1 octobre 2021
Sept années après Alexandre Nevski qu'il interprète en 1938, Nikolaï Tcherkassov se met dans la peau du premier Tsar de Russie. Ivan le Terrible, film-fleuve en deux parties et œuvre ultime d'Eisenstein, est un portrait sombre et grandiose du souverain connu pour ses violences envers le peuple russe et sa famille. Avec ses cadrages savants et ses jeux d'ombre menaçants, le cinéaste en fait un colosse majestueux, pour lequel chaque trait de maquillage et chaque pièce de costumes sont méticuleusement préparés, comme le rapporte Tcherkassov : « Eisenstein m'étonnait par l'attention qu'il portait pour les moindres détails, secondaires à mon avis, mais qui par la suite, lors du filmage des gros plans s'avéraient de la plus grande importance. Pour Alexandre Nevski, il se procura au musée de l'Ermitage des armures du XIIIe siècle et veilla scrupuleusement à la confection de mon équipement. Pendant les prises de vues difficiles, il venait toujours me voir pour l'essayage du costume. Une fois, entouré de tailleurs et d'habilleuses, il ajusta pendant plus d'une heure une pièce de mon vêtement. »
En 1960, Henri Langlois prévoit d'organiser, à la Cinémathèque française, une grande exposition consacrée aux dessins du cinéaste soviétique. « Douze ans après sa mort, son œuvre est presque tombée dans l'oubli », affirme-t-il. Rue d'Ulm, c'est la ruée. Dans une salle comble, un public enflammé découvre Ivan le Terrible et sa deuxième partie en couleurs, flamboyante. Face aux débordements, Langlois improvise une projection supplémentaire à minuit pour apaiser les spectateurs refoulés.
Savaient-ils que, quelques années auparavant, en 1955, le directeur de la Cinémathèque recevait l'immense Nikolaï Tcherkassov et qu'ils échangèrent discrètement une maquette originale du Don Quichotte de Pabst contre un costume de l'acteur, constitué d'un manteau, d'une cotte de maille et d'une paire de bottes ? Ceux-là même qu'il portait dans Ivan le Terrible.
