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Donner la parole à « l'homme de la rue » et s'en faire le porte-voix, telle est l'ambition aussi louable que présomptueuse du héros de la fable. Propulsé de son petit monde d'intellectuels et de mondains new-yorkais, qu'il se complaît à mépriser, vers Hollywood, Barton Fink devra confronter son ego de créateur aux réalités d'une industrie qui n'a que peu à faire des velléités artistiques de ses employés. C'est alors qu'ils se sentent bloqués après quatre mois de travail sur le scénario de Miller's Crossing que Joel et Ethan Coen décident de s'offrir une pause en s'attaquant à l'écriture de Barton Fink. Cette histoire d'indépendance de l'auteur face aux executives des studios et d'angoisse de la page blanche sera aussi un portrait de l'artiste en inadapté. Un artiste dont le rapport à la création tient de la maladie (soluble dans l'alcool pour l'alter ego de Faulkner du film) et que son rapport intellectuel au monde coupe de la « vraie vie ». Celle-ci se rappellera à l'auteur en venant lentement contaminer son existence sous la forme d'un voisin envahissant, dans un hôtel métaphorique. Aux bureaux et maisons fastueux et inondés de soleil de l'usine à rêves falsifiés hollywoodiens répond l'hôtel ordinaire dans lequel Barton réside. Lieu de vie pour les « vraies gens », décrépit et suintant la putréfaction. Cette réalité de l'homme de la rue, qu'il a par ailleurs bien du mal à écouter, Barton Fink ne l'habitera jamais qu'en touriste, coupé qu'il est des désirs et de la nature profonde du common man.
Olivier Gonord