Programme de recherche ANR Cinémarchives

La Triangle (1915 - 1919)
Archives, recherche et histoire du cinéma

Les films Triangle à la Cinémathèque française

La restauration de The Desert Man

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Galerie d'extraits de films

The Habit of Happiness (Allan Dwan, 1916)

Il existait dans les collections un contretype 35 mm diacétate, issu d'une copie travail avec flash-titles anglais, à partir duquel Henri Langlois fit tirer deux copies 16 mm en août 1965. En 2006, la Cinémathèque fit établir une copie travail 35 mm à partir de ce même contretype.

Analyse

Encore une fois, Douglas Fairbanks fait le pont entre les très riches (sa famille) et les très pauvres (les pensionnaires de l'asile). Il interprète un jeune grand bourgeois qui applique simplement les principes de la charité chrétienne, sur le modèle du fils prodigue. Le film commence par des scènes matinales chez lui où il a invité pour la nuit une bonne dizaine de clochards à qui il livre sa salle de bains puis sa salle à manger, au grand dam de la parentèle.

Nous sommes, dans cet extrait, dans une situation symétrique : il a décidé de s'installer chez les pauvres pour leur remonter le moral et leur apprendre une nouvelle hygiène de vie, fondée sur les distractions (la lecture), mais aussi sur une saine gymnastique et sur la méthode Coué : si on fait bonne figure, on va tout de suite mieux. Bref, il est devenu professeur en joie de vivre.

L'extrait est troublant en trois points. Tout d'abord, cette façon assez littérale et plate de vanter l'American way of life, où l'optimisme permanent dans une société sans classes peut paraître assez lourd, d'autant que le film insiste sur tous les aspects de la méthode (relaxation, gymnastique, travail sur soi individuel ou en groupe, mais aussi hygiène - un médecin est auprès des pensionnaires). Ensuite, il y a un dédoublement entre l'acteur Fairbanks et le personnage en ce que ce dernier apprend aux autres comment jouer, comment se comporter, comment paraître (lever le menton, sourire, sortir la poitrine, etc.), comme si l'acteur se transformait, par son statut premier d'acteur, en metteur en scène, en prescripteur d'opinion, en agent idéologique, ce qui est le cas. Mais ce dédoublement ne s'arrête pas là : le personnage, via l'acteur, entend bien être le meilleur représentant du citoyen américain fier de l'être. Enfin, ce qui ne fait que renforcer le léger trouble éprouvé à la vision du film, il est assez net dans le film que les figurants chargés d'incarner les clochards n'en sont pas : ce sont de vrais clochards, sélectionnés pour leur gueule et leur authenticité, et non pas des acteurs de second rang typés dans ce genre de personnage (c'est un point sur lequel insistent régulièrement les supervisors : trouver des seconds rôles authentiques). On est en effet encore dans une époque où le cinéma, employant de plus en plus d'acteurs dans sa double recherche du spectaculaire et de la couleur locale, n'a pas encore secrété et formé des seconds rôles en nombre et préfère recourir à de vrais figurants, non professionnels, choisis en fonction de leur apparence physique. On retrouve cela avec les Indiens ou avec les Mexicains (on sait que les Noirs sont encore interprétés, dans la majorité des cas, par des Blancs grimés).

La fin de l'extrait fait survenir la parentèle, dans un double décalage : ils arrivent après la bataille, mais surtout ils arrivent avec sur leurs habits tous les traits de la distance. Chapeau haut de forme, nœud papillon et fine moustache, pour les hommes, fourrures luxueuses pour les femmes. Cette survenue a pour fonction de disqualifier un prétendant snob (l'homme à droite de l'image) tout en convaincant l'aimée de la justesse de l'action du héros. Mais vestimentairement, cela a aussi pour fonction de laver le héros du possible soupçon de dame patronnesse : la simplicité de sa mise, son entrain communicatif, sa spontanéité tranchent avec la froideur, la gêne et la toilette trop apprêtée des autres. Encore une fois, le statut de go-between du personnage de Fairbanks se trouve réaffirmé.

crédits

Le programme de recherche ANR Cinémarchives regroupe la Cinémathèque française, l'université Sorbonne Nouvelle - Paris 3, l'université Paris Diderot - Paris 7, le Centre national de la Recherche scientifique et l'université Paul Valéry - Montpellier 3, avec le co-financement de l'Agence nationale de Recherche.

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