Les humiliations de la formation militaire – véritable opération de déshumanisation – puis les affrontements au Vietnam font des Marines de Full Metal Jacket des êtres dépersonnalisés. Un groupe mais pas de héros parmi ces soldats en uniforme, dépossédés de leurs noms au profit de surnoms grotesques.
"Customisé" par les soldats, le casque leur permet de s'identifier et devient un lieu d'expression individuelle. Accessoire personnel, il revient au soldat après l'armée, à la différence du fusil. Objets fétiches (photo, croix...), mais surtout phrases "chocs" telles que "I'm Hard" ou "I am become Death" (1) ornent les casques, aux côtés de divers effets utiles glissés dans la lanière qui les enserre. Sur le sien, le sergent Joker a tracé au marqueur noir une cible et la mention "BORN TO KILL" (2). Cette devise associée au badge "Peace and Love" (3) qu'il porte sur sa veste militaire côté cœur, symbole de paix et vestige de l'Amérique hippie, traduit sa schizophrénie. Interrogé par un colonel sur le sens de ce que ce dernier soupçonne être "une blague douteuse", Joker justifie cette alliance absurde et obscure comme une "allusion à la dualité de l'homme, le truc de Jung (4)". Kubrick met en images ainsi la double facette de la nature humaine, cristallisant l'ambivalence morale qui règne dans le film.
Choisi par le cinéaste comme emblème du film, le casque de Joker est représenté sur l'affiche avec le badge "Peace and Love", pour montrer et accentuer le paradoxe de l'association et l'impossible réconciliation au cœur de Full Metal Jacket.
(1) "Je suis Dur", "Je deviens la Mort"
(2) "Né pour tuer"
(3) "Paix et amour"
(4) Dans la théorie jungienne, l'ombre représente la part obscure et primitive de l'inconscient de l'homme, l'autre face de la lumière (la persona, le "moi social").