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Dossiers d'avance à la production

Le rapport du Baron fantôme

Le dossier de demande du producteur fait l'objet d'une synthèse écrite par le Comité d'attribution des avances, qui donne en conclusion son avis ou décision. Un même film peut être examiné une ou deux fois et donner lieu à autant de « rapports », assortis des « procès-verbaux » des réunions (« A. Rapports et décisions »). Le rapport, comme ici celui du Baron fantôme (Serge de Poligny, 1942), commence par la présentation de la société Consortium de production : s'agit-il d'une première demande de prêt au Crédit National ? D'autres films ont-ils déjà bénéficié d'une avance, et si oui le film est-il achevé, l'avance remboursée ? Le Comité d'attribution évalue en effet la confiance à accorder à une société en fonction de ses activités et résultats antérieurs. Certains projets de films, jugés peu intéressants par le Crédit National, obtiennent ainsi parfois l'avance par volonté de soutenir un producteur sérieux et estimé par ailleurs. L'exposé du projet suit, selon quatre rubriques qui ne laissent pas de place pour les considérations esthétiques :

 1. Le « résumé du film », reprise souvent in extenso du « synopsis » fourni par le producteur, déroule les éléments du récit sans mention des intentions de mise en scène ;

2. Le « concours technique et artistique » recense les collaborateurs envisagés ou engagés, les noms du metteur en scène, du scénariste-dialoguiste et des interprètes étant présentés comme déterminants ;

3. Le « devis provisoire » consiste en la révision du devis présenté par le producteur. En particulier, l'expert-comptable désigné (Pierre Chéret) fait une lecture minutieuse du scénario pour ajuster le nombre de jours de tournage (studio et extérieur) nécessaires :

4. Le « financement » précise le montant de l'avance demandée et l'apport producteur : en 1942, Consortium sollicitait ainsi 4 532 000 F représentant 65% du devis, son apport - minoritaire, donc - prenant la forme d'un « complément » en espèces et en crédits laboratoires.

La conclusion du rapport porte sur les composantes financières et scénaristiques du projet. Pour le Comité, le scénario du Baron fantôme « contient de bons éléments ; par l'alternance de deux émotions d'ordre différent ; l'épouvante et la sentimentalité, l'intérêt du spectateur sera constamment renouvelé. D'autre part, l'amour finit par l'emporter, ce qui, du point de vue commercial, « termine bien le film ». La conclusion peut être définitive ou provisoire, avis et conseils étant parfois formulés pour un passage en deuxième examen. Dans cette étude du 12 août 1942, le projet de Ma sœur Anne n'est pas encore complètement abouti : il sortira en salle avec l'aide du Crédit National, et sous le titre Le Baron fantôme. Le film de Serge de Poligny est à rapprocher de Sylvie et le Fantôme (Claude Autant-Lara) produit deux ans plus tard par Discina, également avec une avance du Crédit National. Les dossiers recoupent l'observation selon laquelle, pendant les quatre années d'Occupation, le cinéma français reproduit les genres aimés par le public avant-guerre : ici les films de fantôme mêlant réalisme et fantastique.
  • Le « rapport » du Baron fantôme (1)
  • Le « rapport » du Baron fantôme (2)
  • Le « rapport » du Baron fantôme (3)