Dans les malles de Lola Montès, version Ophuls, cette robe de mariée en filet de coton, cousu sur un fond de crêpe de soie, et boutonnée au corsage. Le beige-crème s’impose pour « la femme la plus scandaleuse de la terre », exhibée dans cette tenue sur la scène d’un cirque. Richement décorée de plaques de moleskine et de bouquets de roses en plastique et bois, la robe fait figure de pièce montée parmi la trentaine d’atours de Lola. Dans la lignée de la mise en scène d’Ophuls, au sommet de son art baroque, elle symbolise à elle seule une « esthétique de la crème fouettée » évoquée dans Les Lettres françaises du 29 décembre 1955.
Un somptueux vêtement signé Marcel Escoffier, costumier favori de Martine Carol, que la vedette impose pour les costumes de Lola, aux côtés de Georges Annenkov – le principal costumier du film, auquel Ophuls a déjà fait appel pour La Ronde (1950), Le Plaisir (1952) et Madame de… (1953). Escoffier compose une garde-robe de superproduction, impressionnant la presse d’alors. Radio Cinéma Télévision du 22 février 1956 fait le calcul : « 32 robes pour une projection de 100 minutes, soit un changement de toilette toutes les 3 minutes ». Martine Carol sort de Nana (Christian-Jaque), où elle ne cesse de se vêtir et de se dévêtir. Mais sous la direction de Max Ophuls, décidé jusqu’au bout à refuser la facilité, son personnage en dévoile peu, hormis la nudité de ses pieds et un strip-tease que le cinéaste coupe au montage. Et les tenues de l’actrice sont loin des promesses de la campagne publicitaire. À l’exception d’un déshabillé et d’une tenue de cirque (encore dans une scène non retenue), les costumes d’Escoffier sont à l’opposé de ceux portés par Martine Carol dans les productions gentiment érotico-historiques qui ont fait son succès. Manches longues et cols fermés cachent les charmes de l’actrice et participeront à l’échec du film auprès d’un public d’admirateurs déçus. Un article au titre révélateur le souligne dans Rivarol du 1er janvier 1956 : « Martine Carol est restée couverte : le public ne saluera pas ».
La Cinémathèque française conserve également 43 maquettes de costumes dessinées par Marcel Escoffier pour Le Secret de Mayerling (Jean Delannoy, 1948), Lucrèce Borgia (Christian-Jaque, 1952), Nana (Christian-Jaque, 1954), La Belle Otero, (Richard Pottier, 1954), Senso (Luchino Visconti, 1954), Pot-Bouille (Julien Duvivier, 1957), Lady L. (Peter Ustinov, 1964) et Mayerling (Terence Young, 1967).