Programme de recherche ANR Cinémarchives

La Triangle (1915 - 1919)
Archives, recherche et histoire du cinéma

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Galerie de photos

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La collection de photos

Les collections photos de la Cinémathèque française contiennent des pièces très anciennes. Parmi celles-ci, les photographies du fonds Triangle constituent, par leur nombre, leur état de conservation, leur richesse et leur qualité, un ensemble remarquable. Elles ont fait l'objet d'une campagne de numérisation complète en 2001 et sont disponibles sur les écrans de la Bibliothèque du Film ou sur l'iconothèque en ligne.

On sait désormais que la plupart des documents Triangle de la Cinémathèque y sont entrés grâce à de nombreux achats effectués entre 1960 et 1966 par Henri Langlois auprès de John E. Allen (voir Histoire d'une acquisition). Une étude plus approfondie des archives administratives devrait permettre, à terme, d'isoler la liste des photographies achetées dans cet ensemble. Un certain nombre d'images peuvent aussi avoir rejoint le fonds photo au cours d'autres enrichissements.

Sont conservées 1 374 photographies de films produits entre 1915 et 1919. Ce bel ensemble est reparti de façon inégale entre 207 films. Cette faible proportion de photographies ainsi que l'inégalité de la répartition - de 1 à 60 photos par titre de film dans les collections de la Cinémathèque française, et jusqu'à 100 pour The Martyrs of the Alamo dans les collections conservées à Madison - posent une question essentielle : est-ce significatif de l'intérêt porté par la Triangle à la publicité desdits films et donc au nombre de photographies diffusées avec les copies, ou bien uniquement de la difficulté qu'ont toutes les archives de cinéma à collecter les éléments produits autour des films ? En effet, ce qu'Henri Langlois a pu collecter ou acquérir pour enrichir les collections de la Cinémathèque était ce qui fut porté à sa connaissance (et qui n'avait été ni perdu, ni conservé par les exploitants, ni pris en charge par d'autres collections ou collectionneurs).

Les photos sont, pour une forte proportion, des photographies de plateau, et en plus faible quantité des photogrammes. La photographie de plateau est une image du film sur laquelle on ne doit pas apercevoir le dispositif mis en place pour le tournage. Elle peut être obtenue :

- par prise de vue photographique lors du tournage ;
- en utilisant le négatif photographique (sur plaques de verre le plus souvent ; nombre de photos Triangle en portent la marque sous forme de cassure) ;
- sur support souple en nitrate de cellulosetooltip (utilisé dès les débuts du cinéma) ;
- en utilisant la pellicule film. Il s'agit après tout de la même matière, seul le sens d'utilisation change.

La notion de photographie de plateau recouvre donc à la fois les tirages obtenus à partir des prises des vue photographiques et ceux obtenus, dès l'origine, à partir de la pellicule film (les photogrammes). Nous n'avons pas trouvé de trace, dans les archives Triangle de la Cinémathèque, de la présence d'un poste dédié à la photographie de plateau. Il n'est donc pas impossible que ces photos aient été produites par un technicien (cadreur ou directeur de la photographie, par exemple). L'intervention d'un photographe présente évidemment une différence notable car elle implique un regard intermédiaire, et donc une réinterprétation, aussi légère soit-elle, de ce qui se passe devant la caméra.

Les photogrammes recouvrent à leur tour deux réalités bien distinctes. S'il s'agit dans les deux cas d'images tirées directement de la pellicule du film : dans le premier cas, les photogrammes sont réalisés par la plupart des archives de cinémas elle-même (The Americano, His Bitter Pill). C'est en effet depuis longtemps le meilleur moyen pour les chercheurs en cinéma d'obtenir une documentation de travail sur un film. Mais très souvent ces photogrammes portent les stigmates de la pellicule et sont de qualité médiocre. Dans le second cas, le procédé est plus difficile à reconnaitre car le résultat est très proche de celui obtenu avec une prise de vue photographique. Les tirages de Everywoman's Husband, The Aryan ou The Disciple en sont un exemple. Si l'on considère uniquement cette seconde catégorie de photogrammes, la différence avec les photographies de plateau réside donc plus dans le procédé d'acquisition de l'image que dans le résultat lui-même.

Il est traditionnellement admis que la place du photographe de plateau (the « Still Photographer ») était à côté de la caméra, son rôle étant de coller parfaitement au cadre, à la lumière, à la mise en scène voulus par le réalisateur. Les acteurs prenaient la pose devant l'objectif du photographe une fois la scène tournée ou lors des répétitions, la_collection_de_photos#%@01#%@Olive Thomas, dans Prudence on Broadway (Franck Borzage, 1918).#%@#%@800#%@681 afin de ne pas déranger le travail de l'équipe.

Le type d'organisation de la Triangle ne permet pas d'affirmer (ou d'infirmer) qu'un photographe professionnel était présent sur le plateau, mais compte tenu de la qualité esthétique des photographies nous pouvons affirmer que la personne ayant pris ces clichés possédait un sens aiguisé de la composition de l'image et du cadrage.  L'un des aspects les plus frappants des photos du fonds de la Triangle est en effet la qualité graphique des images. La composition, la position des corps, le travail sur le contraste, sur la lumière, la_collection_de_photos#%@02#%@Joseph J. Dowling, dans Master of His Home (Walter Edwards, 1917).#%@#%@445#%@670 la_collection_de_photos#%@03#%@Douglas Fairbanks, dans The Americano (John Emerson, 1916).#%@#%@425#%@670 semblent être la preuve d'une volonté artistique créant une œuvre photographique unique pouvant prétendre à une existence au-delà du film lui-même. La gestuelle, les mouvements des corps des acteurs la_collection_de_photos#%@04#%@Douglas Fairbanks, dans The Good Bad Man (Allan Dwan, 1916).#%@#%@800#%@639 la_collection_de_photos#%@05#%@William Desmond, Margery Wilson et Robert McKim, dans The Last of the Ingrams (1916), de Walter Edwards.#%@#%@436#%@670 ne semblent pas toujours naturels mais sont le résultat d'une composition recherchée et habitée par les acteurs. Ceux-ci semblent se prêter volontiers au jeu de la pose pour la photo.

Cependant un autre genre de photos est aussi présent et montre qu'en réalité, la place et la liberté du photographe de plateau sont très variables d'un film à l'autre. Certains photographes fabriquent des images à partir de celles du film mais donnent leur propre interprétation de ce qu'est, ou va devenir, le film. L'objectif est alors de donner l'idée du mouvement la_collection_de_photos#%@06#%@Douglas Fairbanks, dans The Habit of Happiness (Allan Dwan, 1916).#%@#%@800#%@643 la_collection_de_photos#%@07#%@Douglas Fairbanks, dans The Good Bad Man (Allan Dwan, 1916).#%@#%@800#%@635 de la tonalité du film, dans une image fixe. La photo de plateau est ici très proche du reportage photographique sur le film. la_collection_de_photos#%@08#%@Margaret Cullington et Jack Curtis, dans Little Red Decides (Jack Conway, 1917).#%@#%@455#%@670 la_collection_de_photos#%@09#%@Reggie Mixes In (Christy Cabanne, 1916).#%@#%@800#%@631 la_collection_de_photos#%@10#%@Lee Hill, dans Idolators (Walter Edwards, 1917).#%@#%@800#%@653 La présence de telles photos dans ce fonds souligne par défaut une autre particularité : l'absence de photographies de tournage. Celles-ci, pourtant déjà courantes à cette époque, sont le moyen de promouvoir une méthode de production, l'ingéniosité d'une équipe, d'un réalisateur. On y voit l'envers du décor, les caméras, l'éclairage, ce que le spectateur ne verra a priori jamais. Ces photographies sont destinées à un public de professionnels. On en retrouve la trace dans les Triangle Plays (lettre d'information de la Triangle) ainsi que dans le fonds d'archives de Madison.

La collection de photos Triangle ne reflète donc qu'une partie de la production photographique de la société de production : celle destinée à la promotion des films auprès du public, et plus certainement encore auprès des distributeurs et des exploitants susceptibles de louer le film. Même si les films Triangle avaient des thèmes variés, on observe dans les photos les genres phares de sa production : le western (Penitentes, Manhattan madness, The Half Breed), le drame familial (Her Official Father,), la bagarre (Reggie Mixes In, Might and the Man, Irish Eyes), l'enfant (An innocent Magdalene,) la maladie, le couple, la guerre (Paddy O'Hara), la comédie et aussi quelques films « féériques » (Peggy).

La recherche et la connaissance de cette collection doivent encore progresser, notamment par l'établissement d'un corpus précis se référant à la filmographie Triangle officielle, ou en analysant, par année de production, la proportion de films Triangle dont des images sont présentes dans le fonds. Le recoupement avec les archives de production (desquelles les photos ont été séparées, à leur arrivée à la Cinémathèque), l'utilisation des informations documentaires réunies, et la comparaison avec d'autres centres d'archives devraient le permettre.

La galerie de photos suivante propose une sélection de 100 photographies de plateau, dont 20 font l'objet d'une analyse.

Arzura Flornoy-Gilot

crédits

Le programme de recherche ANR Cinémarchives regroupe la Cinémathèque française, l'université Sorbonne Nouvelle - Paris 3, l'université Paris Diderot - Paris 7, le Centre national de la Recherche scientifique et l'université Paul Valéry - Montpellier 3, avec le co-financement de l'Agence nationale de Recherche.

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