Andy Warhol, trait d'union entre Fassbinder et Ozon
Delphine Simon-Marsaud
- 2 juin 2022
L'affiche du dernier film de François Ozon, Peter von Kant, libre adaptation des Larmes amères de Petra von Kant de Rainer Werner Fassbinder (1972), rend hommage à celle d'un autre film de Fassbinder, Querelle, dont la Cinémathèque conserve un exemplaire rare, signé Andy Warhol.
Admirateur notoire du réalisateur allemand, François Ozon reprend, après Gouttes d'eau sur pierres brûlantes sorti en 2000, une nouvelle pièce de Fassbinder. Huis clos féminin explorant la complexité des rapports humains, Les Larmes amères de Petra von Kant dresse le portrait d'une créatrice de mode issue de la grande bourgeoisie, folle amoureuse d'une jeune prolétaire qui rêve de devenir mannequin. Ozon décide de changer le sexe du personnage principal, avec l'idée d'en faire un double de Fassbinder lui-même. Réalisateur égocentrique, Peter, interprété par Denis Ménochet, voue une passion sans borne à un acteur débutant, Amir, transposition du rôle original d'Hanna Schygulla, égérie lumineuse de Fassbinder, qui fait un passage obligé dans la version d'Ozon.
Mais la mise en abîme ne s'arrête pas là, puisque pour accompagner la sortie de son film, le réalisateur de Huit femmes et d'Été 85 choisit de reprendre à l'identique le visuel pop-art de l'affiche allemande de Querelle, œuvre ultime du grand Rainer sortie en 1982. Sur la base d'un polaroïd pris par Andy Warhol, l'image d'un fond bleu profond (déclinée en deux autres couleurs, blanche et verte) est une représentation idéalisée de deux jeunes hommes, dont les traits sont marqués par des lignes fluides, rouges et jaunes, et une langue écarlate. Le design de Warhol capte parfaitement l'esprit du roman adapté de Jean Genet, Querelle de Brest, et celui du film de Fassbinder. Quarante ans plus tard, Denis Ménochet et Khalil Gharbia reprennent la pose, pour cette relecture de Petra von Kant, œuvre queer, cruelle et colorée.
Delphine Simon-Marsaud est chargée de production web à la Cinémathèque française.