Mai 68 à l'affiche dans les collections de la Cinémathèque

14 mai 2018

La Cinémathèque française conserve une série d’affiches créées pendant les événements de Mai 68, issues du fonds Jacques Poitrat.

« Depuis le 17 mai [1968], les cinéastes (ouvriers, techniciens, auteurs, producteurs, acteurs, musiciens, journalistes, public, etc.) sans distinction d’emploi ou d’appartenance syndicale, sont réunis en États Généraux » comme l’affirme dans son éditorial le n°1 du Bulletin des États généraux du cinéma, titré Le cinéma s’insurge.

Rassemblés à leur début à l’École nationale de photographie et de cinématographie de la rue de Vaugirard, les États généraux du cinéma sont nés selon Bernard Eisenchitz, dans « un mouvement spontané, commencé avec l’occupation de l’école Vaugirard. »

Les cinéastes, déjà mobilisés par l’Affaire Langlois depuis février 1968, des professionnels du cinéma et des étudiants se regroupent en commissions pour réfléchir au devenir du cinéma, à l’évolution de son organisation et de ses structures.

C’est dans ce contexte que sont produites, parmi d’autres, les affiches du fonds Jacques Poitrat. Fabriquées à l’École des beaux-arts, rapidement renommée l’Atelier populaire, les affiches portent en elles les revendications de mai 68. Imprimées dans le feu de l’action dans un format réduit (50 x 70 cm), non signées, elles s’apparentent à des tracts et sont données aux manifestants dans la rue.

Gérard Fromanger fait partie des artistes engagés dans la fabrication des affiches de l’Atelier Populaire. Il évoque l’effervescence de mai 68 en ces termes, lors de la table ronde Mai 68 qui s’est tenue à la Cinémathèque en 2008 : « en un mois, l’Atelier populaire de l’école nationale supérieure des Beaux-arts [produisit] environ 800 à 1000 affiches, [accueillit] environ 300 artistes entre mai et juin 1968 et [vit] passer aux deux assemblées générales quotidiennes plus de 10 000 personnes, dont des ouvriers, postiers, pêcheurs affluant pour expliquer leur lutte afin que leur mot d’ordre accompagné d’un dessin soit repris par les artistes sur les affiches ».

Fromanger y décrit la technique de la lithographie, ses atouts, sa complexité ainsi que le rapide passage à la sérigraphie, un procédé d’impression plus adapté aux circonstances puisqu’il permet aux artistes de réagir vite et d’imprimer les slogans décidés lors des AG quotidiennes sur une grande quantité d’affiches !

Les affiches conservées à la Cinémathèque dénoncent les conditions de travail à l’école Vaugirard (future école nationale supérieure Louis Lumière), la vétusté du matériel et un enseignement en décalage avec son époque. L’IDHEC (future Fémis) fait aussi la grève aux côtés de l’école Vaugirard, ce dont témoignent encore ces affiches.

Jacques Poitrat est passé par l’école Vaugirard. Décédé en 2012, il venait de transmettre ses affiches à la Cinémathèque. Bien avant d’animer la case patrimoine du cinéma muet sur Arte, il a vécu mai 68, participé aux États généraux du cinéma, à la création de la Société des Réalisateurs Français en 1968 et à la naissance de la Quinzaine des réalisateurs en 1969.


Les sources consultables à la Bibliothèque du film :

Bulletin des États généraux du cinéma. 1. Le cinéma s’insurge, Paris, Terrain vague, 1968.

Bulletin des États généraux du cinéma. 3. Le cinéma au service de la révolution, Paris, Terrain vague, 1968.

Sébastien Layerle, Caméra en lutte en mai 68, Paris, Nouveau monde, 2008.

Abidor Mitchell, « May '68 Made Me : Interviews with Michel Andrieu, Pascal Aubier, and Bernard Eisenschitz », Cineaste, Spring 2018