La profession de décorateur de film se dit en allemand Filmarchitekt. Au début des années 1920, un certain nombre de ces architectes de cinéma - dont Robert Herlth, Albin Grau, Walter Reimann - déclarent que leur travail se rapproche en fait beaucoup plus de celui d’un peintre, étant donné que leur tâche consiste surtout à construire des décors de façon que ceux-ci puissent produire un effet optimal à l’écran. Dans leurs écrits, ils utilisent alors, pour se désigner eux-mêmes, le terme Maler-Architekten, c’est-à-dire «architectes-peintres». Cette expression n’a cours que brièvement - on ne la trouve que dans des textes de la première moitié des années 1920 -, mais elle est particulièrement apte à faire ressortir à la fois leurs préoccupations esthétiques et l’importance du rôle qu’ils ont pu jouer pour la conception et la création artistiques des films.
Ce terme regroupe plusieurs mouvements:
Die Brücke (Le Pont) : créé en 1905 à Dresde autour du peintre et sculpteur Ernst Ludwig Kirchner, ce mouvement développe un style basé sur des couleurs vives, violemment opposées, des formes tourmentées, avec une charge importante de critique sociale.
Principaux artistes: Ernst Ludwig Kirchner, Erich Heckel, Karl Schmidt-Rottluff, Max Pechstein et Emil Nolde.
Der Blaue Reiter (Le Cavalier bleu) : créé à Murnau en 1911 autour d’artistes russes et allemands, ce mouvement rejette les conventions académiques et propose une vision spirituelle de l’art. Il se caractérise aussi par une recherche d’affinités avec les autres arts (musique, théâtre).
Principaux artistes : Vassily Kandinsky, August Macke, Franz Marc et Paul Klee.
Le terme «caligarisme» est utilisé en France, dès les années 1920, aussi bien par des théoriciens (comme Jean Epstein) que par des journalistes de la presse cinématographique grand public pour désigner les films ayant une parenté stylistique avec Le Cabinet du docteur Caligari, sorti en 1919 : prééminence de décors souvent peints, déséquilibres des formes, jeu outré… Le « caligarisme » renvoie donc à un très petit nombre de films. A la différence du terme «expressionnisme», qui touche tous les domaines artistiques, le « caligarisme » est spécifique au cinéma, et c’est pour cela que Kracauer le préfère.
Mouvement artistique russe qui s’est développé sur la base du cubisme et du futurisme. Il vise à exclure de l’œuvre toute référence au réel pour parvenir à une pure abstraction par l’utilisation d’éléments géométriques.
Principaux artistes : Vladimir Tatlin, Naoum Gabo, Antoine Pevsner, Aleksandr Rodchenko.
Mouvement artistique développé à Paris autour de Pablo Picasso et Georges Braque, à partir de l’interprétation du monde selon des volumes élémentaires entreprise par Paul Cézanne : le cubisme décompose les objets et les personnes pour en atteindre l’essence par la juxtaposition de points de vue distincts dans la réalité mais simultanés dans l’œuvre. Le style cubiste est adopté également par des peintres tels Fernand Léger, Robert et Sonia Delaunay, Juan Gris, Albert Gleizes…
Mouvement artistique et littéraire italien qui rejette la tradition esthétique et exalte le monde moderne, en particulier la civilisation urbaine, les machines et la vitesse, en faisant interférer formes, rythmes, couleurs et lumière afin d’exprimer une «sensation dynamique» et les structures multiples du monde visible.
Principaux artistes : Filippo Tommaso Marinetti, Umberto Boccioni, Carlo Carrà…
École picturale française active entre 1874 et 1886, qui marqua la rupture de l’art moderne avec l’académisme : les peintres impressionnistes exécutent leurs tableaux en plein air, sur le motif, et tentent de saisir les manifestations fugaces de l’atmosphère, les effets de lumière, les sensations visuelles.
Principaux artistes : Claude Monet, Auguste Renoir, Camille Pissarro, Berthe Morisot, Edouard Manet, Edgar Degas.
Le terme «nouveau réalisme», ou «nouvelle objectivité» (Neue Sachlichkeit) est forgé en 1924 pour qualifier des œuvres de George Grosz, Otto Dix, Max Beckmann et Georg Schrimpf présentées lors d’une exposition de peinture à Mannheim. Le nouveau réalisme se caractérise par une volonté de représenter la réalité sans artifice. Au cinéma, il s’illustre par des films variés, allant de l’expérience proche du documentaire (Berlin, die Symphonie einer grosse Stadt de Walter Ruttman) aux mélodrames sociaux. Bardèche et Brasillach utilisent l’expression «nouveau réalisme» notamment par rapport aux «tragédies de la rue»(Strassen Film), drames psychologiques d’un réalisme cru situés dans un contexte urbain, comme Die Freudlosse Gasse (La Rue sans joie) de G.W. Pabst.
Mot d’origine grecque signifiant souffrance, passion. Pathos est avec logos (logique) et ethos (style) la troisième composante de la rhétorique. Le pathos fait appel aux émotions du public pour le convaincre. En littérature, il désigne un ton pathétique excessif dans un discours et, par extension, dans le ton, les gestes.
Par le terme «réalisme expressionniste», les auteurs qualifient notamment le Kammerspielfilm, un drame intime avec peu de personnages. Le terme allemand Kammerspiel, qui signifie «jeu de chambre» ou «théâtre de chambre», est apparu au théâtre pour désigner des pièces à la mise en scène intimiste destinées à de petites salles. Dans les années 1920, l’usage du mot est étendu au cinéma pour désigner des films à la fois réalistes en ce qu’ils renvoient à des milieux sociaux précis, et «expressionnistes» par leur style (axes de prise de vues, mouvements de caméra), l’atmosphère (ou Stimmung) très travaillée grâce au soin apporté aux décors de studio et aux éclairages en ombres et lumières, les gestes expressifs des acteurs… Le Kammerspielfilm respecte la règle des trois unités (temps, lieu, action) en enfermant les personnages dans un huis clos oppressant où ils sont soumis à leur destin.
Parmi ces films, on peut citer Scherben (Le Rail) et Sylvester (La Nuit de la Saint-Sylvestre) de Lupu-Pick, ou encore Die Hintertreppe (L’Escalier de service) de Leopold Jessner.
La République de Weimar est instaurée formellement le 11 août 1919 avec l’adoption de la loi constitutionnelle. Les débuts sont marqués par la défaite de la Première Guerre mondiale et le traité de Versailles d’un côté, la répression de la révolution spartakiste à l’aide de l’armée et des corps francs de l’autre. Détestée par la droite et combattue par la gauche, la République de Weimar est restée politiquement vulnérable. Entre l’hyperinflation du début des années 1920 et la crise économique de la fin de la décennie, elle connaît une période relativement stable entre 1923 et 1928 environ. Pourtant, et malgré la précarité de la situation économico-politique, la vie culturelle weimarienne est particulièrement riche. En littérature comme dans les arts plastiques, en musique comme en architecture, sur la scène de théâtre comme dans les studios de cinéma, des artistes expérimentent et cherchent de nouvelles formes d’expression. La prise de pouvoir du parti national-socialiste d’Adolf Hitler en 1933 met fin définitivement à la fois à la démocratie et à la liberté artistique.