Programme de recherche ANR Cinémarchives

La Triangle (1915 - 1919)
Archives, recherche et histoire du cinéma

Les films Triangle à la Cinémathèque française

La restauration de The Desert Man

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Galerie d'extraits de films

The Pinch Hitter (Victor Schertzinger, 1917)

En 1984, la Cinémathèque a acquis une copie 16 mm avec cartons en anglais, provenant d'une copie d'époque pour la distribution américaine.

Analyse

Il s'agit du premier film de Victor Schertzinger, et donc le premier des quatre qu'il réalisera pour Ince avec l'acteur Charles Ray : ces quatre-là sont les seuls films Triangle qu'il réalise, venu tard dans la firme où il reste moins d'un an, puisqu'il suit Ince à son départ. Ce réalisateur est assez étonnant : c'est au départ un violoniste, puis compositeur, puis chef d'orchestre qui devient réalisateur chez Ince. Schertzinger sort du cinéma au moment du parlant. Nous avons donc affaire à un triangle particulier : Schertzinger - Ray - Ince.

Ce Pinch Hitter, qui a pour cadre une université et son équipe de base-ball. Il a la même structure narrative que The Clodhopper : Charles Ray y incarne un gars de la campagne timide, dont son père pense qu'il est un incapable et qui, pour le former, le précipite dans un monde qui n'est pas le sien (Broadway dans The Clodhopper, une université chic pour The Pinch Hitter). Le jeune homme gauche se fait au départ malmener, mais sa bonne nature le sauvera enfin aux yeux de tout le monde, à commencer par sa bienaimée et par son père. The Pinch Hitter pousse le coup de théâtre final assez loin : après avoir été maintes fois humilié par et devant ses camarades, ce n'est qu'à la toute dernière minute qu'il renverse la situation et d'un coup de maître rapporte la victoire à son équipe, où il était relégué jusqu'à présent au rôle de mascotte. On peut se demander si ce film n'a pas inspiré dix ans plus tard Keaton pour son College.

Mélissa Gignac (doctorante, université Paris VII) a montré que la Triangle accordait beaucoup d'attention aux sports collectifs, au point de recommander à ses réalisateurs de lire attentivement les livres techniques enseignant les règles du jeu. Le sport répond ici à un triple objectif concernant le public : jeune, populaire et américain. En effet, choisir le base-ball (et non pas, par exemple, le football américain ou le basket comme sport universitaire), c'est viser ces trois segments en même temps. On reste globalement dans l'idéologie d'une société sans classe où l'intégration (des Blancs par les Blancs) se fait rapidement.

Le film étonne par au moins une chose, qui au fond correspond bien à la politique de Thomas H. Ince : sur un schéma narratif à la limite du caricatural (le triomphe miraculeux du garçon gauche), se greffe un souci évident de réalisme, qui se traduit dans le film sur quatre plans. Tout d'abord l'usage d'images documentaires pour le grand match final, images qui relèvent incontestablement des actualités (plans très larges sur les joueurs, le public dans les gradins), mêlées à des images de fiction cadrées plus serré et à niveau (quand il s'agit de retrouver les personnages). Ensuite, le privilège accordé au tournage en décor réel, dont les actualités ne sont sans doute qu'un effet, avec un éclairage solaire constant. Ensuite encore, et cela est tout à fait particulier à ce film : le souci du décor réel ne vaut pas, comme pour la majorité des autres films, pour les extérieurs, mais aussi pour les intérieurs, notamment la boutique de la jeune femme (qui tient une boulangerie - confiserie) et le bâtiment où les étudiants donnent leurs fêtes. C'est, dans la production Triangle, le seul cas que l'on a pu repérer de tournage en intérieur réel (et non en studio avec un éclairage zénithal), si l'on excepte The Little Liar (Lloyd Ingraham, 1916 pour Fine Arts) dont certaines scènes ont été tournées dans un grand magasin. Cela donne bien sûr une authenticité supplémentaire à l'histoire et aux personnages (qui en ont bien besoin), mais cela pose en retour la question de la pellicule et de l'éclairage. Car quand la scène est de jour, il semble qu'on a affaire, en intérieur réel, à une pellicule plus sensible (on ne retrouve pas les systèmes d'éclairage des films antérieurs), mais (et c'est là enfin notre quatrième point) quand la scène est de nuit (en extérieur comme en intérieur), on voit bien que l'éclairage est artificiel et qu'il a donc fallu amener sur le lieu de tournage, loin du studio (c'est une des questions de l'époque), l'électricité nécessaire aux projecteurs. Comme quoi en cette année 1917, la Triangle, Ince et Schertzinger sont encore en train d'innover et de tester de nouvelles façons de filmer.

crédits

Le programme de recherche ANR Cinémarchives regroupe la Cinémathèque française, l'université Sorbonne Nouvelle - Paris 3, l'université Paris Diderot - Paris 7, le Centre national de la Recherche scientifique et l'université Paul Valéry - Montpellier 3, avec le co-financement de l'Agence nationale de Recherche.

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