Imprimée en sérigraphie, cette affiche cubaine de L’Ami américain est signée Eduardo Muñoz Bachs, affichiste aussi prolifique que renommé. Narrative et néanmoins énigmatique, elle livre les principaux éléments de l’intrigue du film de Wim Wenders, sans représenter aucun acteur ni mentionner l’adaptation de Ripley s’amuse, roman policier de Patricia Highsmith transposé en 1976.
De ce thriller sans attache qui se partage entre Hambourg, New York et Paris, Bachs retient au centre de sa composition un cadre entourant une toile blanche dégoulinante de sang et renvoyant au personnage de Jonathan Zimmermann (Bruno Ganz). Se pensant condamné par une leucémie et pour mettre sa famille à l’abri financièrement, l’encadreur allemand accepte de devenir tueur à gage après avoir rencontré Tom Ripley (Dennis Hopper), américain trafiquant de tableaux en lien avec le « milieu » français. Pour illustrer l’emprise de l’ami américain sur le destin du héros hambourgeois, l’affichiste convoque avec ironie l’imagerie du western, figurée par un chapeau de cowboy placé en haut du chevalet comme sur un piquet de ranch. Le même jaune lie graphiquement les deux éléments évoquant l’encadreur et l’américain au stetson.
L’artiste cubain réalise un visuel très coloré pour ce film noir en couleurs. L’annonce d’un « film de la R.F.A en colores » précède même le générique succinct duquel Lisa Kreuzer et Gérard Blain ne font pas partie. Pas plus que n’est indiquée la présence au casting des cinéastes hollywoodiens Nicholas Ray et Samuel Fuller – contrairement à l’affiche originale, conçue par Hans-Peter Sickert et exploitée en Allemagne, en France et aux États-Unis. La typographie manuscrite, dont Bachs est coutumier pour honorer plus rapidement ses contrats, donne à son oeuvre une dimension naïve. Tout en aplats de couleurs vives, caractéristiques de l’auteur et de la technique de reproduction en vigueur à Cuba, l’affiche de El Amigo Americano est dominée par un fond monochrome bleu, en écho à celui de la peinture qui permet à Zimmermann de déceler la contrefaçon orchestrée par Ripley.
L’ensemble évoque une des premières séquences du film où l’américain apparaît, chapeau rivé sur la tête, à côté d’un chevalet et devant une immense toile bleue qui occupe tout l’arrière plan. Si le rouge intervient régulièrement dans le film (les titres du générique, le satin rouge du grand lit de Ripley et les tentures des rideaux de sa chambre, la Volkswagen de Jonathan, les vêtements de sa femme et autres éléments de décors), la présence du sang se limite à une simple égratignure.
Cette affiche du film, sorti en 1979 à Cuba, a été tirée à 1 000 exemplaires dans l’atelier de l’ICAIC (Institut Cubain de l’Art et de l’Industrie Cinématographique) où Bachs a fait ses débuts comme dessinateur d’animation avant d’y exercer en tant qu’affichiste à partir de 1965 et durant quasiment toute sa carrière.