Luis Buñuel sur le web

9 septembre 2020

Absurdité, humour irrévérencieux, fantasmes et obsessions personnelles, l'œuvre de Buñuel, profondément marquée par le surréalisme, est l'une des plus importantes et des plus originales de l'histoire du cinéma. De l'œil tranché d'Un chien andalou aux dîners mondains arrosés de Martini Dry, en passant par les rêves et les séances d'écriture racontées par le scénariste Jean-Claude Carrière, revue du web, spéciale Buñuel.

Un Chien Andalou, Luis Buñuel (1929)

“Hitchcock se plaisait à manipuler le public. Très tôt, Buñuel se contenta de s’amuser lui-même.”
John Hoberman, critique de cinéma (The Nation, avril 2012)


Buñuel, par où commencer ? Pour aborder l'œuvre du cinéaste espagnol, les novices pourront suivre les recommandations du BFI ou regarder le portrait d'un provocateur par Fandor (en anglais).

Pour Buñuel, tout commence donc avec Dali. Des visions de nuage effilé devant la lune et de rasoir tranchant un œil. La scène d'Un chien andalou pourrait être à l'origine de toutes les références cinématographiques du rêve et autres séquences psychédéliques. Une image irregardable, au sens propre, puisque le spectateur y voit la destruction de l'organe qu'il mobilise, comme l'analyse le professeur en philo et cinéma, Jérémie Winocour. Une influence surréaliste qui a aussi bien inspiré Hitchcock, que les Pixies, groupe de rock alternatif légendaire, qui ouvrit son album Doolittle, en 1989, par le titre Debaser : « Got me a movie / I want you to know / Slicing up eyeballs / I want you to know / Girlie so groovy / I want you to know / Don't know about you / But I am un chien andalusia. It's enough to make your scalp tingle. »

Aujourd'hui, celui qui sait le mieux raconter l'esprit surréaliste de Buñuel, c'est son scénariste, Jean-Claude Carrière. En podcast sur France Culture ou sur Nova, où il revient sur 65 ans d'écriture filmique. On aime particulièrement quand il évoque sa rencontre avec le réalisateur ou lorsqu'il lui demande tout simplement dans cette archive filmée : « Luis, si vous aviez un conseil à donner à un jeune cinéaste aujourd'hui, qu'est-ce que vous lui diriez ? »

Plus si jeunes, ces cinéastes ont été marqués par les films de Buñuel. Indiewire a fait une liste. Le Charme discret de la bourgeoisie pour Woody Allen et David O. Russell, L'Âge d'or pour Jonathan Glazer, Aki Kaurismäki et Guy Maddin, Él pour Miguel Gomes ou Un chien andalou (encore lui) pour Gaspar Noé. Quant à François Truffaut, il se souvint de son passage sur le plateau de tournage de Tristana, où il regrettait de ne pas avoir apporté quelques cartouches de Gitanes filtres que le cinéaste espagnol préférait au tabac espagnol. À lire dans cet article de Mubi, Truffaut lighting a cigarette for Buñuel.

Truffaut et Buñuel 

Parmi les nombreux focus Mubi consacrés à Don Luis, celui d'Adrian Curry sur l'affiche de Tristana, dévoile une incroyable photo prise lors d'un banquet mémorable. En 1972, alors que Buñuel vient présenter Le Charme discret de la bourgeoisie au L.A. Film Festival, George Cukor l'invite dans sa maison de Bel Air, pour un lunch avec « quelques vieux amis ». Le détail de cette réception inattendue sur cette page en espagnol. L'histoire ne dit pas s'ils ont bu un Dry Martini – boisson préférée du cinéaste immortalisée dans Le Charme discret de la bourgeoisie : « il n'y a pas de meilleur tranquillisant ».

Passer à table, justement, se trouve être très souvent au centre de l'œuvre de Buñuel. Pourquoi ses films sont-ils une satire du rituel du repas chez les bourgeois ? Explication du professeur Julian Cornell qui fait un parallèle avec la série américaine Seinfeld. Autre grande table fréquentée par une clientèle bourgeoise, La Grande Cascade. Le célèbre restaurant, situé au cœur du Bois de Boulogne, servit de décor à Belle de jour. Luis Buñuel y boit le thé avec les producteurs, Robert et Raymond Hakim, l'un de ses nombreux caméos, en arrière-plan de Catherine Deneuve. Trente ans plus tard, que représente ce premier film avec Buñuel pour la star qu'elle est devenue ? Discussion avec le journaliste américain, Charlie Rose.

De Belle de jour toujours, on peut lire cet essai sur le corps, Sens et conséquences. Du trou dans la chaussette de Marcel se frottant contre les chaussures vernies de Séverine, aux bottines de Jeanne Moreau du Journal d'une femme de chambre, il n'y a qu'un pas. L'occasion de revoir ce Top des fétichistes du pied au cinéma et de réfléchir sur l'imaginaire de l'inconscient avec cette analyse comparée de L'occulte et le sacré chez Buñuel et Verhoeven

Et pour finir ? Écoutons quelques notes de violoncelle, pur instrument de la bourgeoisie, expliqué par Alexis Descharmes, en griffonnant quelques cadavres exquis à épingler sur ce tableau.


Dans les cartons de la Cinémathèque

Maquettes de décor - Cela s'appelle l'aurore

Maquettes de décor du film Cela s'appelle l'aurore (1955) par Max Douy, représentant le palier du premier étage de la maison de Valerio (en champ / contrechamp), la chambre où Sandro se cache après le meurtre de son patron, et la salle de bain (ainsi que la chambre en reflet dans le miroir) de Valerio, où se prépare Clara et correspondant à la scène du film dite « de la tortue ». Une analyse minutieuse des archives du décorateur en regard du scénario, par François Amy de la Bretèque, est à retrouver sur Cinémarchives et dans le n°103 de la revue Archives, entièrement consacré au film de Buñuel.

Maquette de décor - Cela s'appelle l'aurore (Scène de la veillée funèbre)

La scène de la « veillée funèbre » dans Cela s'apelle l'aurore (1955), représentée par un dessin au fusain du décorateur Max Douy.


La confidence

« Catherine Deneuve n'est pas précisément mon type de femme mais, boiteuse et maquillée, je la trouve très attirante. » (Luis Buñuel à propos du rôle de l'actrice dans Tristana)


Vu à la TV

Festival de Venise, 8 septembre 1967, Luis Buñuel est interviewé à l'occasion de la sortie de son film Belle de jour.