Damnation

lundi 2 mars 2015, 20h30

Salle Jean Epstein

20h30 22h30 (119 min)

Damnation Kárhozat
Béla Tarr
Hongrie / 1987 / 119 min / 35mm / VOSTF

Avec Miklós B. Székely, Vali Kerekes, György Cserhalmi.

Dans une ville industrielle désolée, Karrer tente de conquérir une chanteuse de cabaret dont le mari est au loin, et avec qui il a eu une brève liaison.

Restauration 4K par le Hungarian Film Institute – Filmarchive & Filmlab, sous la supervision de Béla Tarr.


Première partie de la « trilogie démoniaque » (avant Sátántangó et Les Harmonies Werckmeister), Damnation marque un tournant dans l’œuvre de Béla Tarr. L’auteur y fait son entrée dans ce qu’il nomme la part « cosmique » de son cinéma. Il abandonne les couleurs expressionnistes de son précédent opus, Almanach d’automne, et revient au noir et blanc dont il fait un élément fort de sa nouvelle esthétique. Damnation nous présente quatre personnages, des êtres solitaires et souvent veules. Ainsi, le principal d’entre eux, Karrer, ne parvient pas à conquérir son amante ni à agir pour s’enrichir, mais trahira beaucoup. Pourtant l’intrigue n’intéresse que peu Béla Tarr, il la relègue au second plan. Le décor joue désormais un rôle clé dans son cinéma, tout comme les fameux plan-séquences du film. Nous entrons dans une sorte d’hypnose prolongée. Karrer le dit : « Je ne m’accroche à rien, mais tout s’accroche à moi ». Et sans doute est-ce, comme l’a souligné Jacques Rancière, la méthode que se donne le cinéaste : montrer un environnement qui « accroche » ses personnages. Il filme les pluies battantes, les flaques de boue, le brouillard, les murs fissurés, les terrains vagues et les plaines industrielles, des paysages dévastés. Béla Tarr invente ainsi un cinéma radicalement sensible, qui montre la déréliction d’un monde et vient hanter le spectateur avec ses charmes noirs.

Pauline de Raymond