Dans le dossier Les Anges du péché (Robert Bresson, 1943) figure un exemplaire original du Journal spécial des sociétés françaises par actions en date du 19 juin 1942. La société Synops y met à jour ses statuts, modifiés à plusieurs reprises depuis sa fondation en mars 1936. Ce type d'annonce légale et judiciaire fournit des renseignements sur la date de création d'une société, la structuration en espèces et en parts de son capital social, l'identité des personnes physiques et morales qui la composent et son objet. Synops est dédiée à « toutes opérations » se rattachant « d'une manière quelconque à l'industrie et aux affaires cinématographiques » et plus spécialement « toutes opérations relatives à la recherche, à l'achat, à l'établissement, à l'exploitation ou à la vente de tous scénarios originaux ou non, ou droits d'adaptation cinématographiques ». Cette société, spécialisée donc dans la recherche de scénario, est détenue à hauteur de 530 parts (sur 650) par des filiales du groupe Gallimard (librairie Gallimard et Publications Zed, qui contrôle les Éditions Tel depuis 1941).
Le journal d'annonce légale se trouve dans une partie du dossier intitulée « C. Nationalité et capacité des emprunteurs », le terme « nationalité » étant retiré dans les années cinquante, probablement en raison de sa connotation vichyste. Dans le dossier de 1942, on remarque ainsi la mention « aryen » accolée au nom des trois associés (Denise Tual, Roland Tual et Philippe Clément), en application des dispositions prises par l'Etat à partir du 3 octobre 1940 et de la loi portant statut des Juifs. Les sociétés et les personnes tombant sous le coup de la législation de l'Etat français et des ordonnances des autorités d'Occupation sont bien de facto absentes des dossiers du Crédit National jusqu'à la Libération, l'industrie cinématographique faisant de plus l'objet d'un contrôle spécifique depuis l'automne 1940. Selon la loi du 26 octobre, l'autorisation d'activité dépend en effet de l'obtention d'une carte d'identité professionnelle (CIP) délivrée par le directeur général du Comité d'organisation de l'industrie cinématographique (COIC) ; laquelle carte - utilisée pour défendre l'idée de « capacité professionnelle » - a pu être analysée comme étant un instrument de « persécution et d'épuration » pendant l'Occupation. Le dossier des Anges du péché, à l'image de ce fonds d'archives, porte d'autres traces d'un contexte historique prégnant, telle la disparition du nom du directeur général du Crédit National des documents à en-tête de la banque au cours de l'été 1943 : Wilfrid Baumgartner fut en effet arrêté le 10 août par la Gestapo et déporté avec d'autres hauts fonctionnaires que les Allemands craignaient de voir passer à la résistance active ou au gouvernement provisoire d'Alger. Libéré en mai 1945, W. Baumgartner réintègre ses fonctions au Crédit National le 12 juin.