Lolita, mariée et enceinte, donne enfin de ses nouvelles. Humbert découvre alors qu'un autre homme, Quilty (Peter Sellers), partageait en même temps que lui les faveurs de la jeune fille. Lolita refuse de partir avec le professeur, qui va tuer Quilty.

La scène du meurtre ouvre et conclut le film : Kubrick, ainsi qu'il l'explique, a de cette manière déplacé l'intérêt principal du roman – qui peut se résumer à la question "Humbert va-t-il coucher avec Lolita ?" – en faisant assassiner Quilty, sans explication, dès le début du récit, "de façon à ce que le public se demande pendant tout le film ce que Quilty a bien pu faire" (1).

Pour adapter le roman réputé inadaptable de Nabokov (co-scénariste), Kubrick a rusé afin d'éviter la censure ; toute allusion à la pédophilie étant interdite sur grand écran à l'époque, il était nécessaire de taire les obsessions d'un homme pour une jeune fille, une "nymphette". Leur relation est ainsi montrée pudiquement et l'héroïne a quatorze ans au lieu de douze dans le roman.

Ces concessions vont constituer les principales attaques des journalistes contre Lolita : lorsque le film sort en France, le 14 novembre 1962 (aux États-Unis, le 12 juin 1962), les critiques sont majoritairement négatives, le taxant d'"escroquerie" (Arts) ou le trouvant "pudiquement grivois" (Télérama) par rapport au roman d'origine.

(1) Stanley Kubrick cité par Gene D. Phillips, "Lolita", in Les Archives de Stanley Kubrick, Alison Castle (dir.), (Köln, London, [etc.], Taschen, 2005), pp. 36-43.