L’Expressionnisme selon Lotte Eisner

Pour saisir le phénomène expressionniste dans toute sa complexité, Lotte Eisner suggère de l’étudier par le biais des déclarations littéraires d’écrivains comme Kasimir Edschmid(1)Kasimir Edschmid (1890-1966) : écrivain expressionniste allemand dont la conférence sur l’Expressionnisme et la littérature de 1918 peut être considérée comme une sorte de manifeste du mouvement expressionniste littéraire.. Leur langage saccadé, volontairement obscur et violent, cherche à exprimer la « signification éternelle des faits et des objets », à en dégager « l’expression la plus expressive ».

A la différence de l’Impressionnisme, qui cherche à capter les aspects perpétuellement changeants de la nature, et du Naturalisme, qui veut la reproduire telle qu’elle est, l’Expressionnisme s’en détache pour faire ressortir, comme le dit Béla Balázs, « la physionomie latente des choses ».

L’Expressionnisme est traversé de contradictions : c’est un subjectivisme poussé à l’extrême, l’homme est libre de tous les liens sociaux et il crée sa réalité propre, et en même temps l’individu devient une abstraction totale, vidée de toute psychologie, traversée par des forces, des énergies et des tensions.

« A première vue, l’expressionnisme, au style télégraphique, explosant en phrases courtes, en exclamations brèves, semble avoir simplifié le mode d’expression compliqué des Allemands, mais cette netteté apparente est fallacieuse. C’est le désir d’amplifier la signification ‘métaphysique’ des mots qui domine la phraséologie expressionniste. On jongle avec des expressions vagues, on forge des chaînes de mots d’une combinaison hasardeuse, on invente des allégories mystiques, dépourvues de logique, pleines d’insinuations et qui se réduisent à peu de choses dès que nous essayons de les traduire. Ce langage, lourd de symboles et de métaphores, demeure obscur à dessein, afin que seuls les initiés en puissent saisir le sens. C’est une terre semée de pièges : pour la traverser indemne il faut connaître les mots de passe. »

Lotte Eisner, L’Ecran démoniaque, 1952, p.14

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Dessin de Warm pour Le Cabinet du Dr Caligari Dessin de Warm pour
Le Cabinet du Dr Caligari,
Robert Wiene, 1919

Dessin de Warm pour Le Cabinet du Dr Caligari,
Robert Wiene, 1919

(Pastel sur papier, 30,5 x 41,5 cm)

Dessin de Warm pour Le Cabinet du Dr Caligari

Dans Caligari, l’interprétation expressionniste a réussi avec un rare bonheur à évoquer la « physionomie latente » d’une petite ville médiévale aux ruelles sombres et tortueuses […]. Des portes cunéiformes aux ombres lourdes et des fenêtres obliques aux cadres déformés semblent ronger les murs ». Lotte Eisner, L’Ecran démoniaque, 1952, p. 27

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