L'Ultime razzia Masques

Après avoir recruté une équipe et minutieusement préparé son hold-up, le truand Johnny Clay est introduit par un complice dans le vestiaire du personnel d'un hippodrome. Caché derrière un masque de clown et armé d'un fusil, il se fait remettre les recettes de la société de course.

Caché derrière un mouchoir dans le roman, le gangster se dissimule dans le film derrière un masque. L'accessoire a bien sûr une fonction narrative : permettre au voleur de dissimuler son visage et empêcher toute identification par des témoins. Mais il a en outre une fonction symbolique. En franchissant ainsi grimé la porte marquée "No admittance" ("accès interdit") pour commettre son hold-up, Johnny Clay tourne la loi en dérision et s'en moque ouvertement.

Transgression ironique des codes et des assignations habituelles : comment imaginer qu'une telle brutalité prenne le visage d'un clown, personnage le plus souvent comique et inoffensif ? Le masque est ici celui d'une vedette du cirque américain : Weary Willie. Créé et incarné depuis les années 1930 par le clown Emmett Kelly, Weary Willie est l'incarnation du Hobo, clochard malchanceux, personnage devenu populaire aux États-Unis avec la grande Dépression.

Grâce au masque de Weary Willie, le personnage attire la sympathie. Kubrick l'utilise pour maintenir l'empathie des spectateurs vis-à-vis de Johnny Clay, présenté comme un truand au cœur tendre aspirant à se retirer du "métier". Mais si le masque du clown contrebalance la violence des gestes et des paroles du braqueur, il préfigure aussi son futur échec. Fatalité commune du destin du Hobo et du gangster.