Tours et détours des vilains garçons : les films mexicains de Luis Buñuel (1947-1965)
Conférence de Gabriela Trujillo

1 octobre 2020

« Je me sentais si peu attiré par l'Amérique latine que je disais toujours à mes amis : "Si je disparais, cherchez moi partout dans le monde, sauf là", écrit Buñuel dans son autobiographie Mon dernier soupir. Pourtant, le maître aragonais aura vécu près de quarante ans au Mexique, où il dirige vingt de ses trente-deux films, de Grand Casino à Simon du désert en passant par Los Olvidados. Il y est même, en pleine guerre froide, l'une des cibles principales des services secrets mexicains. Mexico devient le lieu de rencontres capitales où le cinéaste collabore avec des intellectuels reconnus (Carlos Fuentes, Elena Poniatowska, Max Aub) et participe à la splendeur de l'industrie cinématographique mexicaine (avec Gustavo Alatriste, Gabriel Figueroa, Arturo Ripstein), employant les grandes stars de l'époque (Silvia Pinal, Libertad Lamarque, Jorge Negrete, Claudio Brook). Terreau de grandes affinités électives, ce faux dépaysement est surtout le lieu incontournable où s'affirme l'univers narratif de Buñuel, puisqu'il y crée une infinité de variations de l'enfermement et de l'hallucination, sans oublier sa satire de la religion et du machisme latino-américains. Ou : ce que le Mexique doit à Buñuel, ce que Buñuel doit au Mexique.