« Nous ne vieillirons pas ensemble » – Roman de Maurice Pialat

Lecture par Mathieu Amalric

« Puisqu'il faut fixer une date, un point de départ... c'est ce matin de mai 66, un samedi matin exactement, où j'ai accompagné Françoise à l'aéroport du Bourget. Elle partait pour Sotchi, en URSS, pour améliorer son russe et prendre des vacances. Françoise s'est mise au russe depuis que je la trompe. Elle a 41 ans depuis deux mois, j'en aurai autant au mois d'août. Nous sommes mariés depuis quinze ans, je la trompe depuis huit, et ça fait six ans que je couche avec Colette, que j'ai rencontrée un soir au Lido des Champs-Élysées. Colette va avoir vingt-cinq ans. »

Nous ne vieillirons pas ensemble est le troisième long métrage de Maurice Pialat, après L'Enfance nue et sa série pour la télévision française, La Maison des bois.

Nous ne vieillirons pas ensemble sort en salles en mai 1972 et, à cette date, c'est son œuvre la plus autobiographique. C'est aussi le film de sa reconnaissance publique, une reconnaissance portée par la popularité des deux acteurs principaux : Jean Yanne et Marlène Jobert.

Fait rare, Maurice Pialat a écrit lui-même le scénario de Nous ne vieillirons pas ensemble, avec l'aide d'Arlette Langmann. Et c'est ce scénario entièrement écrit, dialogues compris, qu'il va filmer à l'automne 1971.

Avant cela, dès 1969, il écrit seul un récit intitulé Nous ne vieillirons pas ensemble, à partir de ses agendas où il avait noté les dates de ses rendez-vous avec « Colette ». Cette écriture romanesque servira celle du scénario.

De ce roman, Jacques Fieschi, scénariste et qui fut acteur pour Pialat dans À nos amours, a écrit :
« L'art de Pialat, celui de ses films, se retrouve dans l'écriture. C'est un art d'une puissante humanité parce que sans précaution, sans scrupule, sans effort pour rendre les personnages sympathiques. Et c'est cela même qui provoque chez le lecteur une compassion poignante. La langue est à la fois économe et triviale, créant un effet singulier, très original. On est dans la peau, le gros grain, "l'homme nu" disait Simenon. C'est un art brut, un art fauve et neuf. »

C'est donc cette chronique d'un désamour annoncée dès le titre, c'est ce récit édité et réédité aux éditions de l'Olivier en 2022, que vous allez entendre, grâce à Mathieu Amalric, acteur et cinéaste, que Sylvie Pialat et la Cinémathèque française remercient vivement d'avoir accepté de porter ce texte.

 


Mathieu Amalric est réalisateur (Mange ta soupe, Le Stade de Wimbledon, Tournée, La Chambre bleue, BarbaraSerre-moi fort...) et acteur en particulier dans les films d'Arnaud Desplechin et des frères Larrieu, mais aussi de Roman Polanski, Luc Moullet ou de Sophie Fillières. Il a tenu son tout premier rôle, à dix-neuf ans, dans Les Favoris de la Lune d'Otar Iosseliani.